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Andrew Jung : « Avant, je pensais surtout à être beau »
Large meilleur buteur de National 1, Andrew Jung, gâchette de Quevilly Rouen Métropole , a inscrit, lundi, à Orléans, le premier triplé de sa carrière, portant ainsi son total à 21 buts en 24 matchs. Entretien avec un mec qui a appris à se salir.
Tu viens d’inscrire, à Orléans (3-4), le premier triplé de ta carrière. Qu’est-ce qu’on fait d’un ballon de match ?On le garde, bien au chaud ! (Rires.) Pour l’instant, il est chez moi. Je l’ai fait signer par toute l’équipe. C’est un bon souvenir, faut que ça continue… En plus, ça s’est enchaîné très rapidement, puisque j’ai marqué les trois buts en sept minutes. Si tu ajoutes à ça le scénario du match, qui est complètement dingue, c’est difficile de faire mieux. Il fallait aller chercher cette victoire, on l’a fait, c’est aussi ça l’important.
Cette saison, tu es l’un des meilleurs buteurs français toutes divisions confondues avec 21 buts marqués en 24 matchs de National 1. Tu es surpris par cette réussite ? Surpris, non. J’étais confiant en début de saison et je suis venu à QRM pour faire ce que je fais maintenant. Je suis plutôt ambitieux et j’essaie de tout faire pour que ça ne s’arrête pas.
Il paraît que tu as rapidement compris que tu avais quelque chose à faire dans le foot. Comment as-tu senti ça ? Déjà, parce que je suis passionné par ce sport, depuis tout petit. Je baigne dans le foot depuis très très jeune et j’ai toujours su m’en sortir, gravir les échelons… Tu as aussi une part de chance. J’ai toujours su qu’elle arriverait un jour et j’ai su la saisir. Pour l’instant, ça tourne pas mal, puisque je vis certainement ma meilleure saison. Au fond, j’espère en vivre des meilleures. Ici, ma réussite, c’est un tout : j’ai une bonne équipe autour de moi, un coach qui me fait confiance, je commence quasiment tous les matchs titulaire, je tire les penaltys, je n’ai presque pas manqué une minute…
Justement, tu parles du coach, Bruno Irles, qui a déjà fait monter Pau en Ligue 2 la saison dernière avant de quitter son poste. Là, il est en train de réussir de nouveau une montée avec QRM. C’est quoi le secret ? C’est quelqu’un de très pointu et, par exemple, moi, je fais beaucoup de séances spécifiques pour les attaquants avec lui. Il sait nous faire bosser en situation de match, pas bêtement sur des séquences sans adversaire que l’on ne retrouvera pas le week-end. Là, ça nous aide à visualiser et à se préparer. Grâce à ça, il y a moins de surprises le vendredi.
Est-ce que tu travailles aussi en t’inspirant de certains autres buteurs ? Bien sûr. Je ne vais pas être original, mais je m’inspire d’Harry Kane, de Lewandowski, de Zlatan… Ce sont des mecs qui marquent des buts, tout le temps, dans n’importe quelle position, et font gagner leur équipe. Il n’y a pas grand-chose de plus inspirant, donc je regarde pas mal de vidéos. Je trouve que ça aide à découvrir de nouvelles facettes pour grandir. Par exemple, je ne marque pas beaucoup de la tête, alors que je fais 1,92m. J’essaie d’améliorer ça. J’ai réussi à marquer quelques buts comme ça ces dernières semaines, ça doit devenir un gros point fort. Ça commence à venir, et regarder d’autres attaquants m’aide dans cette démarche. Ça marche aussi pour les appels. Typiquement, un attaquant comme Lewandowski est toujours bien placé. S’il met 32 buts en 24 matchs de championnat, ce n’est pas du hasard, donc il faut essayer de reproduire certaines choses. Je suis à 21 buts en 24 matchs, c’est pas mal, mais ce n’est pas encore aussi bien que Lewandowski. (Rires.)
Tes coéquipiers te parlent de tes chiffres ? Oui, ils me chambrent un peu, mais moi, je leur répète que c’est grâce à eux que j’en suis là. Un attaquant ne dépend pas que de son équipe, mais en grande partie quand même. Ce qui est marrant, c’est que je n’ai pas toujours été attaquant. J’ai même commencé défenseur central et j’ai grimpé progressivement sur le terrain en grandissant : défenseur central, six, dix, puis neuf…
C’est tout ce qui a changé ? Non, il y a aussi le fait qu’avant, je pensais surtout à être beau. Je recherchais plus l’esthétique que l’efficacité. Quand je dis avant, je parle d’il y a deux ans. Je trouve que j’étais beau à voir jouer parce que je décrochais, que je touchais beaucoup le ballon, que je faisais de belles déviations… Mais je ne marquais pas beaucoup. Cette saison, il y a eu ce déclic, et je suis devenu un mec qui marque. J’adore ça, c’est comme une drogue. Maintenant, je me fiche de tacler dans la boue, de me salir pour marquer. Un but, c’est un but. Après, si je peux lâcher une frappe de 30 mètres dans la lucarne à chaque match, je ne vais pas bouder non plus.
