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Ancelotti, l’an zéro ?
Délesté de Xabi Alonso et Di María, l'effectif du Real Madrid est l'un des plus shorts du gratin européen. Un renouvellement qui doit beaucoup à la folie des grandeurs de Florentino Pérez et peu à la volonté de Carlo Ancelotti. Un entraîneur italien qui se retrouve de nouveau face à un chantier monstre...
« Tu as vu cet Italien, il commence à nous saouler. On lui fait des cadeaux et il tire la tronche. Enfant gâté. » La discussion entre Nasser Al-Khelaïfi et Florentino Pérez en marge du tirage au sort des groupes de Ligue des champions aurait pu ressembler à cela : une diatribe envers Carlo Ancelotti. Déjà en froid avec une direction parisienne trop intrusive peu avant son départ pour Madrid, l’entraîneur italien a remis le couvert. Cette fois, le désaccord se conjugue en espagnol. Malgré le triomphe de la Décima, l’entraîneur du Real Madrid regrette le manque de crédit accordé par son président-supporter. En un été, Florentino Pérez a disloqué la moelle épinière de son équipe. Après les arrivées de Toni Kroos et James Rodríguez en juillet, Xabi Alonso et Ángel Di María ont quitté le navire merengue. Deux départs opposés de par leurs circonstances qui mettent à mal le fameux équilibre de Carlito. Sans le vice et la science du jeu de son Barberousse, sans la couverture tout-terrain et les instants de génie de l’Argentin, le coach madridista se sent acculé par un big boss pour qui l’échec n’est pas une option. Ambiance.
Maux de tête en 4-2-4
« Cette Décima appartient à tout le madridismo. C’est le moment de profiter de la Décima, mais notre philosophie nous pousse vers la suivante, la Undécima (la onzième, en VF). Je sais que beaucoup ne comprendront pas, mais nous sommes ainsi et c’est ce que nous ont transmis nos ancêtres. » Au soir des célébrations de la dixième Coupe d’Europe du Real, Carlo Ancelotti croit comprendre son prochain défi : soulever, pour une seconde fois consécutive, ces grandes oreilles qui excitent tant Florentino. Manque de bol, entre les lignes, le président de la Maison Blanche soulignait que le Real entrait dans une nouvelle ère, que des changements auraient lieu. La Coupe du monde terminée, le chéquier présidentiel a flambé. 112,5 millions d’euros ont été injectés et Kroos, James, Keylor Navas et Chicharito sont venus renforcer une escouade déjà pléthorique. Du pain béni pour les ventes de maillot, les intrusions dans le marché sud-américain et les joueurs de FIFA 15. Moins pour un Carlo Ancelotti, qui s’inquiétait déjà de la mise en péril de l’architecture de son onze.
Peu connu pour sa mesure, Florentino Pérez a même cru tenir l’équipe parfaite suite à la victoire en Supercoupe d’Europe. Face à un Séville inoffensif, toujours en rodage après de nombreuses arrivées, le Real n’a fait qu’une bouchée de cette finale. Une victoire 2-0 et un jeu délicat, il n’en fallait pas plus au magnat du BTP espagnol pour s’octroyer une légitimité sportive. De fait, les recommandations de Carlo Ancelotti ont été balayées d’un revers de main. Après avoir accepté le refus du coach italien de recruter Luis Suárez, Florentino s’est lâché. Exit Ángel Di María et ses exigences salariales jugées astronomiques, adios Xabi Alonso et ses doutes de ne plus être un titulaire à part entière. Deux décisions qui sont allées à l’encontre de la volonté de Carlo. Une désillusion à ses yeux, tant les deux hommes restaient des hommes forts de son système. Dès l’aller de l’autre Supercoupe, celle d’Espagne, le mâchement du chewing-gum est devenu plus stressé, les maux de tête répétitifs. Avec l’entrée de James Rodríguez en seconde période, son 4-4-3 habituel s’est mué en 4-2-4 sans contrôle ni emprise sur le jeu. Le fameux équilibre est à retrouver.
Guerre de clans
Cette situation frileuse entre l’exécutif et le sportif ne date pas de cet été. Déjà, dès son arrivée l’an dernier, Carlo Ancelotti n’avait que moyennement apprécié les coups de pression du principal mandataire de l’institution blanche. Isco, Illarramendi et Bale, recrues phares du mercato, devaient jouer selon les principes de Florentino. L’entraîneur italien s’est exécuté pour ne faire que renforcer son opinion : l’Andalou s’est révélé trop indolent et le Basque immature. Xabi Alonso, Di María et Modrić ont fait mieux que garder la main et se sont imposés comme l’épine dorsale du succès. Du gagnant-gagnant, sauf pour le señor Pérez. Durant le marché estival, il a imposé ses choix et fait naître de nouveaux clans dans le vestiaire. Ainsi, les « vétérans » , Cristiano Ronaldo en tête, ont haussé le ton. Plus que des piques envers celui qui le paie, Cristiano a fait l’éloge d’Ancelotti, qui « sait ce dont l’équipe a besoin » et que l’on doit « laisser travailler tranquillement » . Une sortie qui n’a pas plu à Florentino Pérez et aux petits nouveaux, et qui pourrait créer des distorsions à la Ciudad Real Madrid. Bref, en un peu moins de deux mois, tout, ou presque, est à rebâtir pour Carlo Ancelotti, tant sur qu’en dehors des prés. La belle affaire, à quelques heures d’un derby face au champion d’Espagne.
Par Robin Delorme, à Madrid