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- Australie-Pérou (0-0, 5-4 TAB)
Andrew Redmayne, le héros inattendu de l’Australie
Grâce à sa victoire aux tirs au but face au Pérou ce lundi soir (0-0, 5-4 TAB), l'Australie disputera le sixième Mondial de son histoire en novembre prochain. Une qualification acquise grâce à celui qui était pourtant chaudement installé sur le banc au coup d'envoi et qui aurait dû y rester : le gardien de but Andrew Redmayne. Un authentique exploit pour celui qui avait tout sauf la gueule de l’emploi.
Il fallait le voir danser sur sa ligne à la manière de Guignol, cette marionnette totalement désarticulée. À la différence près qu’Andrew Redmayne aurait plutôt été manié par un vulgaire amateur que par un spécialiste du genre. Et surtout, plus important, il n’a fait rire personne ce lundi soir. Surtout pas les Péruviens, écartés du prochain Mondial grâce à un arrêt du portier australien sur l’ultime tir au but d’Alex Valera. Rien ne prédestinait pourtant celui qui avait pris place sur le banc au coup d’envoi de cette partie a devenir le successeur de Tim Cahill dans le cœur des Australiens.
Danse avec les tireurs
Alors que les dernières secondes du temps réglementaire de la prolongation s’égrainent lentement sur le tableau d’affichage, Graham Arnold se voit contraint de faire entrer Craig Goodwin en lieu et place d’Aziz Behich, blessé. Rien de bien surprenant jusque-là, sauf que dans la foulée, le sélectionneur des Aussies place ensuite des actes sur ses mots. « Les Péruviens vont être surpris », avait-il indiqué la veille en conférence de presse, en évoquant plutôt la qualité technique de son équipe. Mathew Ryan, son capitaine, a lui aussi dû cligner des yeux pour s’assurer que c’était bien son numéro que le quatrième arbitre affichait sur son panneau lumineux. À sa place, l’ancien joueur de Sydney United lance Andrew Redmayne. Si Louis van Gaal avait lancé Tim Krul dans les mêmes conditions en quarts de finale de Coupe du monde 2014 face au Costa Rica, c’est parce que le portier de Newcastle affichait de solides statistiques sur penalty. Tout le contraire de son homologue australien, qui n’avait stoppé que 4 petites tentatives sur les 31 auxquelles il avait dû faire face. Pourtant, 12 tirs au but plus tard et après avoir fait inlassablement danser les tireurs péruviens, le nouvel entrant semble totalement perdu au moment d’aller célébrer et finit par se retrouver planté au sol, la bouche grande ouverte avant de finir enseveli sous ses partenaires euphoriques.
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— FIFA World Cup (@FIFAWorldCup) June 13, 2022
Une attente aussi longue que sa barbe
Une belle récompense pour un joueur qui n’hésite pas à faire passer l’intérêt des autres avant le sien. Ainsi, au mois de mars, il n’hésitait pas à dénoncer le manque de confiance auquel devaient faire face les jeunes gardiens en Australie : « Il y a des pièges dans le système dans lesquels les garçons tombent et se perdent un peu. » Plus encore, celui qui arbore une barbe qui rendrait jaloux plus d’un imberbe évoque même la situation de son coéquipier Tom Heward-Belle : « J’ai été à la place de Tommy. J’ai été un numéro deux dans de nombreux clubs, sans jouer et assis sur le banc chaque semaine. C’est dur. » Et encore, il a même connu pire. En 2005, alors âgé de 16 ans, il part à la conquête de l’Europe avec le New South Wales Institute of Sport (un institut de formation de haut niveau situé en Australie). Lors d’une rencontre face à Arsenal, il tape dans l’œil des recruteurs des Gunners et se voit offrir l’opportunité de rejoindre l’Angleterre. Quelques jours plus tard, ceux qui évoluent encore à Highbury se rétractent alors que le natif de Gosford planifie son déménagement : « Ils m’ont répondu en disant :« Nous venons de signer un jeune gardien de but et nous ne pouvons pas avoir neuf gardiens de but pour trois équipes, donc vos services ne sont plus nécessaires. » » Le gardien en question ? Un jeune Polonais répondant au doux nom de Wojciech Szczęsny. Dix-sept ans plus tard, Redmayne n’a finalement jamais quitté le championnat local et a dû patienter jusqu’en 2017 et un transfert au Sydney FC pour être enfin installé comme un titulaire indiscutable en club, à 28 ans.
En sélection, il attend encore sa chance. « Je ne me fais aucune illusion sur ma position dans la hiérarchie. Honnêtement, je savoure chaque occasion qui m’est donnée de faire partie de l’équipe nationale », avouait-il récemment. Et l’occasion a fini par se présenter pour celui qui se révèle être un petit cachotier.
Le plan parfait
« C’était un plan qui a été lancé il y a six semaines. Je ne pensais probablement pas que ça se terminerait comme ça, mais plus le camp se prolongeait, plus je me sentais à l’aise, confesse le héros. John Crawley(l’entraîneur des gardiens)m’a exposé cette théorie et m’a dit :« Prépare-toi à ça. » J’ai toujours eu à l’esprit cette idée pour le match contre les Émirats arabes unis, c’était en quelque sorte prévu entre le staff et moi. » Même son compère titulaire dans les buts et capitaine de l’équipe, Mathew Ryan, n’avait pas été informé de ce pari tactique que s’apprête à tenter son sélectionneur. « Je ne pense pas que mes coéquipiers étaient au courant, mais je pense que quelques-uns d’entre eux ont dû avoir des doutes à la mi-temps(de la prolongation)lorsque j’ai fait quelques exercices d’échauffement », révèle Redmayne.
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— Socceroos (@Socceroos) June 13, 2022
Avant de poursuivre : « C’est une surprise pour les Péruviens dans le sens où ils se sont préparés toute la semaine en pensant que Maty Ryan allait être dans les buts, et ensuite me mettre en place les a un peu déstabilisés. » D’autant plus que le barbu de 33 ans n’a cessé de gesticuler dans les buts, indiquant qu’il était prêt à « gagner un ou deux pour cent en faisant quelque chose de stupide et en(se)ridiculisant. » Il n’a finalement suffi que d’un arrêt, le plus important de sa carrière, Luis Advíncula ayant auparavant buté sur le montant. Alors qu’il y a encore quelques semaines, il lançait solennellement un appel pour que les jeunes portiers australiens bénéficient de plus de temps de jeu en championnat, le voilà désormais, à 33 ans et trois sélections, solidement installé dans le groupe qui se rendra au Qatar en novembre prochain.
Par Florian Porta