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Amine Boutrah : « La suite logique, c’est la Ligue 1 »
Grand artisan des belles performances du coleader Concarneau, Amine Boutrah commence à se faire un nom et voit les clubs de Ligue 1 lui faire les yeux doux. À 22 ans, le natif de Porto-Vecchio, joueur frisson de la saison en National, ne se fixe aucune limite.
Comment gères-tu l’exposition médiatique grandissante qui t’accompagne depuis quelques mois ?
Au début c’était bizarre, et on se chauffait avec Fahd (El Khoumisti) par exemple en se demandant comment on allait réagir lorsque l’on serait exposé. Parfois je fais le chaud, mais je prends ça à la rigolade avec ma famille ou encore mes coéquipiers. De toute façon, avec l’entourage que j’ai, c’est impossible pour moi de prendre la grosse tête.
À quel moment as-tu senti l’engouement autour de toi ?
Vers le mois d’octobre, j’étais en feu en étant décisif à chaque match. J’entendais de plus en plus parler de moi, des agents m’appelaient, des clubs s’intéressaient à moi. Tout était devenu différent par rapport à la saison dernière.
Sportivement, tu as connu une période plus compliquée durant le mercato hivernal. C’est en raison de ce changement de statut à digérer ?
Il y avait clairement un gros lien. J’avais la tête ailleurs que dans mon football. Les premières semaines, j’arrivais à faire abstraction, mais au bout d’un moment, ça a pris le dessus. La coupure du mois de décembre m’a fait du bien. Dans le football, tu peux vite être tout en haut comme tout en bas, donc je réfléchissais beaucoup à un départ ou non. Quand je touchais un ballon, je me disais qu’il y avait du monde dans les tribunes pour moi, donc j’étais trop dans le calcul. J’avais perdu mon insouciance qui fait ma force, donc je n’étais pas bon. En plus on ne gagnait plus trop à cette période, donc ce n’était pas évident. Il y avait des offres concrètes de clubs de Ligue 1 et Ligue 2 sur la table, mais je voulais confirmer sur une saison entière avec Concarneau. Je ne regrette pas du tout ce choix.
Tu as grandi et touché tes premiers ballons en Corse. À quoi ressemblait ton enfance sur l’Île de Beauté ?
J’ai toujours joué au football en bas de chez moi et à l’école, mais en revanche, je n’en regardais jamais à la télé, sauf parfois le dimanche soir avec mon père. Quand j’étais en sport-études au SC Bastia, je ne vivais que pour le football et je détestais les cours. Le club venait de descendre de la Ligue 1 à la N3, donc tout le monde s’est barré. À 16 ans, j’étais dans le groupe, on jouait devant 14 000 spectateurs, c’était un truc de fou ! Après deux ans et une montée en N2, j’ai décidé de quitter le club. J’avais un mauvais comportement, donc le club m’a retiré mon contrat fédéral. Il fallait que je trouve un nouveau défi, je n’avais rien alors que la saison avait déjà commencé.
Tu signes par la suite du côté de Lucciana en N3.
À l’époque, le frère du directeur sportif du club était Grégory Lorenzi, directeur sportif du Stade brestois. Mon agent m’a donc dit que c’était un bon moyen de pouvoir se montrer. J’y étais en plein Covid, donc ça ne s’est pas passé comme prévu. Par la suite, j’ai eu l’occasion de faire un essai à Concarneau en 2021.
Tes débuts en Bretagne ont été bien difficiles…
Au départ, je venais pour une semaine, mais c’était bizarre, le coach Stéphane Le Mignan n’était pas trop chaud. Il avait deux contrats fédéraux à offrir, mais il visait des joueurs expérimentés. Il m’avait poussé à faire une deuxième semaine d’essai avant de me dire de façon honnête qu’il fallait que j’aille à Bastia-Borgo, parce qu’en cas d’arrivée d’un joueur d’expérience, ce serait fini. Finalement, je suis resté jusqu’à faire une troisième très grosse semaine, ce qui l’avait surpris. J’ai enfin signé, j’étais hypercontent. C’était long, j’enchaînais camping sur camping, parce qu’il ne faut pas croire que les joueurs à l’essai étaient dans les hôtels. Mon agent et mon père voulaient que je retourne en Corse, donc je suis fier de m’être battu.
Retourner en Corse aurait été un échec ?
Si tu as 35 ans, la Corse, c’est parfait pour un footballeur. C’est tellement beau. Mais pour un jeune joueur comme moi, c’est compliqué, les gens sont trop fermés. En Bretagne, un bon joueur sera mis en valeur peu importe son âge. C’est une vraie terre de football, j’ai beaucoup de respect pour ça.
Revenons à ta saison en National. C’est un championnat réputé pour être très physique. Comment fais-tu pour t’en sortir avec ton petit gabarit ?
Il y a des équipes comme le Red Star par exemple où il y a des joueurs très costauds, mais c’est la dalle qui parle. Je suis solide sur mes appuis, je travaille beaucoup à la salle et je n’hésite pas à en rajouter un peu quand je prends des coups. (Rires.) L’année dernière, j’ai été blessé cinq semaines, et le club était beaucoup moins structuré que cette saison, donc j’allais m’enfermer à la salle pour y bosser tous les jours. J’ai pris quatre kilos de muscle et lors de mon match de reprise, j’ai senti que j’étais hyperlourd ! Laisse tomber, je n’y arrivais pas. J’avais fait n’importe quoi. En regardant les vidéos, je me disais que je courais comme un robot. Le coach m’avait prévenu en plus ! Bon, je suis bien revenu par la suite.
Ton ami et coéquipier Faissal Mannai te définit comme une pile électrique sur le terrain et en dehors. Tu ne fatigues jamais ?
Il fait référence par exemple au fait que je sois dégoûté qu’on n’ait pas entraînement le lendemain d’un long déplacement alors que franchement, on pourrait ! Venez on se bute le matin et on se repose l’après-midi ! (Rires.)
À six journées de la fin, Concarneau est coleader de National (avec Martigues et Dunkerque). La saison dernière, le club avait terminé 4e. Comment expliques-tu ces bons résultats ?
C’est le vestiaire ! Les anciens et les plus jeunes rigolent ensemble, on est un vrai groupe, encore plus cette saison. Si on veut monter en Ligue 2, ça passe par là. En plus, on a plus de soldats, plus de caractère. L’année dernière, il nous manquait ce côté guerrier. Par exemple, on avait enchaîné sept matchs nuls de suite, mais on se disait que c’était bien parce qu’on pratiquait un beau football. Cette saison, le moindre match nul a le goût de la défaite. Quand on a perdu face à Sedan, j’ai eu l’impression de perdre le championnat. C’est la bagarre en National, tout le monde a encore quelque chose à jouer. Puis j’ai l’impression qu’on est l’équipe à battre, ce qui rend la chose plus compliquée. Ce n’est plus comme avant. Maintenant, quand ils viennent à Concarneau, ils sont sur leurs appuis.
Randal Kolo Muani a connu le championnat National et a explosé des mois plus tard. Tu t’en inspires ?
Comme lui, je ne me mets aucune barrière. J’ai confiance en moi. Si je peux aller tout en haut maintenant, j’irai, mais pas à l’aveugle non plus. La suite logique c’est la Ligue 1, je veux la Ligue 1. Je laisse ça à mon agent, c’est trop tôt pour donner une réponse. J’ai beau faire le mec qui n’est pas atteint, je reste jeune, donc il faut que je me protège. La dernière fois que je m’y suis intéressé, j’ai eu mal à la tête, donc je ne referai plus cette erreur.
Propos recueillis par Diren Fesli