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Anderlecht, quand les jeunes s’en mêlent
Ils sont beaux, ils sont jeunes, ils sont bons, eux c'est la nouvelle génération d'Anderlecht. Six gamins de moins de 21 ans qui ont, à eux seuls, renversé un championnat en six journées. Jean Kindermans, directeur du centre de formation anderlechtois, fait les présentations.
C’est une histoire qui commence par un flop. Une saison régulière catastrophique ponctuée par le limogeage de John van den Brom, neuf défaites en trente matchs et une pauvre troisième place, à dix points du leader liégeois. Inutile d’écrire qu’au moment de l’entrée en fonction de Besnik Hasi à la mi-mars, il n’y a franchement pas grand monde pour croire à un quelconque retour des Mauves. Et pourtant. Un mois et demi plus tard, le néophyte albanais a offert aux Bruxellois leur 33e titre de champion de Belgique, le troisième consécutif. Pour ce faire, l’homme a pris ses responsabilités. Sans trembler et en osant aligner ses jeunes pousses.
En 10 matchs de play-offs, la moyenne d’âge des Bruxellois a fondu (passant de 26 à 24 ans). Exit donc les vieillissants Sacha Kletjan et Guillaume Gillet, et confirmation que c’est bien dans un rôle de titulaire indiscutable que les talents des jeunes Tielemans, Praet, Bruno, Najar, Mbemba et dans une moindre mesure Mitrović s’expriment le mieux.
S’il y a quelques années les pépites bruxelloises s’exilaient en Ligue 1 – Dindane à Lens, Wilhelmsson à Nantes – cette nouvelle fournée voudrait bien voir plus haut. Jean Kindermans, directeur du centre de formation anderlechtois, semble en tout cas en être persuadé. Présentation.
Youri Tielemans : Milieu défensif de 17 ans
Élu Jeune Pro de l’année, par la Ligue Pro, à l’issue du traditionnel référendum organisé auprès des 310 joueurs des 16 clubs de l’élite, Youri Tielemans est ce qu’on appelle un garçon dans le vent. Le genre de type pour qui on relance un trophée qui n’avait plus été décerné depuis 5 ans, le genre de mec qui plante son premier but en championnat belge en plein play-offs contre Bruges. Bref, le genre de surdoué à qui l’on peut confier les clés de son milieu de terrain sans sourciller.
« On parle de quelqu’un qui a rejoint le noyau A à l’âge de seize ans et qui, une saison plus tard, couronne sa saison avec dix matchs d’affilée en play-offs, avec des sélections pour la Champions League et l’équipe nationale espoirs, le tout en combinant ça avec sa scolarité, j’ai envie de dire un seul mot : coup de chapeau à ce gaillard. Et on n’a pas encore tout vu. Il est capable d’encore mieux, d’encore plus. Je crois que la première année dans laquelle il n’aura plus le poids de la scolarité qui le poursuivra, il va éclater. Il va faire un pas en avant l’an prochain, mais l’année d’après lorsqu’il quittera l’école et qu’il aura vraiment le temps de se consacrer à son métier, on verra le vrai Youri Tielemans, et il n’aura alors que 18 ans… J’ai bien connu Axel Witsel avec le Standard en U17 et U19. Depuis, il a beaucoup reculé. Passeur relayeur, infiltreur, et maintenant devant la défense. Quand je vois l’impact qu’il a dans le jeu des Diables rouges, je me dis qu’un Youri Tielemans peut peut-être suivre le même parcours. Après avoir été éduqué en 10 chez les jeunes, je pense qu’il peut devenir un meneur de jeu bas, un métronome qui aspire tous les ballons. »
Dennis Praet : Milieu polyvalent de 20 ans
Numéro 10 sur le dos depuis cette saison, le gentil Dennis Praet était le plus attendu de tous il y a deux ans. Certains le pensaient même parfaitement dans les temps pour intégrer le groupe de Marc Wilmots pour le Brésil. Deux ans plus tard, l’engouement autour du joueur à quelque peu pris du plomb dans l’aile, même si Praet est revenu dans le coup au meilleur moment. Son formateur de toujours le sait, le meilleur est encore à venir.
« Il a une grande part de responsabilité dans notre 33e titre, mais j’ai envie de dire, ni Praet, ni Bruno, ni Lukaku, ni Tielemans, ni Mbemba ne sont des garçons à problèmes. Ce sont souvent ceux qui pensent arriver très vite, mais qui n’ont pas la culture du travail, la patience, le caractère qui se plantent. Praet, lui, est arrivé très vite et très jeune en équipe première. Il pourra d’ici un an ou deux devenir un vrai leader, mais il a des progrès à faire parce qu’il ne dégage pas ce leadership naturel qu’ont eu ces glorieux prédécesseurs dans le milieu de terrain anderlechtois : Enzo Scifo, Marc Degryse ou Pär Zetterberg. Il a un autre caractère, mais son football peut l’amener à viser aussi haut. C’est un patron avec les pieds, c’était déjà le cas en équipe d’âge. Pas avec les mots, pas avec les gestes. Quelqu’un de très sobre dans son comportement aussi bien à l’école que sur le terrain. Mais il va devoir faire un pas en avant. »
Massimo Bruno : Milieu offensif de 20 ans
Arrivé au même moment dans le groupe pro anderlechtois que Dennis Praet, Massimo Bruno, c’est ce gamin au sourire d’ange que personne ne pensait prêt pour le haut niveau, mais qui se plaît à surprendre tout son monde au point d’être parvenu à séduire (après Miss Namur 2013) José Mourinho himself.
