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Angel et démon
Acheté pour 75,6 millions d'euros par Manchester United l'été dernier après une année 2013/2014 stratosphérique, Ángel Di María est aujourd'hui un remplaçant de luxe dans le Nord de l'Angleterre où il n'a plus débuté un match depuis deux mois. L'ancien meilleur passeur de la Liga est aujourd'hui la doublure d'Ashley Young dans une équipe qui ne joue même pas la Coupe d'Europe. Retard à l'allumage ou flop ?
« Manchester United a une équipe phénoménale, avec notamment le joueur le plus cher de l’histoire de la Premier League qui ne joue pas. C’est un club où le fair-play financier ne fait pas une différence énorme pour eux et ils vont de nouveau investir énormément cet été » , a lâché José Mourinho à Sky Sports il y a peu. L’avantage avec Mourinho, c’est que tous les mots ont une importance. Et leur ordre aussi. Alors quand il mentionne le statut de remplaçant d’Ángel Di María – 76 millions d’euros de transfert – ce n’est pas pour rien. Actuellement, l’Argentin ronge son frein sur le banc de MUFC où il n’a plus débuté un match depuis le 9 mars dernier face à Arsenal. Une rencontre qu’il a d’ailleurs terminé avant les autres, expulsé. Depuis, l’Argentin n’a pas retrouvé le onze de départ de Van Gaal, le Batave lui préférant notamment Ashley Young. Après des débuts plutôt intéressants, le numéro 7 stagne comme jamais chez les Red Devils (30 matchs, 4 buts toutes compétitions confondues).
Pis, on n’a encore jamais (re)vu le génial meilleur passeur du championnat d’Espagne 2014 (17 caviars), le gaucher qui avait survolé la dernière finale de Ligue des champions et la Coupe du monde avec l’Argentine avant de se blesser en quarts de finale. Certains avancent même qu’avec lui, les Argentins auraient battu les Allemands en finale. Bref, toujours est-il que l’ancien de Benfica n’a pour l’instant absolument pas justifié son transfert ni sa réputation dans le Nord de l’Angleterre. Bon, on le sait, Manchester n’était pas la destination privilégiée par le joueur qui se voyait déjà évoluer dans la capitale avec ses potes Lavezzi, David Luiz et Pastore. Le fair-play financier ayant empêché la transaction, Jorge Mendes et ses six téléphones portables ont donc exfiltré l’Argentin vers Manchester United. On a connu choix par défaut plus dégueulasse. Surtout quand les nouveaux copains de classe s’appellent Rooney, Van Persie, Mata et Falcao. Le maître d’école ? Louis van Gaal. Sur le papier, ça avait quand même de la gueule. La mayonnaise n’a pourtant jamais pris.
Un bordel tactique plus tard…
Au fond, pourquoi la greffe n’a-t-elle pas encore pris entre l’Argentin et MUFC ? Bonne question. Les réponses peuvent être multiples. Déjà, l’ancien de Rosario doit s’acclimater à un pays qui ne lui ressemble pas du tout. On le sait, Manchester n’est pas Londres et encore moins Lisbonne ou Madrid. L’enfant de Rosario peine à s’épanouir dans la grisaille d’une ville que la femme de David de Gea, son coéquipier, avait « trouvé plus moche que le derrière d’un réfrigérateur » . Il paye également sa saison 2013-2014 très éprouvante pour son organisme, où le joueur a été sur tous les fronts pendant un an (vainqueur de la C1, en course en Liga jusqu’au bout et finaliste du Mondial). Entre la baisse physique, le changement de club et le bordel tactique mis en place par Van Gaal, Di María n’a plus de repères. Et ça se voit.
Ailier gauche à Lisbonne, il avait trouvé ses marques dans un milieu à trois à Madrid. C’est d’ailleurs à ce poste qu’il avait également brillé avec sa sélection. À United, il n’a jamais su comment ni où évoluer dans les différents schémas de Van Gaal (3-5-2, 3-1-4-2, 4-4-2 diamant ou 4-2-3-1). Dans une équipe sans schéma type ni équipe type, Di María a souffert comme toutes les recrues onéreuses de l’été (Rojo, Falcao). Terminé le Di María qui trouve les copains sur une passe. À MUFC, Di María a perdu son football. Il porte le ballon, s’emmêle les Adidas, joue à contretemps, ralentit le jeu et ne pèse pas assez sur le déroulement des matchs. Pourtant, le sosie de Ratatouille ne désespère pas. Sur le site officiel du club, il a assuré que ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne prenne son envol : « Il y a eu plusieurs matchs durant lesquels les choses ne se sont pas passées comme prévu. Je pense que cela fait partie de mon adaptation à un nouvel environnement et au jeu anglais. J’ai très bien commencé ici, les attentes autour de moi ont grandi, et tout le monde pensait que j’allais continuer à jouer de la même manière. Ça m’a toujours pris du temps pour m’installer pleinement dans chaque pays dans lequel j’ai joué auparavant. » Du temps, donc. Mais peut-on donner du temps à un garçon recruté à ce prix ? Difficile à dire.
« Plutôt mourir que de vivre en lâche »
Et si le problème était ailleurs ? Dans sa tête, par exemple. Victime d’une tentative de cambriolage à son domicile au cœur de l’hiver, le joueur serait encore traumatisé par cette expérience. Ses proches encore plus. À tel point que le Sun aurait avancé l’idée d’une protection rapprochée sous les conseils de… Wayne Rooney. Selon le tabloïd, Rooney aurait suggéré à son coéquipier de faire appel à des Gurkhas pour veiller sur son domicile. Une unité d’élite de l’armée britannique dont la devise est « Plutôt mourir que de vivre en lâche » . Rien que ça.
Touché moralement, mal en point physiquement et pas vraiment en osmose avec les ambitions tactiques de son entraîneur, Di María traîne sa détresse à United depuis plus de six mois. Ce n’est donc pas étonnant de voir reprendre les rumeurs d’un départ vers Paris. À United, ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un joueur sud-américain peine à s’intégrer depuis la jurisprudence Juan Sebastián Verón. Quoi qu’il en soit, au-delà de l’échec sportif pour le moment, c’est Sir Alex Ferguson qui doit apprécier la saison compliquée de l’Argentin. Un Fergie qui avait en son temps fustigé « le fric stupide et les salaires insensés » que dépensait le voisin de City pour construire son effectif avant d’ajouter : « Nous, on investit dans des jeunes joueurs. On les fait grandir, on les forme, et on leur donne les moyens de pérenniser l’identité du club. C’est ça, notre ADN » .
Par Mathieu Faure