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Amour, haine et Higuaín

Par Adrien Candau
4 minutes
Amour, haine et Higuaín

Utilisé comme vulgaire monnaie d'échange par une Juventus désireuse de rapatrier Leonardo Bonucci, Gonzalo Higuaín se retrouve propulsé comme joueur star d'un Milan qui ne sait encore guère trop où il va. Une idylle embryonnaire, dont le premier rencard est prévu pour ce samedi soir au San Paolo. Un stade où, deux saisons après son départ, l'Argentin reste le centre de toutes les attentions et détestations.

Gonzalo Higuaín aurait pu choisir d’être le héros de l’histoire. Il lui aurait suffi, un beau jour d’été 2016, de faire le forcing pour rester à Naples, un club où l’évocation de son blase suffisait à provoquer des élans romantiques chez presque n’importe quel tifoso partenopeo. Mais Gonzalo Higuaín a opté pour la Juventus, ses Scudetti et son culte de la victoire. Une nouvelle maîtresse plus pragmatique, qui a choisi cette saison de filer le parfait amour avec un certain Cristiano Ronaldo. Alors l’Argentin a dû prendre ses cliques et ses claques direction Milan pour tisser en Lombardie une romance aux contours encore assez improbables.

Drôle de départ

Improbable, car l’arrivée d’Higuaín au Milan ressemble à un retour en arrière pour l’Argentin d’un point de vue sportif. Bien calé à la pointe de l’attaque de la Juventus, avec laquelle il a planté plus de 50 buts en deux saisons, remporté deux Scudetti, deux coupes d’Italie et disputé une finale de C1, l’ancien Madrilène avait globalement convaincu dans le Piémont. Son second exercice turinois avait même dessiné sa volonté de se plier au style de la maison bianconera, puisque Higuaín s’était transformé en attaquant plus collectif, enclin à participer au jeu comme à multiplier les efforts défensifs.

Une mutation remarquée et appréciée par les cadres du vestiaire : « Pour moi, il y a eu un moment crucial, expliquait l’Argentin la saison dernière. C’était un match contre l’Udinese. Nous avons gagné 6-2, mais je n’ai pas marqué un but. Alors, Buffon est venu me voir pour m’expliquer à quel point j’étais important pour l’équipe, même sans marquer. » Un changement prometteur, mais sans lendemain. Début août, voilà Gonzalo bazardé au Milan via un prêt d’un an de 18 millions d’euros, ponctué d’une option d’achat fixée à 36. Un prêt tellement onéreux qu’il semble dissimuler une obligation d’achat officieuse, alors que l’accord trouvé avec la Juventus permet à l’AC Milan de respecter les règles du fair-play financier, pour sans doute acquérir définitivement l’Argentin la saison prochaine.

Milan tient son grand attaquant

Un tantinet vexant pour Gonzalo, écarté par la direction d’une Juventus qui vise les sommets européens, pour atterrir au sein d’un Milan encore convalescent. Si le Diavoloa plutôt bien recruté cet été (Laxalt, Caldara, Castillejo et Bakayoko ont rejoint les Rossoneri), il navigue encore à l’aveugle. Le club est désormais la propriété du fonds Elliott, dont les intentions à moyen terme s’avèrent encore floues, même si la société américaine aurait tout intérêt à ce que l’AC Milan reste un club attractif, afin qu’elle puisse le revendre à un prix avantageux dans un futur proche. Dans cette optique, le retour aux affaires de Leonardo, nouveau directeur sportif du club, et de Paolo Maldini, nommé au poste de directeur du développement stratégique du secteur sportif, incitent à l’optimisme.

Un optimisme partagé par les tifosi, qui ont réservé un accueil hystérique à Higuaín, lorsque ce dernier a effectué sa visite médicale à Milan, le 2 août dernier. Alors que ni Cutrone, André Silva ou Kalinić n’ont su s’imposer comme titulaire indiscutable à la pointe de l’attaque des Rossoneri la saison dernière, Higuaín a lui les armes nécessaires pour devenir le nouveau chouchou des tifosi lombards, à en croire de nombreuses légendes du club comme Roberto Donadoni : « Avec Higuaín, le Milan s’est énormément renforcé. Il a toujours faim et Gattuso manquait précisément d’un grand point de terminaison offensif. »

Roi de la contradiction

Beaucoup d’amour en perspective, même si les bons sentiments qui accompagnent la venue de Gonzalo au Diavolo seront sans doute noyés ce samedi par la haine que l’attaquant suscite toujours au San Paolo. Lors de sa dernière sortie sur la pelouse de l’enceinte napolitaine le 1er décembre dernier, Higuaín avait alors planté son troisième pion en autant de matchs face à ses anciens partenaires, avant de célébrer sans complexe son but, quitte à accroître encore un peu plus la haine que lui vouent les supporters napolitains. Et même à se froisser avec certains de ses anciens coéquipiers : « Higuaín nous a envoyé des messages la veille du match, disant qu’il est notre ami, pour ensuite célébrer devant notre gueule, déroulait ainsi Lorenzo Insigne après le match. C’était un manque de respect, je suis allé lui dire deux ou trois mots en napolitain. Je ne peux pas vous dire ce que je lui ai dit, mais il a très bien compris. »

Un contraste saisissant avec le souvenir que l’Argentin a laissé à Turin, où son départ est déjà regretté par certains, à l’image de l’ex-milieu juventino Marco Tardelli : « Je suis persuadé qu’il fallait conserver Higuaín dans l’optique de la Ligue des champions, même s’il y a du beau monde devant.  » Un curieux mélange d’espoir, de regrets et de haine, que Gonzalo Higuaín attise alternativement à Milan, Turin et à Naples. Drôle de patchwork émotionnel, pour un joueur qui devrait, quoi qu’il arrive, ne pas s’arrêter d’enfiler les pions. Et de susciter des sentiments contradictoires.

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Par Adrien Candau

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