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Amine Gouiri, par les entraîneurs qui l’ont construit

Propos recueillis par Maxime Brigand et Émile Gillet
Amine Gouiri, par les entraîneurs qui l’ont construit

Comeilleur buteur de Ligue 1 après sept journées, Amine Gouiri vit à 21 ans un début de saison blindé d’événements, entre la confirmation de son excellente première saison à Nice, la prise du capitanat chez les Espoirs et les premiers coups reçus cette semaine avec notamment deux penaltys manqués. Ceux qui ont façonné la fusée racontent.

Mickaël Boyer, son entraîneur à L’Isle-d’Abeau

« Je connais Amine depuis qu’il est tout petit. On vivait dans le même lotissement. À chaque fois qu’il rentrait, il nous appelait pour aller jouer au foot. À force de jouer et d’enchaîner les gestes, ces parties dans la rue l’ont fait progresser. Il a toujours été plus technique que les autres, avec une frappe de balle deux fois plus forte que tout le monde. Parfois, certains gardiens s’enlevaient de la cage. En grandissant, il a gardé cette puissance, mais il a appris à mieux placer ses tirs, à mieux les enrouler.

Quand il avait neuf ans, je l’ai entraîné avec les U12 et les U13 de L’Isle-d’Abeau. C’était un buteur au registre déjà très varié. Il savait rentrer à l’intérieur et enchaîner, il savait briller dans la surface, il savait aussi décrocher, remonter le ballon, frapper… À chaque fois que ça devenait difficile, il venait chercher le ballon et allait marquer. Et quand il ne marquait pas, son frère lui en parlait. L’avantage, c’est que comme il plantait souvent cinq, six ou sept buts par match, personne ne lui disait rien !

Une fois, je l’ai emmené à un tournoi international avec mon équipe. Il avait trois ou quatre ans de moins que les autres. En demi-finales, c’est dur, il y a 0-0. Je remplace le frère d’Amine par Amine, il marque, et on se qualifie comme ça. C’était ça, Amine : il avait ce truc en plus, notamment mentalement. J’ai vu beaucoup de joueurs avec du talent, peut-être pas autant que lui, mais qui ne suivaient pas dans la tête. En plus, il comprenait les choses plus vite que les autres, il savait déjà se placer, où et quand faire les appels… Plus le niveau monte, plus ça se resserre, mais lui, il restait au-dessus. Aller à Bourgoin-Jallieu, c’était donc bien pour lui, parce que ça l’a fait monter d’un niveau. »


Manuel de Almeida, son entraîneur à Bourgoin-Jallieu

« Comme on avait déjà les deux frères d’Amine, son père nous l’a amené. Parfois, en U12, on gagnait 22-0 et il marquait dix buts. C’était impressionnant, mais en foot à huit, on avait aussi Maxence Rivera de l’ASSE dans le même registre, qui était aussi doué techniquement. Au début, on était un peu réticents parce qu’on ne faisait pas de surclassement, mais finalement, on a double-surclassé Amine. Techniquement, il faisait la différence. Morphologiquement, il répondait aux impacts. Et avec le ballon, il avait une facilité à trouver l’espace libre, à se libérer du marquage, à détecter les bonnes zones.

Pour nous, c’était un précurseur parce qu’il était attiré par le but, mais savait aussi se déplacer en fonction de ses partenaires, de ses adversaires… Tout était naturel pour lui.

Pour nous, c’était un précurseur parce qu’il était attiré par le but, mais savait aussi se déplacer en fonction de ses partenaires, de ses adversaires… Tout était naturel pour lui. J’avais l’impression qu’il était aimanté par le but, qu’il connaissait la position du gardien, qu’il savait toujours quelle était la bonne surface de pied à utiliser. Ce n’est pas quelque chose d’habituel pour un gamin de douze ans et c’était cadré à chaque fois. Dans la surface, c’est souvent la vitesse gestuelle qui fait la différence et avec Amine, tout allait plus vite. Yassine Benzia, qui a joué contre nous, avait exactement ce même comportement : se retourner, prendre les informations de l’adversaire, frapper dans le bon timing… Quand il était gamin, son idole était Karim Benzema, il essayait de reproduire ce qu’il faisait à l’OL. Et franchement, je voyais du Benzema dans le finisseur qu’était Amine. On retrouve cette soif de marquer. Il avait un rôle de finisseur, mais je me rappelle lui avoir dit que pour être complet, il devait marquer plus souvent de la tête.

