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Ange-Casanova, le nouveau chaudron corse
Si l'histoire du Gazélec Ajaccio a émerveillé le petit monde du football lors de la montée en Ligue 1, elle a aussi créé un engouement nouveau autour du stade Ange-Casanova. Une arène totalement unique en Ligue 1 qui affiche guichets fermés à chaque match des Rouge & Bleu, et où se pressent supporters historiques, anciens sur le retour, mais aussi quelques transfuges de l'ACA...
Le Red Star obligé de jouer à Beauvais, loin de son mythique stade Bauer. Le RC Lens qui avait dû squatter le stade de la Licorne d’Amiens au lieu de faire vibrer Bollaert au son des Corons de Pierre Bachelet. Deux exemples parmi tant d’autres de ces équipes forcées de quitter leur antre, pour cause de non respect des normes ou de travaux de rénovation. Le GFC Ajaccio, lui, n’a pas eu à se poser cette question. Il ne possède que deux tribunes, une capacité de 2 800 places, il est coincé entre une voie raide et un champ, et pourtant le stade Ange-Casanova est depuis un mois et demi le théâtre des exploits du Gaz’ en Ligue 1. Un stade dont les travées se remplissent forcément plus vite qu’à l’époque des heures sombres.
Le Kop Boulogne chez René
Scaglia Natale, vice-président du GFC Ajaccio, a été le témoin privilégié du phénomène : « On a toujours eu un public fidèle, mais on avait beaucoup moins de monde quand on était en CFA (…) L’année dernière, le public a commencé à revenir au moment de la phase retour, quand la montée en Ligue 1 approchait. » Après une première partie de saison au rythme de croisière de 2000 supporters de moyenne, la maison du GFC a donc fini pleine à craquer pour les derniers combats de ses héros en Ligue 2. Natale estime aujourd’hui que les irréductibles de son public représentent environ 1000 personnes. Des gaziers purs souches, descendants de leurs grands-pères ou grands-oncles qui ont fondé le club, qui ont repris le flambeau. Mais hors de question de considérer les nouveaux venus comme des opportunistes, Mister Vice President les voit plutôt comme « des amoureux du football et de la Ligue 1, qui veulent voir de belles équipes » . René, patron du bar le 20134 à Paris, « LE bar du Gazélec » comme il l’affirme, fait lui aussi désormais salle comble chaque week-end. « J’ai beaucoup de gens de Corse, mais j’ai aussi converti des Parisiens au Gazélec ! J’ai même des anciens du Kop Boulogne qui viennent voir les matchs chez moi ! » , balance-t-il fièrement. Du rouge et bleu du PSG à celui du GFC, presque logique dans le fond.
Les infiltrés
Le chemin est-il plus long entre le stade François-Coty, terre de l’ACA, et Ange-Casanova ? René, déchaîné derrière son comptoir, le jure : « Les gens de l’ACA ne viennent pas chez nous, et on ne les veut pas ! (…) Si l’ACA va en finale de Coupe de France, j’espère qu’ils perdent ! » , avant de conclure sur un clairvoyant : « Mais je suis chauvin, ça n’engage que moi. » Scaglia Natale se montre plus pondéré : « Il y a des supporters de l’ACA qui ont pris leur carte au Gazélec, et même qui ont leur carte aux deux clubs. (…) On se moque un peu, on leur dit « Tiens, voilà les chats noirs », mais c’est que de la chambre, de la magagne, c’est un de nos sports favoris. » Autre raison de la bonne santé du public du GFC, le retour des anciens, dégoûtés pas les années noires et les galères des divisions inférieures. Des supporters volatiles à qui les Companieros, l’un des kops de Casanova, réservent cette banderole écrite en corse et déployée à chaque match : « Quand tout Ajaccio a retourné sa veste, nous sommes toujours restés rouge et bleu » . Daniel Di Grazia, issu d’une famille historiquement liée à l’ACA, s’en amuse : « Dans quelques années, quand on sera remontés et eux redescendus, c’est nous qui pourrons dire la même chose ! » , avant d’affirmer que la rivalité est « saine, dans une petite ville où tout le monde de connaît » . Pour preuve, René invite même les gens de l’ACA à venir regarder les matchs de ses chouchous dans son bar, « ils verront un match de Ligue 1 à Ajaccio, ce qu’ils ne sont pas près de revoir ! » La magagne, encore et toujours.
Tous propos recueillis par Alexandre Doskov