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À Bury, plus dure est la reconstruction
Il y a bientôt quatre ans, le Bury FC était expulsé de League One. Depuis, les fans des Shakers se battent corps et âme pour relancer leur club de cœur et retrouver une unité perdue.
« Gigg Lane a 137 ans. Ce stade fait partie du patrimoine de Bury, de l’identité des habitants. » Les mots de James Daly, député conservateur, suffisent pour comprendre le coup de massue asséné aux Shakers le 28 août 2019. En proie à d’importantes difficultés financières, le Bury FC, tout juste promu en League One, est alors exclu de 3e division, puis placé en redressement judiciaire quelque temps après. « C’était dévastateur », se souvient Adam Ingram, suiveur de la formation du Grand Manchester depuis 25 ans. James Daly abonde : « La santé mentale des fans a été touchée. Les clubs sont un moteur social, économique, et cela a disparu. »
D’un club à deux entités
D’abord abattus, les supporters se sont vite remobilisés. Dès décembre 2019, certains ont créé le Bury AFC, qui a intégré la North West Counties Football League (NWCFL) pour le début de la saison 2020-2021. Si cette structure phénix n’évolue pas dans l’écrin historique des Shakers, cela ne l’empêche pas d’attirer des centaines de spectateurs à chaque match. Le BAFC a survécu au Covid, et son équipe masculine se démène actuellement pour monter en 8e division. En février 2022, d’autres fans, rassemblés au sein de la Bury FC Supporters’ Society (BFCSS), ont continué à raviver la flamme, en rachetant notamment le stade. Grâce à des rencontres de charité ou à la section féminine, le football est revenu à Gigg Lane.
Ce tableau plein d’espoir, comparé à celui de 2019, cache son lot de complications. Adam Ingram, aujourd’hui responsable du département média du Bury AFC, détaille les problèmes de calendrier, liés au partage de l’enceinte de Radcliffe avec l’équipe locale : « Nous avons eu plusieurs reports de matchs. Les reprogrammations prennent du temps aux bénévoles. Des affiches ont été déplacées en semaine, ce qui affecte la vie des gens. C’est une situation difficile, qui ne peut pas durer éternellement. Beaucoup sont prêts à travailler dur, mais il faut une solution. »
Fusion et animosité
Cette solution a bien failli être trouvée fin 2022. Les deux entités ont alors essayé de fusionner. Adam Ingram résume le projet envisagé : « Avec l’association des supporters et l’investissement privé, qui est propriétaire à 50-50 de Gigg Lane, ils (la BFCSS, NDLR) possèdent l’actif du terrain. Nous possédons l’actif du club. Ce qui a été proposé, c’est que ces deux assos se réunissent pour n’en former qu’une seule. » Une consultation a donc été organisée. Cependant, cette dernière a révélé certaines tensions au grand jour. En atteste la création du groupe Vote No Merger-Bury FC, à l’initiative d’une manifestation contre l’unification en septembre. « On nous a reproché d’avoir commencé trop tôt. Si nous n’avions pas fait cela, nous aurions perdu l’enthousiasme, il aurait été difficile de repartir », justifie le représentant du club phénix.
Mais le 28 octobre, le verdict tant redouté tombe : la fusion est rejetée. Si le Bury AFC a voté en faveur (94%), la BFCSS n’a pas atteint la majorité requise des deux tiers, avec 63% de voix favorables. Au-delà de la déception, Adam Ingram évoque son incompréhension : « C’était difficile. C’est un sujet sensible. Que vous soyez un partisan, un bénévole, un simple membre ou que vous regardiez de l’extérieur, vous vous dites, c’est de la folie. » D’autant plus que cet échec a contraint le conseil municipal à ne pas verser les 510 000 euros promis en cas d’aboutissement du processus.
Sur cette période, des supporters ont également connu une crise d’identité, comme le confie le membre du board du BAFC : « Les gens m’ont souvent demandé s’ils pouvaient utiliser le surnom Shakers. Je leur ai répondu que oui, s’ils en avaient envie. Mais les gens ont eu du mal à se situer. Aujourd’hui, je dis le Bury AFC et non le Bury FC parce que je dois insister sur le fait que nous ne sommes pas l’ancien club. Nous devons nous assurer que les gens le comprennent, car certains peuvent se sentir offensés. On nous a dit que nous n’étions plus des fans du Bury FC, mais nous ne serions pas des fans si nous n’avions pas fait tout ça. »
Un nouvel espoir ?
Quelques semaines après le refus de la fusion, la BFCSS a déposé un dossier auprès de la NWCFL pour enregistrer sa propre équipe. Cette requête a été, à son tour, rejetée. Alors que les espoirs d’un retour à l’unité semblaient donc évaporés, les deux entités ont conjointement annoncé un nouveau vote, dont le résultat doit être publié le 5 mai. « Les discussions ont porté sur la clarification de notre projet. Tout le monde est un peu plus informé », affirme Adam Ingram. Pour sa part, la BFCSS s’est activement engagée pour récolter les voix qui lui manquaient. En témoigne la récente activité du groupe sur Twitter. Le groupe Vote No Merger-Bury FC œuvre, lui, toujours en faveur du “non”.
La validation de ce deuxième vote s’avère pourtant décisive pour l’avenir du football à Bury : « Le conseil municipal est prêt à investir pour rénover le stade afin qu’il soit adapté à la communauté et au fonctionnement du club », signale Adam Ingram. James Daly va plus loin : « Gigg Lane coûte beaucoup d’argent, même à l’arrêt, et il n’est presque pas utilisé actuellement. Nous n’avons pas cet argent. La fusion ne serait pas seulement meilleure pour le club. C’est le seul endroit de la ville où des milliers de personnes se rassemblent. Il est fondamental pour le bien-être de Bury. »
🔵⚪️ WHAT’S DIFFERENT THIS TIME?
⬇️ Read below ⬇️#ShakersTogether #SecureGiggLane #SecureFootball #BuryFC pic.twitter.com/itpdz6nOkT
— Bury Football Club Supporters' Society (@buryfcss) April 19, 2023
Pas le bout du tunnel
Si elle peut permettre de franchir une étape cruciale, la seule fusion ne marquera cependant pas la fin du périple des Shakers. Selon un courrier envoyé par la Football Association (FA) à James Daly, une autre consultation des fans sera obligatoire pour entériner la reprise et l’utilisation de l’appellation Bury FC en compétition. Après avoir vécu ces années de luttes et tant de rebondissements, Adam Ingram préfère rester prudent : « La FA a écrit : “Vous pouvez fusionner, et si tous vos membres veulent redevenir le Bury FC, alors nous examinerons la question et nous vous soutiendrons dans cette démarche.” Ils n’ont pas encore dit : “Oui, vous pouvez le récupérer.” Donc il se peut qu’il y ait encore du temps avant que la renaissance de Bury ne se concrétise. » Une chose est sûre : en dépit des péripéties, les Shakers, qui célèbrent en 2023 les 120 ans de leur seule victoire en FA Cup, feront tout leur possible pour amener cette reconstruction à son terme et enfin chanter, à nouveau, d’une seule voix.
Par Mathis Rouanet
Tous propos recueillis par MR.
Crédit photos : Facebook AFC Bury
La BFCSS, la NWCFL et le groupe Vote No Merger-Bury FC ont été contactés et n’ont pas donné suite à ces demandes d’interviews.