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Amigorena : « Quand on est argentin, on ne veut que le 10 »

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Amigorena : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Quand on est argentin, on ne veut que le 10<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Pendant ces deux dernières années, le cinéaste argentin Santiago Amigorena a planché avec ses acteurs, jour et nuit, sans budget, sur le film Les Enfants rouges qui sort le 22 janvier. Une occupation très prenante pour ce fan de Boca Juniors, qui ne l'a pas empêché de suivre les résultats et l'évolution de l'équipe nationale. Passage en revue des effectifs. Mais pas que.

Que pensez-vous du niveau actuel de l’Albiceleste ?

C’est pas mal. Ça commence vaguement à devenir une équipe. L’Albiceleste, vous savez, c’est un drame national parce que ça fait des années et des années qu’on gagne la Coupe du monde des moins de 20 ans (trois fois champions depuis 2001) et qu’on ne fait rien après. En gros, depuis la génération d’Aimar, Riquelme, Saviola. C’est assez incroyable qu’ils n’arrivent pas à gagner une Coupe du monde. Je pense aussi qu’il y a eu deux mauvais entraîneurs : Sergio Batista et Maradona. Ils n’étaient pas formés pour être entraîneurs. Moi, je n’aime pas les entraîneurs qui ne gueulent pas sur un terrain. Faut pas oublier qu’une équipe est formée de gamins et qu’ils faut les engueuler. Un joueur de foot, à vingt-deux ans, est beaucoup plus gamin qu’un étudiant de vingt-cinq ans. Donc il faut l’engueuler pour qu’il se replace, qu’il fasse la passe. Et ce minimum de jeu d’équipe n’existait pas. À mon sens, c’était beaucoup plus la faute de l’entraîneur que des joueurs. Le pire, c’est qu’à côté de ça, on n’est pas qu’un grand pays exportateur de joueurs. On exporte aussi des entraîneurs : Pékerman, Bielsa, Martino, Simeone. Si l’on regarde les nations qui participent aux Éliminatoires de Coupe du monde de la zone sud-américaine, en général, trois ou quatre sont entraînées par des Argentins. Malgré ça, ils ont mis Maradona… Et Batista avait juste gagné une Coupe du monde des moins de 20 ans.

Que pensez-vous de Sabella, du coup ?

Qu’il a eu une vraie carrière en club, qu’il est formé depuis toujours. Maintenant, l’équipe joue. De toute façon, j’avais lu un article, dans Libération je crois, qui démontrait que jusqu’à la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, aucun des favoris n’avait gagné la Coupe du monde.

Donc l’Argentine part favorite ?

Toujours. En 2002, la France et l’Argentine partent favorites et se font sortir au premier tour. En 2006, après le match contre la Serbie, en poules, et surtout le match contre l’Allemagne, ils perdent tous seuls. Il y a 1-0 à la 80e minute, Messi ne jouait pas, ce qui était une absurdité totale.

Oui enfin, Messi n’était pas le Messi qu’on connaît aujourd’hui.

Nous, on se disait déjà à l’époque que même si Pékerman ne voulait pas le mettre dans l’équipe, il le mettrait quand même à cause du poids médiatique. Sauf qu’il fait un changement en fin de match : il fait entrer Cruz à la place, qui n’a quand même pas le même niveau ! (rires) Alors que s’il avait fait entrer Messi à un quart d’heure de la fin pour jouer la prolongation… En 2010, l’Espagne gagne, mais elle sort des groupes parce que la Suisse ne marque pas un but – sauf contre eux – et est éliminée. Ce sont des histoires qui appartiennent au hasard. Si le football est le sport le plus regardé du monde, c’est pour son côté miraculeux. Bon, maintenant, c’est un peu fini. C’est incroyable ce changement avec ces équipes qui gagnent toujours 4-0…

Ça, c’est un peu la faute d’un Argentin !

Ça a commencé avec Messi, c’est vrai. En Argentine, on le sait depuis qu’il a l’âge de neuf ans. Dès qu’il entrait sur un terrain, quoi qu’il arrivait, il mettait ses quatre, cinq buts. Quand il jouait avec des gens de son âge, il en mettait dix. Quand il jouait avec des grands, il en mettait quatre. Il n’y avait plus de résultat 1-0 ou 2-1. Maintenant, le Barça, le Real, Manchester City et le Bayern, ils gagnent d’une manière incroyable.

En parlant de Messi, est-ce que Sabella n’a pas réussi là où les autres ont échoué ? À savoir intégrer Messi dans un système de jeu.

