- Français de l'étranger
- Japon
Andréa Blédé : « Je commence à comprendre les blagues des autres joueurs »
Au pays d'Hidetoshi Nakata, rares sont les Français à s'être exilé pour tâter le cuir. Andréa Blédé, 28 ans, ex-Paris FC et Viry-Châtillon, est aujourd'hui le seul porte-drapeau du foot français en terres nippones. Ou plutôt en souterrains nippons puisqu'il évolue au Kamatamare Sanuki, petit club de JF-League (troisième division japonaise) basé à Kagawa. Une aventure que le Francilien a surtout osé par amour du Pays du soleil levant. Mangas, nouilles, et Fukushima, bienvenue dans le monde d'« Ando ».
Déjà, pourquoi le Japon ?Depuis mes quinze ans, je suis passionné par le Japon. J’ai commencé comme la plupart des jeunes de mon âge à lire les mangas. J’ai continué en grandissant. J’ai pris des cours de japonais sur Paris pendant que je jouais au Paris FC. Au Paris FC, en National, j’ai fait une saison blanche à cause des blessures. Je suis redescendu en CFA histoire d’avoir du temps de jeu à Viry-Châtillon. Là rebelote, je ne fais que six mois. Arrivé en fin de contrat, j’ai eu envie de tenter ma chance ailleurs. Le Japon, c’était vraiment par passion. Je ne me suis pas dit : « Il faut, à tout prix, que je devienne footballeur, donc je vais aller au Japon. »
Justement, quand tu es arrivé au Japon, tu n’as pas tout de suite joué en pro.Quand j’étais arrivé au Japon, j’étais en équipe réserve à Chiba, un club de J-League 2 (deuxième division japonaise). Je suis arrivé à la mi-saison, j’y ai joué les six derniers mois – ici la saison est décalée. Je n’ai pas pu passer pro parce qu’ils m’ont détecté une hypertrophie cardiaque à la visite médicale. Après ça, je suis revenu en France. Là, un club japonais me contacte – le club dans lequel je joue actuellement. Ils avaient un projet pour monter en J-League. Du coup, je suis revenu au Japon. Cette fois, les examens médicaux ont été concluants. Et depuis, voilà quoi…
Tu as joué en National et en CFA. Comment tu classes le niveau de la D3 japonaise dans tout ça ?Au niveau des meilleures équipes de CFA. Tu prends les premiers et deuxièmes de chaque poules de CFA. Après, ce n’est pas loin non plus du niveau de National.
Il y a des supporters en JF-League ?Ça dépend, parce le championnat de troisième division est composé de clubs professionnels et d’autres amateurs. Pour venir voir les clubs pros, il y a pas mal de monde. Nous par exemple, on tourne à 3000 spectateurs en moyenne par match.
Sinon, c’est quoi concrètement le niveau de Kamatamare ?Il y a depuis deux ans un vrai projet de montée en J-League, avec l’arrivée de plusieurs sponsors. Cette année, l’équipe est très forte. On est pour le moment leaders (après 14 journées sur 34). Et il y a de grandes chances qu’on le reste.
Et celui des premières et deuxièmes divisions japonaises ?La J-League 2, je la situerai au niveau de la Ligue 2 française. La Ligue 1 par contre est bien au-dessus de la J-League 1 par le fait, déjà, qu’il y ait bien plus d’argent. Et surtout beaucoup plus de joueurs étrangers.
C’est comment, la vie au Japon ?C’est totalement différent. Déjà à cause de la barrière de la langue. Il y a les coutumes aussi. La nourriture. Les Japonais. Leur façon d’être. Leurs rapports. Ça n’a vraiment rien à voir avec la France. Bon, moi, je le savais plus ou moins puisque je m’étais déjà renseigné. Si je dois relever un truc, c’est qu’ici l’immigration, il n’y en a pas beaucoup par rapport à la France. Du coup les étrangers sont vraiment bien reçus.
