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Anelka, une histoire belge ?
Samedi dernier, Nicolas Anelka a créé la surprise en se pointant au match amical du Royal Géants Athois, 4e division belge. Il matérialisait ainsi le processus de reprise du club par son clan. Tentative d'éclairage sur la nouvelle idée de Nico.
Il est là, accoudé à la main courante. Barbe bien taillée, baskets bleues, lunettes noires, Nico observe. Peut-être la pelouse roussie lui rappelle-t-elle celle du FC Trappes-St Quentin de sa jeunesse. Autour, les arbres ont remplacé les tours et l’accent a changé. Nous sommes au stade Léon Velghe de Warcoing, village wallon de 500 habitants. Sur le terrain, contre l’hôte du jour, joue le Royal Géants Athois, le futur club du Français, qui n’a pas encore d’équipe : tous les joueurs présents sont à l’essai. Il y en a beaucoup d’ailleurs, attirés par le clinquant du patronyme annoncé. Samir Berrada est venu de Lille, il l’explique au micro de RTL.be : « Comme c’est Nicolas Anelka, c’est quelqu’un de connu, ça va donner de l’ambition. » Mais de quelle ambition parle-t-il ?
Une casquette à quelques plaques
Il ne faut pas remonter bien loin pour reprendre le fil. « Il y a un bon mois » , selon Fabrice Van Robays, missionné pour organiser le rachat d’un club par Nicolas et ses amis. Il est en l’occurrence contacté par Doug Pingisi, manager et conseiller d’Anelka depuis 1998 : « On se connaît par le réseau, dans le milieu du football. On a été présentés il y a environ deux ans, et pour différentes raisons, on est restés en contact. Moi, je suis manager de clubs en Belgique depuis douze ans, je connais bien le pays, d’où le fait que Doug m’ait appelé pour me dire qu’il était à la recherche du rachat d’un matricule en Belgique. » C’est ainsi que l’on nomme l’affiliation à la Fédération, dans le coin. Pour le RGA, c’est le 2899, qui lui a permis de jouer la saison passée en Division 3. Et qui lui permettra de jouer l’année prochaine en Promotion, soit le 4e et dernier échelon national. Grâce à Nicolas.
Le club aurait dû se déclarer en faillite au 30 juin. Le bourgmestre d’Ath, la commune de 30 000 habitants qui abrite les Géants depuis 1929, détaille : « Ce club a déjà fait pratiquement faillite il y a cinq, six ans, parce qu’il y avait un mentor qui avait beaucoup d’argent, qui du jour au lendemain a fait des folies, s’est laissé entuber par des personnes mal intentionnées. Ça a été repris par Michel Vanescure, un excellent chef d’entreprise, mais qui n’avait sans doute pas assez de temps pour tenir tête aux managers en place. Des managers véreux, point ! » Résultat, une dette de l’ordre « de 300 000 à 400 000 euros » et une impossibilité de payer les joueurs, qui se mettent en grève. Cela mène à un mémorable 0-16 des espoirs contre Deinze, candidat à la montée, suivi logiquement d’une relégation sportive en Promotion. La municipalité trouve une nouvelle structure pour l’école de foot, alors que le club se prépare à disparaître et que ses dirigeants sont dans la merde : « Leur responsabilité individuelle était engagée. Ils avaient tout intérêt à courir à droite à gauche pour trouver des solutions. » Or, Nico Anelka est le genre d’homme que l’on rencontre lorsqu’on dézone.
C’est aussi une signature loin d’être anodine. Mais, pour Fabrice Van Robays, « le nom de Nicolas Anelka n’est jamais sorti avant samedi dernier. Je présentais seulement « un groupe d’investisseurs français ». Sans nom. À la base, je ne savais même pas forcément qui était derrière non plus. Je ne suis pas quelqu’un de curieux. C’est bien comme ça (rires).On n’a pas besoin de déborder quand on discute. Moi, je suis focalisé sur le rachat du club pour le groupe d’investisseurs, et pas sur le rachat du club par Nicolas Anelka. » Mais il a bien fallu que le Nico sorte de sa tanière. Une première fois samedi dernier donc : « Il arrive simplement avec Doug, ils se baladent aussi librement que toi et moi. Les gens le respectent et il est accessible. Il a fait beaucoup de photos, s’est rendu disponible pour le staff de Warcoing qui lui a demandé de dédicacer un maillot. Y a pas de garde du corps, tout ça. » Une simple promenade dominicale. Dont il repart tout de même allégé de quelques billets et habillé d’une nouvelle casquette de président (le rachat sera finalisé dans la semaine). Restent deux questions : pourquoi, et pour quoi faire ?
Une franchise pour madame ?
Le choix de la Belgique n’est pas forcément étonnant pour qui se penche sur le cœur d’Anelka, proche de signer au Standard en 2014 : il est officiellement pris depuis 2007 par Barbara Tausia, une chorégraphe belge. Et Ath est à 60 km de Charleroi, le berceau de sa belle. Est-ce une raison suffisante ? « Les investisseurs voulait absolument un club vierge de conseil d’administration, c’était une condition incontournable. Ils voulaient arriver et faire leur aventure ensemble, travailler entre eux. Ne pas s’investir auprès de gens qu’ils ne connaissaient pas, certainement. Après, c’est une conclusion personnelle, moi j’ai jamais posé la question à Doug. C’est ce qu’il voulait, donc c’est comme ça que j’ai travaillé. » Le bourgmestre tente de compléter : « J’imagine qu’il cherche à s’assurer une carrière pro dans l’encadrement, rester dans le milieu footballistique, comme le font certains coureurs cyclistes. Ils essaient de trouver la planche qui leur permettra de tirer le maximum de profits de leur statut de joueur international. Je ne vois rien d’autre. De toute façon, on ne connaît jamais la motivation profonde des gens. » Surtout lorsqu’ils portent des lunettes noires.
Alors, pour quelles ambitions ? Fabrice Van Robays a une idée plus claire de la chose, lui qui sera le futur manager du club : « L’objectif, c’est de prendre tout ce qu’on peut prendre tout de suite. On va tout faire pour jouer quelque chose d’intéressant, mais on est lucides. On s’est fixé la division 2 sur cinq ans. Par la suite, on essaiera certainement de se préparer pour voir si on peut gravir encore un échelon. Je suis incapable de vous dire combien de temps vont rester les investisseurs. Mais si Doug me dit qu’ils visent la division 2 dans cinq ans, c’est qu’ils vont rester au moins sur cette période. » Le temps, en fait, de créer un nouveau club. Car s’il y a les joueurs à recruter et l’école de foot à reformer, il y a aussi un nouveau nid à trouver. La municipalité, anticipant la faillite, a attribué le stade à un autre club local. Peu importe, l’idée n’était pas de s’éterniser : « En Belgique, on peut racheter le matricule d’un club et aller jouer à l’autre bout du pays. Le choix du stade n’est pas arrêté, nous sommes en discussions. Quant au nom, on doit attendre la saison prochaine pour changer, mais il sera changé. » En fait, Nicolas Anelka s’est acheté une franchise. En avait-il réellement besoin ?
Par Eric Carpentier
PS : Le futur président, mais aussi entraîneur et joueur du Mumbai City FC (à partir d'octobre) sera présent ce soir à Deux-Acren pour un match amical de son nouveau club. L'occasion ou jamais de croiser un homme occupé.