« C’est un peu la même histoire que Praet. Il n’a pas l’envergure d’un réel leader. C’est plutôt un joueur de moment qui peut avoir des coups de génie pour faire basculer un match. Mais il sera toujours tributaire de ce qu’il se passe à côté de lui, derrière lui. Il a de belles stats depuis deux ans, mais il a aussi connu des hauts et des bas. Mais quand j’oublie les bas, je me dis quand même que ce garçon a eu un gros gros impact sur les résultats positifs du club. Pas plus tard qu’à Bruges il y a 10 jours (0-1, ndlr), ou à Zulte-Waregem la semaine dernière (1-2, et rencontre à distance avec Mourinho, ndlr). »
Chancel Mbemba : Défenseur central de 19 ans (ou 23 ans, ou 24 ans ou 26 ans)
Avant d’être l’une des rares satisfactions bruxelloises de l’automne passé en Ligue des champions, Chancel Mbemba Mangulua est un joueur sur lequel la FIFA enquête depuis février 2013. En cause, une date de naissance changeante. Chancel serait ainsi né le 8 août 1988 selon ses deux premiers clubs au Congo, mais le 30 novembre 1991 à en croire le registre d’un match de qualification pour la Coupe d’Afrique des nations en juin 2011. Pour le Sporting d’Anderlecht, le joueur serait né le 8 août 1994 ! Le pire, c’est que Mbemba lui-même a déclaré dans plusieurs interviews qu’il serait en fait né en 1990.
« Je suis formateur des jeunes, pas dirigeant. Mais je pense que nos dirigeants savent ce qu’ils ont fait, et savent ce qu’ils font. Et la FIFA poursuit probablement son enquête, mais on est relativement confiant que tout ça va se tasser et ne va pas perturber l’éclosion du joueur. (…) Il est arrivé ici pour la première fois en U17 lors d’un tournoi à Bordeaux. Je me souviens qu’à l’époque, son entraîneur René Peeters m’a directement téléphoné de là-bas pour me dire que le garçon qu’on avait en stage était exceptionnel. Je l’ai suivi de près et j’ai vu un garçon très professionnel, très consciencieux. Il a un seul but dans la vie, c’est d’atteindre le plus haut niveau. Chancel rêve d’Europe, mais veut se donner le temps. Il veut d’abord devenir le patron de la défense anderlechtoise. C’est un garçon qui a une vraie intransigeance, qui a une excellente détente verticale, qui a un excellent tacle, qui est relativement rapide, mais dont le jeu à la construction est sujet à amélioration. Il est petit à petit en train d’évoluer et de devenir un défenseur complet. Je pense que d’ici deux ans, il intéressera beaucoup de monde. »
Aleksandar Mitrović : Attaquant de 19 ans
Recruté pour quelque 5 millions d’euros à l’été dernier, ce qui fait de Mitrović le joueur le plus cher de l’histoire d’Anderlecht, l’international serbe n’a pas tardé à confirmer son statut d’enfant star, dans un style de chien fou inimitable.
« C’est un Serbe, au sang chaud. Il est jeune et doit encore s’adapter à certaines situations dans lesquelles il est en difficulté, et doit aussi apprendre à gérer ses émotions. On peut espérer que le staff fera tout pour le mettre dans une situation mentale adéquate. Mais c’est un joueur d’exception. Il a aussi des progrès à faire au niveau technique. Son pied gauche, ses dribbles, sa conduite de balle sont sujets à amélioration. Mais à côté de ça, il a une frappe de mule, une protection de balle, un vrai sens du but et un excellent jeu de tête. D’ici un ou deux ans, je pense que c’est un joueur qui deviendra intenable et sera convoité par l’Europe entière. »
Andy Najar : Milieu droit de 21 ans
Futur adversaire des Bleus au Brésil, le Hondurien appartient à cette classe trop rare de joueur de 21 ans au style de vieux pépère. Maillot dans le short à la Jesús Navas, débordement à la Valencia, Najar n’est pas un tueur des rectangles, mais un bourreau de travail. La preuve :
« Le poumon du club. Le poumon sur le terrain. Il peut courir pendant 90 minutes à une très haute intensité, il a un volume de travail énorme. Il a un caractère, il sait défendre et attaquer. Il est relativement complet. Le seul point à améliorer, c’est au niveau de sa rentabilité, de son rendement. Je pense que les Français vont faire connaissance avec lui. Je pense que ceux qui vont jouer dans sa zone sur le terrain vont avoir du mal à le contrer, à le maintenir, tellement le garçon est généreux dans son travail. Être la révélation, c’est toujours délicat lorsqu’on joue pour le Honduras, il sera dépendant de ses coéquipiers. Mais jouer contre la France, c’est une grande nation, c’est une belle opportunité. »
Par Martin Grimberghs