- Ligue 1
- J24
- Angers-Lille
Angers, le Chabane au fond du pétrin
2020 commence bien mal au Sporting Club de l'Ouest. Côté cour, la dynamique sportive était déjà assez négative depuis la reprise. Côté jardin, le président Saïd Chabane a été mis en examen mercredi pour « agressions sexuelles aggravées et harcèlement sexuel ». Et la réception de Lille ce vendredi vient ponctuer une semaine noire en Maine-et-Loire.
Des lignes blanches, des lignes noires. C’est à cela que l’on reconnaît un joueur du SCO. Et cette semaine, à Angers, toute la question a été de savoir à quel moment les lignes ont été franchies. D’abord mardi, à Monaco, où les hommes de Stéphane Moulin ont vu Robert Moreno s’offrir une première victoire en Ligue 1, malgré les réserves de son homologue français. « [Les Monégasques] ont dû dépasser la ligne médiane trois fois, à peine, après la pause. Vu la physionomie de la rencontre, c’est un hold-up à domicile, assénait le coach français. Ils ont décidé de se replacer dans leur moitié de terrain, ils ont dégagé en touche systématiquement… Avec la valeur des joueurs qui composent cette équipe, c’est incroyable, on ne pouvait pas imaginer ça. » L’amertume est compréhensible, après une prestation plutôt positive dans son contenu, pour une équipe qui n’a pas encore connu la victoire en championnat en 2020 (deux nuls contre Nice et Marseille, deux défaites contre Reims et Monaco) avant d’enchaîner un cinquième match en treize jours ce vendredi contre Lille. « Ça n’arrive pas souvent de jouer de manière aussi rapprochée » , soufflait Moulin ce jeudi en conférence presse. Entrevue médiatique qui a elle aussi bousculé ses habitudes, avec un contingent de journalistes bien plus fourni qu’à l’accoutumée.
Acide Chabane
Car la veille au matin, la désillusion était d’une tout autre nature et la ligne dépassée d’un tout autre ordre. Placé en garde à vue dans les locaux du service régional de police judiciaire (SRPJ) d’Angers après une plainte pour « agressions sexuelles aggravées et harcèlement sexuel » , puis mis en examen dans la soirée, le président Saïd Chabane a mis un coup de projecteur dont est généralement dispensé le SCO. Les faits qui lui sont reprochés ? Quatre jeunes femmes âgées de 25 à 30 ans, dont une salariée et trois ex-salariées, auraient fait état, selon le procureur de la République Éric Bouillard, de « caresses très appuyées sur les parties intimes » à des moments où elles se seraient retrouvées seules avec le boss angevin. « Des éléments à charge très sérieux ont été recueillis à l’encontre de M. Chabane, ajoutait le magistrat. Après la première plainte, trois autres victimes ont été identifiées. La PJ est donc allée les entendre. Ce ne sont pas elles qui sont venues à nous. » Saïd Chabane a réfuté ces accusations durant son audition. « Mon client se dit innocent de ce dont on l’accuse, réagissait mercredi soir son avocat, Me Pascal Rouiller. Il se défend avec calme, avec détermination, et il poursuivra dans les mois prochains ses efforts pour obtenir tout simplement que la vérité soit rétablie. »
Placé depuis sous contrôle judiciaire, le président n’a pas le droit d’entrer en contact avec les plaignantes, mais peut en revanche continuer d’exercer ses activités à la tête du SCO. Une entité qui était bien sonnée après ce coup de tonnerre. Lors de la séance d’entraînement matinale de mercredi, le manager général Olivier Pickeu s’est exprimé devant les joueurs pour faire un bref état des lieux de la situation, tout en indiquant que Saïd Chabane était « serein » face à tout ça. Cette histoire n’a rien à voir avec le sportif, et c’est bien dans ce sens que les rares réactions scoïstes convergent. « On ne connaît pas encore l’histoire, il n’a pas encore été jugé, donc on ne peut rien dire, lâchait en coup de vent Sada Thioub aux journalistes présents à la Baumette. On se concentre plus sur le football. On n’est pas du tout inquiets. » Jeudi en conférence de presse, Stéphane Moulin a également soigneusement évité le sujet. « Ce que vous voulez évoquer, on a dit qu’on n’en parlerait pas, évacuait-il. Je n’ai pas eu le temps de mesurer [l’état psychologue] du groupe, puisqu’on ne s’est vu que hier matin. » Selon lui, si la préparation du match face au LOSC est compliquée, c’est seulement « parce qu’on a eu peu de temps avant le match » . Point.
La douleur angevine
Et si Stéphane Moulin assure être « focalisé sur le match » , cette semaine pourrait laisser des traces dans la vie du club angevin, d’ordinaire si calme et sans remous. Ici, sur les bords de la Loire, les valeurs d’humilité, de travail et de progression douce sont érigées en sacerdoce et sont autant de pierres qui ont permis de retaper la bâtisse blanc et noir après des années à l’ombre. Saïd Chabane a été un des grands artisans de cette renaissance. Acteur économique important dans la région, le PDG et fondateur du groupe d’agroalimentaire Cosnelle, spécialisé dans les produits de charcuterie, avait repris les rênes du club en 2011, à la suite de Willy Bernard. Un prédécesseur qui s’est lui aussi retrouvé dans le viseur de la justice, condamné en 2011 pour divers délits financiers. Mais si Chabane a réussi à installer durablement le SCO en Ligue 1 depuis 2015, c’est parce qu’il a su gagner progressivement sa place auprès des dirigeants influents du championnat de France, au point d’intégrer le conseil d’administration de la LFP. À l’heure actuelle, la stabilité sportive dépend surtout du match de ce vendredi à Raymond-Kopa. Pourtant, dans les mois qui suivent, elle pourrait également se jouer devant un tribunal.
Par Mathieu Rollinger