Avec lui, on a remporté la Danone Cup en Pologne, où il a fini meilleur buteur, et le challenge offensif de Clairefontaine, qui récompensait les meilleures attaques U13 nationales. Les éducateurs d’en face me disaient toujours que ce n’était pas un 1999. Je leur disais qu’ils avaient raison, puisque c’est un 2000 ! D’ailleurs, c’est peut-être le seul gamin de douze ans capable de marquer en dehors de la surface sur un terrain de foot à onze qu’on ait eu. Forcément, on avait beaucoup d’observateurs qui venaient régulièrement le voir. Des clubs comme Rennes, Nancy… Il a fait un essai à Nancy, mais vu l’éloignement, il est revenu sur Lyon, qui lui a proposé des semaines complètes d’intégration. Il était à vingt-cinq minutes de chez lui, c’était plus simple pour rentrer se ressourcer le mercredi. Ça l’a aidé dans sa préformation et dans sa construction. »


Amaury Barlet, son entraîneur lors de ses premiers tournois avec l’OL

« Pendant l’année, on fait beaucoup de tournois durant lesquels on intègre des joueurs à l’essai ou des joueurs qu’on a fait signer pour l’année d’après. La première fois que j’ai rencontré Amine, j’avais la génération 2000 de l’OL, en U12 et en U13. Le but l’animait, c’était un tueur, une machine. Il marquait à tout-va, mais il était aussi capable de donner de bons ballons, d’être altruiste. Il avait surtout un gros avantage athlétique sur les autres. Ça ressortait forcément, mais il n’avait pas que ça. Il avait aussi un sens tactique, du placement… C’était un danger permanent.

Quand je l’ai eu en tournoi après, j’ai aussi découvert un garçon plein d’humilité, simple, heureux. Il s’est vite intégré et a ensuite progressé linéairement. Quand on ne l’a pas connu jeune, on a du mal à imaginer à quel point il était au-dessus des autres physiquement. Mais il ne s’est pas reposé là-dessus, et ça lui a servi. Quand le rapport de force s’est égalisé à dix-sept, dix-huit ans, il a eu cette avance. J’ai vu énormément de jeunes très en avance sur le plan athlétique à douze, treize ans être incapables, ensuite, de construire d’autres stratégies de jeu pour se préparer à l’après. Amine, lui, ne s’est pas appuyé que sur un point : il a aussi développé sa vitesse, sa qualité de dribble, son sens du jeu, son amour du foot… »


Armand Garrido, son entraîneur en U17 à l’OL

« Tous les ans, en tant qu’éducateur, j’allais regarder les joueurs des catégories en dessous pour voir ceux qui allaient arriver. Forcément, le potentiel d’attaquant exceptionnel d’Amine nous a vite tapé dans l’œil, et dès sa première année U16, il est monté en U17 nationaux. Ce qui m’a tout de suite plu, c’est son esprit collectif. Amine n’a jamais joué au football pour lui, mais avec les autres. Athlétiquement, c’était hors du commun : un joueur avec de la force, de la puissance, une qualité technique rare et un sens du but aiguisé, donc un joueur qui s’est rapidement détaché des autres. Ce n’est pas pour rien qu’il a vite été international : c’est parce que c’était un des meilleurs attaquants de sa génération, si ce n’est le meilleur.

Ce qui m’a tout de suite plu, c’est son esprit collectif. Amine n’a jamais joué au football pour lui, mais avec les autres.