Quelqu’un t’a demandé de ne plus réfléchir à la beauté du geste ? En arrivant à Châteauroux, Jérôme Leroy m’a un peu aidé là-dessus, oui. Il m’a dit qu’il aimait bien mon profil, qu’il appréciait ma qualité technique, mon style de jeu, mais il m’a aussi dit que si je voulais aller plus haut, il me fallait des stats, donc plus de présence dans la surface adverse. J’ai essayé de l’écouter parce que c’est quand même lui qui est venu me chercher quand j’étais en prêt à Concarneau, lors de la saison 2018-2019, lui qui m’a fait comprendre que je pouvais prétendre à une place dans un club de haut niveau…
Comment expliques-tu, avec du recul, que tu n’as pas vraiment eu ta chance à la Berrichonne après ton arrivée lors de l’été 2019 ? Déjà, il faut savoir, sans me chercher d’excuses, que je suis arrivé un peu blessé à Châteauroux et que j’ai raté toute la préparation à cause d’une gêne à la cuisse. Du coup, je n’ai rien fait pendant deux mois. J’ai ensuite été titularisé quatre fois parce que le coach n’avait pas trop le choix compte tenu des absences. Je n’ai pas été nul, mais je n’ai pas forcément été au niveau que j’affiche aujourd’hui. Résultat, je n’ai ni eu beaucoup de temps de jeu ni la totale confiance de l’entraîneur, donc j’ai demandé à partir. C’est une épreuve dans une vie, mais j’ai senti qu’il me fallait retourner en prêt quelques mois à Concarneau pour mûrir un peu plus.
Pour un gars comme toi, qui est passé par un centre de formation, à Reims, on se dit qu’il y a eu une forme de curiosité d’aller à Concarneau, au niveau amateur… C’est clair qu’il y a eu de ça, et cette expérience m’a aidé. À Reims, j’étais dans un cocon, dans le confort du jeune de centre de formation. À Concarneau, j’ai connu autre chose : les entraînements à 18h, des coéquipiers qui bossent à côté… Ça a été une mise en danger heureuse.
Un jour, tu as dit à France Football que jouer au Barça, à Chelsea ou au Real pouvait devenir une réalité. Tu y crois vraiment ? J’ai toujours eu confiance en mes capacités et quand je vois le parcours d’Olivier Giroud, je suis inspiré. Il y a quelques années, il était au même niveau. Aujourd’hui, il est champion du monde, donc pourquoi pas y croire ? Rien n’est impossible. Une carrière, c’est des marches, et quand Bruno Irles m’a convaincu de venir à QRM, c’était aussi pour ça : il veut que je devienne un très bon joueur. Moi, je veux aussi prouver que je peux devenir ce très bon joueur.
En repartant en prêt cette saison, tu avais aussi envie de prouver quelque chose à Châteauroux ?Il y avait un choix sportif, un staff qui ne comptait pas vraiment sur moi, et je l’ai rapidement senti. Quand un coach ne compte pas sur toi, ça ne sert pas à grand-chose de rester là, à attendre… Je me suis dit : « Autant être prêté en National et prouver qu’ils avaient peut-être un peu tort… » Il y a un peu de revanche, je ne le cache pas, même si c’est un grand mot, parce que les dirigeants de la Berrichonne ont toujours pris de mes nouvelles. Mais oui, je suis venu à QRM pour montrer ce que je sais faire et que je peux jouer au niveau supérieur.
Aujourd’hui, tu es quand même dans une drôle de situation : tu vas peut-être monter en Ligue 2 avec QRM alors que Châteauroux, où tu vas retourner cet été, risque de descendre en National. C’est particulier, mais c’est comme ça. Je continue de regarder tous les matchs de la Berrichonne, et la suite, on verra. Je suis sous contrat avec Châteauroux, j’ai prolongé avant de partir en prêt à QRM…. Avant ça, il y a une saison à boucler et des buts à planter.
Propos recueillis par Maxime Brigand