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- Le joueur de la 6e journée
André-Pierre Gignac, l’insubmersible
Contre vents, marées, supporters et blessures, André-Pierre Gignac a souvent ramé, mais n'a jamais coulé. Plus fort et plus fit que jamais, l'insubmersible Phocéen réalise son meilleur début d'année avec l'Olympique de Marseille, une saison après lui avoir évité la noyade. Une énième revanche dans la vie de footballeur du natif de Martigues.
Quand un extraterrestre, équipé d’une go-pro sur la tête, lui demande de se prendre pour un autre, André-Pierre Gignac n’y arrive pas. Il n’est ni Zlatan Ibrahimović ni Jean-Pierre Papin. Il n’aura jamais le talent du premier ou le Ballon d’or du second. Il ne mettra pas d’ailes de pigeon splendides, ni même de papinades. Ce samedi après-midi, Benoît Costil a simplement goûté son André-Pierre-feuille-ciseau et une demi-volée. Le répertoire classique d’un joueur qui ne surjoue pas et qui, surtout, est content de jouer. De bien jouer. Auteur de six buts en six matchs depuis le début de la saison, André-Pierre Gignac, 87 caramels en Ligue 1, file droit vers la barre symbolique des 100 buts dans l’élite. Une marque qu’il ne serait pas près de franchir sans un caractère dingue. Certains appellent ça du mental, d’autres pourraient rapprocher cela du masochisme. Aux côtés de Seth Gueko pour le numéro 64 de So Foot, l’attaquant international, lui, appelle ça de l’héritage culturel. Quand on lui demande comment s’exprime son côté gitan sur le terrain, il n’hésite pas une seule seconde : « Moi, c’est la combativité. Quand tu vois Abardonado, c’est la famille proche, mon cousin. Et lui, c’est pas un grand footballeur technicien et tout, mais sur un terrain, c’est un combattant. Il lâche rien, c’est un chien. Il est sur tous les ballons jusqu’à en mourir sur le terrain. Le côté gitan du footballeur, c’est ça. Je ne calcule jamais mes efforts. » Entre tête de la Ligue 1, courses de marathonien et patates de forain, force est de constater qu’André-Pierre Gignac revient de loin. Quelque part entre acharnement et prophétie, telle est l’histoire du gosse de Martigues dans la cité phocéenne.
De paria…
La vengeance est un plat qui se mange froid, mais qui est certainement plus goûteux que ce que l’on déguste du côté de Blackburn ou dans quelques pubs anglais du Sud-Ouest de Londres. C’est certainement ce que se dit André-Pierre Gignac. Le Lancashire ou la capitale anglaise, c’est là qu’aurait dû atterrir l’attaquant en 2011 et en 2013. La vérité, c’est qu’à ces périodes précises, cela n’aurait dérangé personne, tant au sein du board marseillais que dans les tribunes du Vélodrome. Le 31 août 2011, une saison après son arrivée dans le club de son cœur, l’ancien Toulousain est invité à se rendre à Londres où on parle de lui à Fulham et d’Amauri pour le remplacer. Suite à une complication dans le dossier de ce dernier, Gignac, qui revient d’un séjour à Mérano et des soucis aux adducteurs, repose finalement ses valises à Marseille. En 2013, l’insubmersible touche le fond pendant le mandat de Didier Deschamps, sous les ordres duquel il occupe la dernière place dans la hiérarchie des attaquants. À cette époque, son salaire conséquent (300 000€ mensuels) et le coût de son transfert (20 millions d’euros, bonus compris), sont sur toutes les lèvres. Celles-là même qui associent son nom à un célèbre sandwich. Celles qui conspuent l’attaquant lors de la défaite de l’OM face à Montpellier l’année du titre du voisin héraultais. Lors de ces périodes, André-Pierre Gignac aurait été vendu au plus offrant. Un sort dont il se serait certainement accommodé, avec le temps, mais surtout avec un regret : celui de ne pas avoir réussi à l’OM, son club. À une heure où on entend « club de cœur » à toutes les sauces, l’histoire de Gignac à Marseille, c’est celle d’un type qui aime son club plus que tout, quitte à trop en faire, de temps en temps. « Je suis qui pour me mettre les supporters à dos ? Moi qui suis aussi un supporter depuis si longtemps ? Ce serait la dernière chose à faire, surtout quand on a signé pour cinq ans (rires) » déclarait-il notamment dans les colonnes de France Football un an après son arrivée.
… à héros
Le 22 septembre 2014, APG est toujours là. Et tout le monde en est content. Depuis le début, il est là pour fermer des bouches et tant pis si, selon ses propres aveux, il s’était vu un peu trop beau avant de mettre les pieds à la Commanderie. « En dehors de Drogba, citez-moi un attaquant qui a fait un malheur d’entrée ici au cours des dernières saisons ? Moi, je n’en vois pas… Je me dis donc qu’il me faudra un peu plus de temps que prévu pour m’imposer. Mais j’y arriverai, j’en suis toujours convaincu. C’est obligé. Je resterai jusqu’à ma cinquième année de contrat s’il le faut, mais je réussirai ici. À moins qu’on ne me dégage avant… » avait-il prophétisé. Dans sa dernière année de contrat, APG n’a aucune visibilité sur le futur. C’est peut-être pour ça qu’il se concentre sur le présent. Plus affuté que jamais, l’attaquant incarne la réussite de l’Olympique de Marseille de Marcelo Bielsa après en avoir pris plein la gueule, parfois à juste titre. Car André-Pierre Gignac, ce ne sont pas que des ciseaux et des lucarnes. C’est quelques centaines de pigeons morts, des kilos en trop qui ont existé, des dézonages insupportables sur le côté gauche et un côté prévisible à la Robben, la capacité à éliminer en moins. Du coup, beaucoup lui prédisaient le banc au moment où Michy Batshuayi flambait lors de la présaison. Hermétique à cette pression médiatique, Marcelo Bielsa a toujours aligné Gignac. Pour le joueur et ses qualités, mais aussi pour l’homme. « C’est un joueur qui donne envie aux autres, au niveau du moral et de l’envie. Il aide à faire passer ce message d’engagement au sein de l’équipe. Il le fait très naturellement » affirmait le Loco cet après-midi en conférence de presse. Un homme nature, entre affection et frictions, qui a plus souvent connu les sifflets que les applaudissements. C’est peut-être pour ça qu’il est ami avec Jérémy Morel.
Par Swann Borsellino