À cet âge-là, je cherche souvent à les mettre en difficulté, à les bouger. Mais avec lui, il n’y a pas forcément eu besoin. Mon petit regret, c’est qu’il est vite parti vers le groupe National 2, puis dans le groupe professionnel. On aurait peut-être pu affiner encore un peu plus son travail de formation pour gagner du temps. Après, il a su prendre des décisions pour prendre en main sa carrière, son destin. C’est un signe de maturité. Le but de tous les jeunes est de devenir rapidement professionnel, et Amine a fait en sorte d’avaler les étapes pour devenir le joueur qu’il est aujourd’hui. Évidemment, il va encore grandir, mûrir, mais on retrouve son style, sa malice, sa capacité à voir les coups avant les autres. Sa marge de progression est encore très importante. La seule certitude, c’est que c’est un attaquant dont on entendra parler encore longtemps, qui a des touches du jeune Benzema, du jeune Martial, mais qui a construit son nom. Ce n’est qu’un début. »


Jean-François Vulliez, directeur de la formation à l’OL

« Avant d’arriver à l’OL, il avait des qualités athlétiques, mais aussi une sensibilité de pied, des appuis forts et la science du jeu combiné. Il ne jouait pas seul, on voyait tout de suite son talent qui correspondait parfaitement au jeu lyonnais. Malgré son grand gabarit (1,80 pour 72kg, NDLR), il produit de petits appuis avec beaucoup de fréquence pour changer la direction de sa course, du ballon, réaccélérer, c’est assez unique. Un peu comme Lionel Messi, ça lui permet de toucher plus le ballon pour se mettre en situation de tir et enchaîner très rapidement.

Ici, il a continué à travailler dans un contexte avec plus d’intensité et d’adversité. Il essayait toujours d’avoir un temps d’avance dans le démarquage sur son adversaire. Et s’il était pris, il utilisait sa protection de balle pour pouvoir marquer ou combiner avec les autres. C’est une intelligence tactique qu’il avait naturellement, comme cette capacité à s’orienter vers l’avant, à être disponible ou une grande qualité technique. Ce n’était pas quelqu’un qui faisait beaucoup de passements de jambes ou de roulettes, il était assez efficace dans son jeu. Il fixait, prenait l’extérieur pied droit et frappait. Il est capable d’enchaîner très vite sur cette miniseconde dans l’angle disponible. Son intérieur et son coup du pied droit étaient très forts. Dans la prise d’informations, il était aussi très doué. Comme il frappe assez fort, s’il cadrait dans un angle, c’était difficile pour le gardien de but. Après, il fallait laisser la nature faire les choses, créer le contexte d’entraînement pour qu’il continue à développer son potentiel et amener de la compétitivité.

On ne peut pas refaire l’histoire, mais s’il n’y avait pas eu la Covid, il aurait été décisif en mars, avril ou mai avec les pros, et l’histoire aurait été différente.

Dans toutes les catégories où il est passé, c’était l’avant-centre. Il aimait avoir le ballon dans les pieds pour aller travailler son adversaire direct. On a beaucoup bossé avec lui en fin de formation sur la prise de profondeur, qu’il fasse les courses. La seule chose qu’on lui reprochait et où il commence à évoluer maintenant, c’est son pied gauche. Il était très exclusif pied droit pour marquer ou pour passer. Quand il arrivait de la gauche vers la droite du but, il avait besoin de cette alternative pour ne pas rentrer systématiquement à l’intérieur. Il est plus à l’aise à gauche pour rentrer sur son pied droit et avoir des angles de frappe. Sur le plan moteur, il est profilé pour jouer là. C’est-à-dire que ses sensations sont meilleures dans cette zone du terrain. Il est naturellement profilé par rapport à son œil moteur à avoir plus de facilités dans certaines zones et certains angles. C’est pour ça qu’on le mettait là, il avait un meilleur comportement tactique.

Il a toujours été un top player de sa génération avec Maxence Caqueret. On savait que sur sa base tactique, technique et athlétique, il avait tous les critères nécessaires pour entamer une carrière professionnelle. Il y a juste eu la question de sa blessure. Il s’est fait ça tout seul dans un entraînement avec la réserve, en veille de match et en début de saison. Il a mis un peu de temps à revenir, mais en février 2020, je revoyais l’Amine d’avant sa blessure. En quelques jours, il avait mis un quadruplé avec la réserve contre Moulins-Yzeure, un doublé contre Saragosse et un autre but contre Bergame en Youth League. Il avait retrouvé sa vélocité, sa fréquence d’appuis. On ne peut pas refaire l’histoire, mais s’il n’y avait pas eu la Covid, il aurait été décisif en mars, avril ou mai avec les pros, et l’histoire aurait été différente. Ça a été une vraie déception qu’il parte, parce qu’il avait retrouvé les qualités pour être décisif en professionnel. »


