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Anatoliy Tymoshchuk, l’excentrique introverti
Quand Anatoliy Tymoshchuk ne sera plus de ce monde, il faudra penser à lui ériger une statue. Plus grande que celles de Staline autrefois, en revanche. Parce qu’il est non seulement le reflet de l’équipe d’Ukraine actuelle, mais aussi parce que c’est un type tout à fait génial.
Quand on évoque l’équipe d’Ukraine de ces dernières années, on pense bien évidemment à Andriy Chevtchenko. Ou encore à Sergiy Rebrov. Voire à Andriy Voronin. Mais on ne pense jamais à citer Anatoliy Aleksandrovitch Tymoshchuk. Un mec avec un nom à s’endormir avant d’avoir fini de le prononcer, certes. Pourtant, on parle là du joueur le plus influent de l’équipe, avec Sheva, d’un type qui possède le record de sélections (117, série en cours) avec les Jovto-Bakytni (les « Bleu et Jaune » en VF). Un joueur précieux, assurément. Qui joue à un poste clé : celui de milieu défensif. Quand il est en forme, Tymoshchuk, c’est le Rideau de Fer 2.0 : rien ne passe, Anatoliy a des jambes partout et n’hésite pas à user (à abuser?) de la faute tactique si chère à son ancien collègue au Bayern Mark van Bommel et qui rend fou les adversaires : la faucille et le marteau dans un seul geste. Un milieu besogneux, mais classe : quand il est réveillé et inspiré, Tymoshchuk n’hésite pas à balancer des frappes dignes des missiles sol-air de l’URSS de la grande époque. Quoi de plus normal que de voir des balles vives sortir des chaussures de celui qui porte le 44 au Bayern (soit deux fois son chiffre porte-bonheur).
Un homme qui voudrait se faire Mike Tyson
Tymoshchuk, un mec discret donc, qu’on ne cite pas assez souvent. Pourtant, le jeune homme de 33 ans a un palmarès long comme le bras : il a tout gagné en Ukraine (3 fois champion, trois fois vainqueur de la Coupe, vainqueur de la Supercoupe avec le Shakhtar Donetsk), en Russie (Championnat, Coupe et C3 avec le Zénit) et en Allemagne (doublé en 2010 avec le Bayern). Seules ombres au tableau : ces deux finales de C1 perdues avec le club bavarois, en 2010 et en 2012. En équipe nationale, malgré une victoire 2-1 obtenue sur la Suède, ça va être très difficile pour l’Ukraine d’aller chercher une consécration continentale. Toutefois, on pourra compter sur Tymoshchuk pour se donner jusqu’au bout.
Car Anatoliy, c’est avant tout un mec qui n’a peur de rien. « Je me battrais volontiers contre Mike Tyson si on m’autorisait à le tacler » , déclarait ainsi en 2007 celui que l’on pourrait surnommer « Le Kurt Cobain de l’Est » . Un homme qui respire la confiance et qui, les conditions professionnelles aidant, s’est créé son petit confort : avoir un attaché de presse perso, c’est bien. Avoir son cuistot débauché lors de vacances en Thaïlande et sa masseuse thaï, c’est mieux. Sa femme Nadiya ne peut pas être jalouse, elle qui gère la carrière de son mari. Elle connaît trop bien l’animal, elle a réussi à le prendre à son propre jeu. Plus jeunes, les futurs Monsieur et Madame Tymoshchuk habitaient le même quartier de Loutsk, ville carrément à l’ouest du pays. Après l’avoir draguée dans le bus, ce brave Anatoliy s’est dit qu’il serait temps de passer aux choses sérieuses et de lui proposer un date. Seulement, comme on parle de Tymoshchuk, ce fameux rendez-vous amoureux fut… un jogging. Défi relevé.
Au-dessus, c’est le soleil
Des histoires comme celles-ci sur « T-44 » , il y en a une pelletée. On parle d’un homme très croyant, qui a baptisé lui-même ses jumeaux prématurés et qui collectionne les icônes, dont la plus vieille date du XVIe siècle. Un homme qui a la main sur le cœur, aussi, et pas qu’au moment où retentit l’hymne ukrainien. « Il m’a aidé pour tout et n’importe quoi. Quand je n’avais pas encore de voiture, il venait tous les jours pour me prendre et me ramener chez moi » , ainsi Bodgan Shust, son ancien coéquipier au Shakhtar et gardien de la sélection. Ses entraîneurs ne disent pas autre chose. « Tymoshchuk est un gars honnête, je partirais sans souci en mission d’espionnage avec lui » , disait de lui le sélectionneur Oleg Blokhine. Grâce à son influence sur le terrain et en dehors, Anatoliy Tymoshchuk espère bien emmener l’Ukraine le plus loin possible. Avant, peut-être, de prendre une autre direction. « J’aimerais bien aller dans l’espace, voir à quoi ressemble les planètes vues de là-bas » . Là, c’est sûr, il sera plus haut que Chevtchenko.
Ali Farhat, à Gdansk