Je ne sais pas. Je me prends la gueule avec mes amis argentins depuis très longtemps parce que je suis beaucoup plus messiphile que la moyenne des Argentins. Pour moi, Messi est au-dessus tout le temps parce qu’il sait ce qu’il doit faire sur un terrain. En Argentine, on dit toujours que personne ne peut lui amener la balle comme Xavi ou Iniesta, donc il ne la reçoit pas bien, doit descendre trop bas pour la chercher. Sauf que quand une équipe fait chier le Barça, il doit redescendre chercher la balle aussi. Guardiola l’a dit quinze fois : il sait ce qu’il a à faire. S’il doit jouer 10, il joue 10. S’il doit jouer 9, il joue 9. S’il doit être libéro, il peut le faire aussi. Ce qui m’étonnait surtout à Barcelone, c’était la façon dont ils se démarquaient tous. Des amis tellement proches que quand l’un avait le ballon, trois autres se démarquaient pour aller chercher le ballon. C’est un truc d’équipe, c’est pas plus que ça. Moi, je joue souvent au foot, tu dois y jouer aussi et on sait très bien que faire les cinq premiers mètres pour aller chercher la balle, c’est dur. Parce qu’on n’a pas envie, parce qu’on a trop couru, parce qu’on est fainéant… Mais aussi parce qu’on sait que le mec qui a la balle ne va pas lever la tête et voir ! Messi, il peut avoir ce côté désagréable parce que tout le monde joue moins bien que lui. Quand on le regarde de près, on voit que Pedro l’énerve. Villa, aussi, l’énervait beaucoup parce qu’il fonçait tête baissée. Ça ne servait à rien qu’il soit à côté de lui sur le terrain. C’est pas qu’il est très mauvais, mais il est beaucoup plus mauvais que Messi. Je fais partie des gens qui, depuis le début, disent que Messi est bien meilleur que Maradona et que c’est incomparable.

Rassurez-moi : Messi est apprécié en Argentine ?

Maintenant, oui. Mais pendant très longtemps, Messi n’était pas considéré comme équivalent à Maradona. Parce qu’il n’a pas joué à Boca, d’abord. Ensuite, parce qu’il est une très mauvaise star, pas du tout charismatique, c’est vraiment un gamin. Depuis les premiers matchs que j’ai vu, soit la Coupe du monde 1970, je n’ai jamais vu un joueur comme Messi. Traditionnellement, il y a une différence entre le Brésil et l’Argentine : en Argentine, on a toujours aimé les n°10 et au Brésil, les n°9. Par exemple, Kempes est connu parce qu’il a remporté la Coupe du monde en 1978, mais personne ne le considère comme un grand joueur. Il avait la puissance. Comme Ronaldo. Comme Pelé, même. Il était puissant, avec un bon jeu de tête. Mais c’est pas ça qu’on aime en Argentine. Nous, on aime Maradona, Riquelme, Bochini. Des joueurs qui peuvent garder la balle pendant une demi-heure et organiser. C’est une différence du culture.

Donc Messi, c’est le n°10 de l’Albiceleste ?

Ah oui ! Dans n’importe équipe dans laquelle il joue, il est 10. Quand on joue au foot et que l’on est argentin, on ne veut que cette place. Être au milieu, avoir la balle et décider ensuite si l’on fait la passe ou si l’on marque.

Oui, sauf qu’il n’y a qu’un 10 sur le terrain. Vous pensez quoi des autres offensifs de l’équipe ?

En 1994, dans l’équipe d’Argentine, Balbo, qui jouait d’habitude 9 et demi à la Roma, s’est retrouvé sur le côté gauche, en numéro 8. On prend juste les meilleurs et on les met ensemble. Di María pourrait faire un bon 10. On le met sur l’aile parce qu’il court vite, mais pour moi, c’est le deuxième meilleur joueur argentin.

Plus que Higuaín, Agüero et consorts ?

C’est toujours pareil : Higuaín, il faut qu’il soit collé au but ; Agüero peut passer trois mecs, mais il a toujours la même feinte, il a ce côté répétitif. Mais les vrais joueurs techniques, ce sont Di María et Messi. Et je pense que ça suffit. Même si l’on disait que Maradona était tout seul en 1986, avoir un seul faiseur dans son équipe, ça peut être difficile, ennuyeux. Alors que là, il y a de quoi faire une excellente équipe. Je pense aussi à Banega, qui est un très bon joueur. Quand il ne fait pas n’importe quoi.

Comme se faire écraser la jambe par sa propre voiture ?

