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Anel Ahmedhodžić, au nom du père

Par Nelio Da Silva
6 minutes
Anel Ahmedhodžić, au nom du père

En signant leur dernière recrue du mercato d’hiver version 2021-2022, les Girondins de Bordeaux ne se sont pas seulement procuré un défenseur prometteur à la palette technique développée pour un gabarit comme le sien en la personne d’Anel Ahmedhodžić. Ils ont également mis le grappin sur un gamin qui a été façonné par un père, Mirsad, à la personnalité haute en couleur.

Un soir de Nouvel An, un père, son fils de 16 ans et un ballon. Le soleil, lui, s’est couché depuis belle lurette et l’obscurité du ciel suédois n’est interrompue que par les feux d’artifice tirés pour célébrer l’arrivée de l’année 2016. « Jusqu’à minuit, nous avons couru », se souvient Mirsad Ahmedhodžić, père d’Anel, dans une interview pour Aftonbladet. Le fils ne soufflera ses dix-sept bougies que dans quelques mois, mais sa carrière de footballeur a déjà pris un tournant. En janvier, il quittera sa ville natale et son club de Malmö pour rejoindre l’Angleterre et Nottingham Forest. International U16 et U17 avec la Suède, il part à la conquête d’un nouveau pays, un nouveau monde à l’échelle du gamin qu’il est. À ses côtés, son père, dont la carrière de footballeur fut avortée par la guerre en Bosnie, se mue en coach personnel. Un costume qui lui tient à cœur depuis que son fils est en âge de marcher et qui a sans doute permis à son fils de taper à 22 ans dans l’œil des recruteurs bordelais.

Gregersen, Berg, Cajuste… Les jeunes talents venus du Grand Nord sont nombreux à avoir choisi un tremplin en forme d’Hexagone pour s’offrir de la visibilité et faire décoller leur carrière. De leur côté, les Marine et Blanc ont coché le nom d’Ahmedhodžić pour tenter de colmater les brèches de la pire défense (et de loin) de Ligue 1. Un recrutement aux allures de bonne surprise pour les suiveurs du club au scapulaire tant il est présenté comme un footballeur prometteur. Un défenseur au profil qu’on pourrait qualifier, à raison cette fois-ci, de « moderne ». Anel Ahmedhodžić est toujours partant lorsqu’il s’agit de remonter le terrain depuis l’arrière, balle au pied ou en allongeant les transmissions. En deux matchs avec les Girondins, il est même parvenu à écrire une première ligne de statistiques avec sa passe décisive, dans le jeu, pour Hwang Ui-jo lors de la défaite à Lens (3-2).

Des erreurs, des doutes et un retour gagnant

S’il a disputé la totalité de ses deux premiers matchs avec les Girondins, Ahmedhodžić n’est pas toujours parvenu à s’imposer aussi rapidement partout où il est passé. À Nottingham d’abord, entre 2016 et 2019, son coach Philippe Montanier ne le lance que pour six minutes avec l’équipe première. Au bout de trois ans : retour à l’envoyeur, le Malmö FF insistant pour récupérer son joyau détérioré en Angleterre. Mais là encore, Anel rencontre des difficultés. Son coéquipier de l’époque, Fouad Bachirou, se souvient d’une erreur en Svenska Cupen qui avait mis un coup à la confiance du grand gaillard (1,95m) : « Le coach lui était tombé dessus, plus ou moins durement, ça l’avait pas mal affecté. » Direction le Danemark et Hobro pour se refaire la cerise et assurer du temps de jeu avant de revenir chez les Himmelsblått. « À son retour, il était devenu beaucoup plus mature, commente le milieu de terrain comorien. Il faisait beaucoup plus attention et, quand il faisait des erreurs, il les encaissait beaucoup mieux. » L’année 2020 est celle de la montée en puissance pour Anel. Il découvre la sélection suédoise en janvier, la Ligue Europa en février, obtient une place de titulaire dans son club, remporte le championnat avec Malmö, mais surtout, il doit négocier son duel face à un adversaire de taille : le choix de sa sélection. Lancé durant un match amical avec les Blågult, il se tourne finalement vers la Bosnie-Herzégovine, pays d’origine de son père qui poussait pour que son fils prenne cette décision. « Il se sent suédois aussi, mais j’ai toujours senti qu’il était fier de ses racines, commente Bachirou. Il a toujours hésité, et son père voulait qu’il rejoigne la Bosnie. »

Un père qui devient de plus en plus présent au fur et à mesure que la carrière de son fils avance. Commentaires sur les réseaux sociaux, démentis de rumeurs de transfert, brouille avec l’agent de son fils… Le costume de coach personnel étant devenu trop grand pour lui, Mirsad Ahmedhodžić enfile désormais celui de premier défenseur de sa progéniture sur internet. Une Véronique Rabiot au masculin qui ne manque pas de se faire recadrer par son fils si besoin. Comme après un épisode où le paternel avait accusé l’agent d’Anel, Markus Rosenberg, de vouloir le tromper et de faire capoter des deals avec de grands clubs européens. « Je suis très déçu, s’était exprimé Anel à ce sujet à Kvällsposten. Il ne m’a pas soutenu correctement, encore moins maintenant, alors que tout va si bien pour moi. » Qu’importe la friture sur la ligne, Mirsad devient un acteur à part entière de la carrière de son fils, au point d’avoir sa propre page fan sur Instagram.

Mirsad et Zlatan, deux figures encombrantes

Fouad Bachirou a forcément entendu parler du papa de son ancien coéquipier à Malmö. S’il assure n’avoir jamais échangé avec lui, il raconte comment le vestiaire vivait l’omniprésence du paternel. « On racontait dans le vestiaire qu’il mettait des commentaires sur Facebook en disant que son fils était meilleur qu’untel… Ça faisait rigoler. Une fois, on m’a raconté qu’il disait que son fils devrait jouer à Barcelone. Il a le droit de penser que son fil est meilleur que tel joueur du Barça… Après.. On en a rigolé, Anel aussi d’ailleurs. » Même si le comportement d’Ahmedhodžić senior faisait sourire dans le vestiaire du champion de Suède 2020 et 2021, ce comportement assez envahissant et la pression mise sur sa descendance peut s’expliquer par la frustration d’une carrière tuée dans l’œuf par la guerre de Bosnie. Alors qu’il était un bon joueur de D2 yougoslave, Mirsad Ahmedhodžić effectue ensuite des essais concluants avec le FK Sarajevo, quelques jours seulement avant le siège de la capitale bosnienne en 1992. Il mettra ensuite quatre longues années à rejoindre sa mère et son frère tous deux partis en Suède. Les Ahmedhodžić résident alors à Rosengård, un quartier de Malmö, au milieu d’une forte communauté d’origine bosnienne parmi laquelle un certain Zlatan Ibrahimović venait tâter le cuir avec « les grands des Balkans », selon les propres dires de Mirsad dans une interview pour Sportbladet. En prenant une nouvelle fois ses distances avec son camp de base suédois, Anel a cette fois l’opportunité de s’émanciper et de faire à Bordeaux les choses à sa manière, malgré la tempête que traverse son nouveau club. Là est peut-être sa chance : la pression ne sera jamais aussi forte que celle que lui a mise son père jusqu’ici.

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Par Nelio Da Silva

Propos de Bachirou recueillis par NDS.

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