- Fête de la musique
Andreas Zikos : « Didier Deschamps n’aime pas les solistes »
Aujourd'hui, c'est la Fête de la musique. Alors, en ce 21 juin, qui d'autre qu'Andreas Zikos pour une interview nostalgie ? À Monaco, le milieu défensif grec a atteint la finale de Ligue des champions sous les ordres de Didier Deschamps, mais n’a pas participé au sacre de l’Euro 2004.
Vous avez arrêté votre carrière de joueur en 2008, que faites vous aujourd’hui ?À la fin de ma carrière en 2008, je suis devenu directeur des Académies de jeunes de l’AEK Athènes pendant quatre ans et j’ai ensuite été directeur sportif d’un établissement privé en Sports études pour quatre ans également. Et aujourd’hui, je réfléchis à la suite. En Grèce, on n’a pas beaucoup d’établissements sportifs et je pense qu’il faut que cette combinaison sport-études commence quelque part pour aider au développement du sport.
L’Euro a débuté, sans la Grèce. Comment vous expliquez cette absence ?On se trouve dans une période de transition. On a réussi de belles performances au début des années 2010 avec Fernando Santos. (Qualifications en quarts de finale de l’Euro 2012 et en huitièmes de finale de la Coupe du monde 2014, NDLR.) À partir du moment où il est parti, les choses se sont compliquées. Il n’y a pas eu de chimie entre les entraîneurs suivants, les staffs et les joueurs. On a connu beaucoup d’échecs depuis et on a perdu de nombreuses places au classement FIFA. Mais on a ouvert un nouveau cycle avec le sélectionneur actuel (le Hollandais Van’t Schip) et on commence à voir des résultats positifs. On n’est pas un pays qui traditionnellement participe aux grands tournois, donc ça ne me semble pas non plus un échec énorme. Mais je crois qu’il faut surtout travailler sur la question des infrastructures.
Comment vous expliquez que la Grèce n’a pas su surfer sur la victoire à l’Euro 2004 pour développer ses infrastructures et son football ?Il n’y a pas la mentalité qui permette d’investir dans le développement et la formation des footballeurs. Ce qui nous intéresse en Grèce, c’est le résultat immédiat. Alors qu’on a des talents, ce que devraient regarder les personnes qui sont dans le football, dans les clubs, c’est les infrastructures.
Vous pensez que le climat négatif dans le football grec – hooliganisme, corruption, violence – est un frein ?C’est une question d’éducation sportive dans notre pays. Je pense qu’on a un problème dans notre approche, autant en club qu’en sélection. On veut des résultats immédiats. Faire des transferts, gagner les matchs immédiatement et remporter le championnat. C’est pas comme ça que ça marche. On a un peu progressé sur la question de la suspicion permanente en faisant venir des arbitres étrangers et en utilisant la VAR, mais il y a du travail.
L’élection de Zagorakis à la tête de la Fédération peut-elle changer la donne ?C’est sûr, c’est la première fois que le président de la Fédération est un ancien footballeur. Il connaît le milieu, il a de l’expérience. Mais il ne pourra pas tout faire tout seul, et on doit tous aider pour qu’il puisse réussir quelque chose. Les acteurs du foot, les membres de la Fédération… Tout seul, Zagorakis ne pourra pas grand-chose.
En 2004, vous restez en dehors de l’Euro – remporté par la Grèce -, alors que vous sortez d’une saison pleine à Monaco où vous atteignez la finale de Ligue des champions. Vous savez pourquoi ?Je ne sais pas pourquoi parce que je n’ai jamais eu d’explication de personne, ni responsable ni entraîneur. À l’époque, il y avait beaucoup de pressions autour de la sélection, notamment de la part des journaux qui poussaient pour que je sois sélectionné. J’ai l’impression que c’était une façon pour le coach de ne pas céder aux gens extérieurs, comme une question d’ego pour le dire simplement. Mais bon, c’est comme ça. Chacun a sa perception des choses, et c’est vrai qu’à l’époque, il y avait beaucoup de bons joueurs, donc tout le monde ne pouvait pas être sélectionné. Le seul regret que j’ai, c’est de ne pas avoir été appelé au moins une seule fois, même en amical, pour qu’il puisse dire : « Tu ne me conviens pas. »
Ça reste un souvenir douloureux ?Disons qu’il y a de la déception étant donné le résultat. Mais peut-être que si j’avais participé, j’aurais fait des erreurs incroyables et on n’aurait pas gagné l’Euro. Il y a une déception théorique, surtout qu’à l’époque, je faisais partie des joueurs qui jouaient à l’étranger et que j’étais arrivé en finale de Ligue des champions.
Vous êtes d’ailleurs le seul joueur grec – hormis l’équipe du Panathinaïkos défaite en 1971 par l’Ajax – à avoir atteint une finale de Ligue des champions…Oui. Bon, j’aurais préféré être le seul à l’avoir gagnée… Mais c’est une réussite. Maintenant, j’aimerais que d’autres Grecs atteignent la finale et surtout que quelqu’un gagne le trophée. C’est bénéfique pour le football grec.
Le grand favori de l’Euro, c’est l’équipe de France, comment vous voyez cette équipe ?C’est une sélection avec énormément de talents et un super entraîneur qui ont déjà connu de grands succès et qui travaillent ensemble depuis plusieurs années. Il y a l’expérience et la qualité. À tous les postes il existe des alternatives… Elle a évidemment les moyens de remporter le tournoi, mais après, il y a tout un tas de facteurs qui entrent en compte. On oublie que les joueurs ont vécu une année éprouvante avec la Covid, et beaucoup de joueurs disputent de nombreux matchs. Je ne sais pas dans quelle mesure la fatigue va jouer un rôle important.
Quels souvenirs vous gardez de Didier Deschamps, votre entraîneur à Monaco ?Didier Deschamps est un entraîneur qui aime que ses joueurs donnent tout pour l’équipe. Il n’aime pas les solistes qui n’œuvrent pas pour le collectif. Il accorde beaucoup d’importance à la discipline et l’organisation dans les vestiaires. Qu’il y ait un climat positif pour maintenir l’équilibre. Ça a été le secret de notre réussite à Monaco : la fondation de bases solides pour avoir un bon équilibre.
Quels souvenirs vous gardez de Monaco ?Sportivement, évidemment notre épopée en Ligue des champions reste le plus grand souvenir. On avait d’excellentes relations sur et en dehors du terrain. Le climat dans les vestiaires était excellent.
Quel regard vous portez sur le projet avorté de Superligue européenne ?Une très mauvaise idée depuis le début. Que les puissants essayent de devenir encore plus puissants, d’obtenir le plus de revenus possibles… Ça allait créer un football à deux vitesses. L’idée était vouée à l’échec, c’était sûr que ça susciterait des réactions aussi négatives. Le public veut voir une compétition saine sur le terrain.
« Zikos » en français, c’est de l’argot pour dire musicien. Dans quelle mesure la musique est importante dans votre vie ?Moi, je suis un grand fan de musique grecque. Tout ce que je peux comprendre et qui résonne bien à mon oreille… J’écoute peu de musique étrangère, je n’en connais pas trop. Mais à Monaco, j’ai appris une chanson que j’adore : « Une belle histoire » de Michel Fugain.
Propos recueillis par Alexandros Kottis