Je le soupçonne de l’avoir fait exprès pour pouvoir rester couché chez lui un certain temps ! C’est tellement pitoyable ! (rires)

Que pensez-vous de Tévez ?

J’aime bien. Il a sa place en équipe d’Argentine. Tévez a ce truc, il pourrait jouer en retrait aux côtés de Messi et Di María. Je le vois bien sur un côté. Il aime bien descendre et aller chercher la balle. Et puis c’est un bon frappeur de loin. Après, effectivement, il doit faire peur à ses coéquipiers. Il le porte sur son visage. Les autres sont très calmes alors que lui est un taureau.

Les Argentins du PSG, Lavezzi et Pastore ?

Lavezzi, je n’ai jamais aimé. Ce n’est pas du tout un grand joueur. Ça ne veut pas dire qu’il n’a pas le niveau pour être dans les 23 du Mondial. Saviola, c’était un peu pareil, mais en équipe d’Argentine, il jouait mieux que dans tous les clubs dans lesquels il a joué. Pastore a toujours été un peu surévalué, mais en même temps, je n’ai pas vu le dernier match du PSG durant lequel, paraît-il, il a été monstrueux. Il peut bien jouer, mais il ne deviendra jamais Riquelme. En finale de Coupe intercontinentale, Riquelme est un monstre contre le Real. Il avait toujours deux joueurs collés à lui, dont Makélélé, et il faisait ce qu’il voulait. Pastore ne peux pas faire ça. Je ne sais pas s’il est paresseux ou quoi, mais il est trop irrégulier. En même temps, je le comprends, c’est horrible, la vie de footballeur professionnel. C’est une vie de rat. C’est refuser de lire, d’étudier autre chose, de penser une vie après trente-cinq ans. Donc je ne peux pas en vouloir aux joueurs irréguliers. J’aime me dire parfois que Pastore pense à autre chose que le foot et c’est tant mieux pour lui.

Doit-on s’attendre à voir de grands joueurs arriver bientôt en équipe d’Argentine ?

Il y a le petit indien Mapuche de huit ans qui vient de Patagonie, qui est allé au Real Madrid (Claudio Ñancufi). Je crois qu’aucun joueur n’est jamais sorti de cette tribu. C’est incroyable.

Vous les prenez au berceau, là…

Oui, mais de vrais jeunes qui sont prometteurs, non, je ne crois pas.

Même pas Lamela ?

Oh, Lamela, il a vingt ans maintenant. Il est pas mal, mais ça n’est pas un grand joueur. Et les moins de 20 ans, je les ai vus récemment, c’était pas terrible. Mais bon, on a déjà une très bonne génération. On n’a pas parlé de Mascherano, par exemple. C’est un excellent joueur. Je l’ai vu jouer n°5 récemment avec l’Argentine en math amical – alors qu’on ne voulait pas l’y faire jouer, ce qui était dommage vu ses prestations au Barça à ce poste. C’était monstrueux. Il peut faire je ne sais pas combien de contacts par match. C’est un petit machin qui couvre une partie de terrain énorme. D’ailleurs, depuis qu’il est en défense centrale au Barça, la façon de faire ressortir la balle a beaucoup changé. Avant, ça passait par les côtés, par Alves. Maintenant, Mascherano fait des passes de quarante mètres où l’on voit qu’il est bien meilleur, d’ailleurs.

C’est vrai qu’en Argentine, c’est pas la fête en défense.

C’est terrible. Sur les trois, quatre derniers matchs de Manchester City, De Michelis est titulaire absolu. Dans une équipe multi-milliardaire. Je l’ai vu jouer et il est pas mal ! C’est drôle parce que j’ai toujours considéré qu’il était mauvais. Garay est pas mal également. C’est comme si on avait quelque chose, mais qu’il manquait un leader. Un mec comme Ayala, un leader de défense absolu. Ce que Sabella a fait de bien, en revanche, c’est d’avoir décidé d’avoir une ligne de défense-type titulaire avec Federico Fernandez, Garay et Gonzalo Fernandez. En revanche, Rojo, c’est une catastrophe. C’est le joueur d’Estudiantes que Sabella garde, mais il faut changer. Il essaie d’ailleurs de le changer. Je crois qu’il n’y a pas vraiment de solution pour la défense de l’équipe d’Argentine…

Si : jouer en 2-4-4.

Je pense qu’on va commencer à réfléchir comme ça, oui ! C’est pas grave : marquons juste plus de buts que les autres ! (rires)

Les enfants rouges de Santiago Amigorena, avec Baptiste Amigorena, Jonathan Borgel et Eric Caravaca / Sortie le 22 janvier prochain

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