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Ancelotti a-t-il transformé le Real de Mourinho ?
Le Real Madrid est pour la cinquième année consécutive en demi-finale de C1, et l'accident industriel de l'ingénieur Pellegrini contre l'OL paraît bien loin. Mais alors que la première saison de Carlo Ancelotti avait eu l'ambition de marquer une rupture avec l'ère du Real de Mourinho, la seconde campagne de l'Italien nous démontre que l'équipe madrilène continue à suivre la direction donnée par Mourinho. Carletto a-t-il vraiment transformé le Real de Mourinho ? Analyse de la forme cette semaine, puis du fond la semaine prochaine.
« Ancelotti a rendu le sourire au madridisme » , déclarait récemment Iker Casillas dans les colonnes de la Gazzetta dello Sport. Si les propos du gardien font essentiellement référence à l’obtention de la Décima à Lisbonne, ils rappellent aussi les formes de l’arrivée de l’Italien dans la capitale espagnole. Alors que José Mourinho quitte le navire après un règne de trois saisons intenses en émotions, victoires et polémiques, le petit monde de Madrid exige la paix. Presse madrilène et Bernabéu se mettent d’accord pour faire de Mourinho un coupable plus qu’un bienfaiteur, et Ancelotti arrive avec le costume de possible sauveur. Possible, seulement, parce que Madrid reste indomptable. Le costume est blanc et le titre est celui du « Gentil pacificateur » , parce que la force d’Ancelotti est bien évidemment l’humilité. La possession ? « J’aime beaucoup. » Mourinho ? « On n’a pas le même caractère. » Rupture et nouveau départ ?
Le loup est parti, mais Madrid a peur des fantômes
Avec le recul que nous offrent les deux dernières saisons, le caractère est en fait la seule rupture d’Ancelotti avec le travail de Mourinho. Discret par nature, l’Italien est devenu Mister zen. Lorsque la presse complimente, Ancelotti remercie les joueurs. Lorsque la presse attaque, Ancelotti acquiesce. Mais Madrid n’est pas plus tranquille pour autant : le printemps 2015 a démontré que la paix madrilène dépend non pas du caractère de l’entraîneur en poste, mais bien des résultats. Peu importent les mots doux, les drôles de sourcils et les efforts de conciliation, Ancelotti n’a pas guéri l’instabilité chronique qui aime défiler sur la Castellana.
Le 4 janvier 2015, Madrid tombe face à Valence. Quelques jours plus tard, c’est l’Atlético qui élimine les Merengues de la Coupe du Roi. Puis, alors que le Real maintient le cap en championnat (victoires convaincantes contre l’Espanyol, Getafe, Córdoba, Real Sociedad, Séville, Deportivo, Elche), la déroute 4-0 au Vicente-Calderón (avec une équipe A’), le nul contre l’excellent Villarreal, la défaite à San Mamés et les frayeurs face à Schalke aboutissent sur des sifflets et des demandes de démission. Quelques mauvais résultats, et tout s’envole, malgré le logo flambant neuf de champion du monde. Un mois et demi après les doutes, le Real est encore en course en C1 et reste à deux points du Barça en Liga. Mais il a une nouvelle fois démontré qu’il ne savait pas vivre une saison sans sursauter de peur devant le moindre fantôme. La gestion de Mourinho était-elle vraiment la cause de l’instabilité de la saison 2012-13 ?
Des résultats presque identiques
Dans la bouche d’Ancelotti, le point de départ de la comparaison est explicite : c’est « impossible » de comparer son travail et celui de Mourinho. Et comme souvent, le Mister a bien raison, dans l’absolu. Du fait de contextes et d’adversaires différents, il est impossible d’affirmer qu’Ancelotti a fait plus que Mourinho, ou l’inverse. Mourinho avait la mission de donner une vision à un club qui avait perdu la sienne. Trois ans plus tard, Ancelotti devait faire gagner une équipe transformée en favori en C1. Mourinho n’a pas dû affronter un Atlético si fort en Liga, et Ancelotti n’a pas dû chercher un moyen pour contrer le Barça de Guardiola. En chiffres, leurs bilans sont presque identiques. Après 100 matchs, les statistiques étaient même perturbantes en matière de victoires (78 pour Ancelotti, 77 pour Mourinho), points (244 partout), buts marqués (272-274), buts concédés (80-81), différence de buts (+192 et +193). Aujourd’hui, après 114 matchs, Ancelotti a plus gagné (76% de victoires contre 72%), mais il a aussi plus perdu (13% contre 12%). En matière de territoires conquis, Ancelotti a réussi à vaincre le monde, mais il n’a pas réussi à conquérir Madrid, perdant contre l’Atlético la Supercoupe d’Espagne, la Coupe du Roi et de nombreux derbys. Finalement, la seule variable possible pour comparer l’impact des deux entraîneurs reste, comme souvent, le choix des hommes, les idées de jeu et les choix tactiques.
Les fausses idées sur Mourinho et le long terme
Et c’est ici que la continuité entre le travail de Mourinho et celui d’Ancelotti est la plus marquante. Mourinho avait écarté Casillas pour affaiblir le « camp des Espagnols » ? Le choix d’Ancelotti en faveur de Diego López – ainsi que la saison actuelle du géant au Milan – donnent raison au Portugais. Mourinho manquait de respect au football en faisant jouer le fameux trivote, qui plus est avec un défenseur au milieu ? Ancelotti aligne Ramos devant sa défense en plein Clásico au Bernabéu. Bon. Et la rupture, alors ? Avant d’entrer dans les détails, une question demeure : pourquoi Ancelotti aurait-il dû changer le style d’une équipe qui s’est retrouvée trois fois d’affilée en demi-finale de C1 en gagnant 91 points de moyenne en Liga ? Alors que Mourinho a souvent été perçu comme un homme exigeant avec ses joueurs, voire épuisant, ses départs successifs ont démontré que tous ses groupes survivaient aisément à son coaching à condition de continuer dans le sens de son travail. Mourinho, un agriculteur qui plante plutôt qu’il ne brûle…
En 2004, Porto change tout, fait venir Quaresma, Pepe, Diego, Luís Fabiano et Raul Meireles, et vit une saison difficile. En 2007, Avram Grant reprend le travail de Mourinho à Chelsea et finit la saison en finale de C1. En 2010, Benítez débarque à l’Inter et décide de tout changer : nouvel échec. Mais quand Leonardo arrive en décembre et revient dans le sens du travail tactique du Portugais, les résultats ne tardent pas à revenir : come-back, deuxième place, quart de C1 et Coupe d’Italie. Finalement, la seule manière d’échouer après Mourinho est de refuser de profiter de son travail. Et Ancelotti, fin stratège, l’a bien compris, admettant même en cours de saison que « nos méthodes sont similaires, on travaille beaucoup avec le ballon, je suis arrivé dans un club qui allait dans le bon sens » . Mourinho n’était peut-être pas le grand méchant loup. Peu importe, finalement. Le costume blanc de faux gentil va parfaitement à Ancelotti. Pourvu que les résultats le laissent travailler plus tranquillement.
Par Markus Kaufmann
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