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Ancelotti, le « cochon » vous salue bien
Régulièrement taxé de cochon par une partie des supporters bianconeri, Carlo Ancelotti et la Juventus ont connu un rapport plutôt chaotique ces vingt dernières années. Que ce soit en tant qu'entraîneur ou adversaire.
« Un maiale non può allenare » , récite un tag sur l’obélisque qui se dresse Piazza Crimea à Turin. « Un cochon ne peut pas entraîner » , voici donc l’accueil réservé à Carlo Ancelotti lorsqu’il débarque à la Juventus en février 1999. Cinq mots qui ont accompagné son aventure turinoise, ainsi que ses retours successifs en tant qu’adversaire. Apprécié partout où il est passé pour son style affable, son éducation, en plus de son palmarès, respecté par ses adversaires pour les mêmes raisons, Carletto et le peuple bianconero n’ont jamais réussi à se comprendre. Une bonne partie l’a encore dans le nez aujourd’hui, mais ne peut qu’assister, impuissant, à ses nombreux triomphes.
« Je n’ai jamais aimé et n’aimerai jamais la Juve »
L’histoire entre Ancelotti et la Juventus avait d’ailleurs démarré de façon particulière. Tout juste licencié par les dirigeants de Parme en 1998, où il officiait depuis deux saisons, il s’apprête à s’engager avec Fenerbahçe qui lui offre un contrat faramineux. Encore titubant, il se laisse alors quelques jours pour se décider, jusqu’au jour où il reçoit un appel de Luciano Moggi qui lui propose d’entraîner la Vieille Dame… la saison suivante. En effet, Marcello Lippi a annoncé qu’il irait jusqu’au bout de son contrat, mais pas plus loin. Ancelotti signe et accepte de patienter un an. Finalement, la place se libère plus tôt que prévu, précisément le 7 février 1999, lorsque la Juve s’incline 4-2 à domicile contre Parme. 10e après 20 journées, Lippi rend son tablier et Carlo reprend ainsi les choses en main.
« J’étais un joueur de la Roma et l’adversaire était la Juve, j’étais un joueur du Milan et l’adversaire était la Juve. J’étais l’entraîneur de Parma, et pour lutter pour le Scudetto, j’affrontais la Juve. Je suis vu comme un ennemi, un point, c’est tout. » L’intéressé n’y va pas par quatre chemins et ajoute même : « C’est une équipe que je n’ai jamais aimée et que je n’aimerai probablement jamais, également à cause de l’accueil qu’on m’a réservé. Elle a toujours été une rivale, déjà quand j’étais petit et supporter de l’Inter. » Difficile de recoller les morceaux, même si Ancelotti précise : « Ce fut un choix purement professionnel, mais j’ai un gros défaut, quand j’entraîne une équipe, j’en deviens son premier supporter. Et je peux vous dire que ce n’est pas le cas de tout le monde. Mais moi, je me fais entraîner émotivement » .
D’éternel second à cochon d’Europe
L’aventure durera 28 mois en tout. D’abord la fin de la saison 1998-99 avec une 7e place finale. Le gros regret étant la demi-finale de Champions League, après le nul 1-1 à Manchester, la Juve mène 2-0 au retour au bout de 11 minutes grâce à un doublé de Pippo Inzaghi. Elle s’incline finalement 3-2 et Carlo dit adieu à la Champions. Puis, les fameux 144 points récoltés en deux championnats, l’équivalent de deux places de dauphin derrière les équipes romaines. 71 points en 1999-00 à une longueur de la Lazio, 73 en 2000-01 à deux unités de la Roma. Celui de 2000 reste un traumatisme pour les supporters, avec ce titre envolé à la dernière journée sous le déluge de Perugia. Sur la scène européenne, ce n’est pas encore du grand Carletto : un quart de Coupe de l’UEFA et une élimination en phase de poules de la Champions League. Pourtant, au lendemain de la défaite décisive contre le Panathinaikos, son contrat avec la Juve avait été prolongé. Six mois plus tard, il est remercié pour laisser place au retour de Lippi. Jusqu’à son dernier match face à l’Atalanta, il entendra les chants des supporters se référant aux porcins.
Ancelotti s’en va ainsi avec une Coupe Intertoto et une belle étiquette d’éternel second. Il ne lui faudra que deux ans pour corriger le tir. Old Trafford, finale de la Champions League, son Milan bat la Juventus aux tirs au but. De nombreux Juventini ne lui pardonneront jamais. Pis, certains minimisent son palmarès européen en parlant de « cul monstre » . À chaque nouvelle visite à Turin avec le Milan ou encore le Real, l’accueil est identique. Carlo craquera une seule fois, un bras d’honneur lui échappe lors d’un tournoi amical à l’été 2008. « C’est la première fois que j’ai réagi comme ça, et peut-être la dernière, mais ces insultes m’ont gonflé, car c’est un réel manque de respect envers les cochons. » De l’ironie ? Oui et non, car chez les Ancelotti, on voue un culte à l’animal en question : « C’est la viande des familles paysannes, petit, j’en mangeais 365 jours par an, et je n’ai jamais eu de problème de cholestérol. Le cochon est presque un animal sacré pour moi. » En lardons, en jaret ou en rognon, mais surtout à la sauce Champions League.
Par Valentin Pauluzzi
Tout propos de Carlo Ancelloti tirés du livre Preferisco la Coppa co-écrit avec Alessandro Alciato