Adrian Ursea, son ancien entraîneur à Nice

« La première fois que j’ai vu Amine, c’était par pur hasard au cours de l’été 2017, lorsque j’étais adjoint de Lucien Favre à Nice. On s’était qualifiés pour le troisième tour préliminaire de la Ligue des champions et on avait tiré l’Ajax, qui avait alors un match de préparation programmé face à l’OL au mois de juillet, à Bourgoin. J’ai été au match pour les superviser et là, à ma grande surprise, j’ai découvert cet Amine Gouiri. Je me rappelle à l’époque être rentré à Nice et avoir dit aux autres membres du staff, notamment à Frédéric Gioria (entraîneur adjoint, NDLR), que j’avais été bluffé par ce gamin. Amine était un jeune joueur, il commençait seulement à pointer le bout de son nez dans le groupe pro, mais il avait une telle personnalité et une telle maturité pour son âge… Le reste, c’était déjà du Gouiri : un joueur très juste dans son jeu, déjà capable de très bien résister dans les duels, de prendre des bonnes décisions dans des petits espaces.

Dans les cellules de recrutement, on a souvent tendance à juger la technique d’un joueur sans prendre en compte le contexte de jeu. C’est pourtant essentiel pour juger avec précision le profil d’un joueur, sa capacité à s’adapter aux scénarios… Et là-dessus, il n’y a aucun débat : Amine sait s’adapter à tous les scénarios, car c’est un joueur efficace. Lorsque j’ai su que Nice voulait investir de l’argent sur lui, j’étais donc très enthousiaste. La seule question que je me posais en tant qu’adjoint notamment en charge de l’analyse vidéo, c’était : comment Patrick (Vieira) allait-il l’intégrer dans son animation pour qu’Amine exprime au mieux ses qualités ? La chance qu’on a eue, c’est que tout a été très vite et qu’il a inscrit un doublé dès son premier match contre Lens dans un contexte collectif pourtant délicat. Directement, il a frappé fort et a envoyé un signal.

Pour moi, les débats sur son poste sont assez stériles parce qu’on a affaire à un joueur hyper intelligent. Moi, je fais le constat suivant : la saison dernière, il a marqué seize buts toutes compétitions confondues et a délivré huit passes décisives. Et cette saison, il continue. Amine sait interpréter plusieurs rôles et c’est ce qui fait de lui un joueur à part. Il sait s’adapter à tous les contextes de jeu. Qu’il joue dans l’axe ou à gauche, il réussit à créer, à percuter et à être décisif parce qu’il a cette capacité à flairer les espaces. Il faut simplement lui laisser un rôle où il peut partir depuis la gauche, rentrer à l’intérieur, combiner.

Aujourd’hui, il est à un premier tournant, car les adversaires commencent à mieux le connaître. Ils vont détecter ses points faibles et réussir à le bloquer. Il faut donc qu’il continue à travailler pour compléter son profil. Lorsque j’étais encore au club, on commençait déjà à remarquer que les adversaires l’attendaient à l’intérieur. Il doit trouver un peu plus de variété dans ses dribbles en un contre un et travailler son pied gauche. Lorsqu’il va acquérir cela, il sera encore plus redoutable. Pareil pour son jeu de tête, où il peut encore progresser, et son approche mentale. J’ai vu le match qu’il a fait avec les Espoirs aux îles Féroé et j’ai vu une nouvelle facette d’Amine. Pour la première fois, je l’ai vu sortir du cadre collectif, tenter de gagner le match en solitaire, car les choses tournaient mal… Mais il a besoin des autres pour briller. C’est un joueur d’associations qui adore échanger en une touche avec ses partenaires dans des espaces réduits… Il ne doit pas l’oublier. Une fois qu’il aura corrigé ça, son éventail sera immense. Je sais que la comparaison avec Benzema le dérange, mais il y a quand même beaucoup de similitudes, dont un point commun énorme : le fait qu’ils adorent le foot pour le foot. Ils n’aiment pas le foot comme cadre de vie, mais pour le jeu que c’est. Et ça, c’est essentiel. »

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