Tu fais quoi à Kagawa quand tu ne joues pas au foot ?Les entraînements sont le matin. Donc l’après-midi, la plupart du temps, j’ai cours de japonais. Parce que s’il y a une chose que je veux faire vraiment c’est apprendre le japonais, donc c’est primordial pour moi. Sinon je visite la ville et les environs. Il y a pas mal de temples, de parcs… Je ne fais pas trop la fête. Je suis plutôt tranquille comme gars.
En France, la bouffe nipponne se résume à un mot : sushi. C’est le cas aussi au Japon ?Absolument pas. Par exemple la spécialité de la région s’appelle le Udon, une sorte de nouille épaisse. Le club est d’ailleurs sponsorisé par une enseigne de restauration, ce qui nous permet, après l’entraînement d’aller manger gratuitement dans certains restaurants, notamment spécialisés dans le Udon (le nom du club d’ailleurs est dérivé de kamatama, qui est un type d’Udon cuisiné à Kagawa, ndlr). On ne mange pas tellement de sushi, ici.
Tu te débrouilles comment en japonais ?Je parle plus ou moins bien. Je dirai que je suis à un niveau intermédiaire. J’arrive à répondre, à interagir. C’est juste que pour le moment, je ne comprends du tout ce qui se dit à la télé. Ça parle un petit peu vite. Sinon, ma première année a été un peu difficile au niveau de la communication. Maintenant, ça va beaucoup mieux. Je commence à comprendre les blagues des autres joueurs. Encore deux ans, et je parlerai couramment japonais.
Ce n’est pas un peu galère à assimiler ?Ah si ! La grammaire n’a rien à voir avec la nôtre. L’écriture surtout. C’est assez difficile et déroutant. Mais bon je suis motivé…
Tu es arrivé trois mois seulement après le tsunami et l’accident nucléaire de Fukushima. Comment on a vécu la chose au Japon ?On n’en parle pas du tout. On n’en parlait pas non plus quand je suis arrivé. Il y avait quelques recommandations seulement : éviter de consommer les légumes, éviter de boire l’eau du robinet. D’ailleurs, j’ai déjà été jouer à Sendai, la ville qui a été touchée par le tsunami, et au mois de septembre, on va jouer à Fukushima.
Ça ne t’inquiète pas ?Non pas du tout. A vrai dire, je n’y pense même pas.
Sinon, tu t’es déconnecté un peu du foot français ?Non pas du tout. Je suis avec les applications sur l’iPhone. J’ai les journaux français, les chaînes de télés françaises. Chaque soir, je me connecte et je regarde ce qui se passe de la Ligue 1 à la CFA.
Tu as un club de cœur en L1 ?Moi je suis pour Marseille. Ils ont fini deuxièmes, après une bonne saison, derrière Paris. Je suis content pour eux.
Le football français c’est médiatisé au Japon ?Pas du tout. Les quelques matches de L1 qui ont été diffusés ici sont ceux du Paris Saint-Germain. Sans doute grâce à leur petite touche marketing. Sinon, la Ligue des Champions. Et là encore, ça ne concerne que le PSG.
Tu comptes revenir un jour joueur un France ?Oui bien sûr. Là je me sens biens ici. J’arrive en fin de contrat à la fin de la saison mais je pense qu’il y a de grandes chances pour que je sois prolongé de quelques années en cas de montée en J-League. Je pense finir ma carrière pro ici. Après pourquoi pas revenir en France et faire une dernière année en DH avec quelques amis.
Une dernière pour la route. Sur le site officiel de Kamatamare sanuki, tu t’appelles seulement « Andrea » . C’est un choix de ta part ?Non. Ils ont un peu de mal à prononcer mon nom de famille vu qu’il n’y a pas de « l » dans la langue japonaise. Ici, ils m’appellent « Ando » . En japonais mon prénom se prononce « Andoléa » .
Propos recueillis par Joshua Lekaye