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Amiens, la prime à l’audace
Donnés pour morts fin janvier, les Picards ont signé face à Nîmes leur troisième succès en cinq matchs, reléguant Dijon, le barragiste, à sept points. S'il s'explique en bonne partie par le recrutement hivernal et le retour aux affaires de Moussa Konaté, ce regain de forme coïncide aussi avec le passage en 4-4-2 orchestré par Christophe Pélissier.
Il était LA priorité hivernale. L’homme par qui devait en bonne partie passer le salut d’Amiénois bien mal embarqués à l’aube de la nouvelle année. Élément clé du onze de Christophe Pélissier l’an dernier, Gaël Kakuta devait, selon les prévisions picardes, endosser de nouveau cet hiver le costume du maître à jouer, du facteur X capable d’assurer le liant entre le milieu et l’attaque dans le 4-2-3-1 cher au coach samarien. Le gaucher a eu beau mettre la pression aux dirigeants du Rayo Vallecano, jusqu’à refuser de monter dans le bus pour un match de Liga, et les décideurs madrilènes finir par s’entendre avec leurs homologues amiénois, rien n’y a fait : entre vols retardés, fax tardifs et documents non traduits ou non signés, Kakuta est resté à quai. Relégable début février au sortir d’un mercato inachevé et d’une série de quatre défaites de rang, le SCA semblait condamné à l’abattoir.
Konaté-Guirassy-Pieters, tiercé gagnant
En apparence seulement. D’abord parce qu’à défaut de faire revenir Kakuta, Amiens a enregistré début février le retour du principal destinataire de ses caviars l’an dernier, Moussa Konaté (13 buts en Ligue 1 la saison dernière, dont trois sur des services de Kakuta). Avec l’international sénégalais (27 sélections, 11 buts), pété à l’adducteur et absent depuis trois mois, l’attaque amiénoise, quasi muette en début d’année (un but en cinq matchs entre la 18e et la 23e journée), a retrouvé des couleurs (six buts en autant de matchs disputés avec Konaté). Auteur de deux pions, dont l’un synonyme le 9 février – date de son retour – de succès face à Caen (1-0), le premier des Picards depuis le 8 décembre, Konaté est l’un des trois grands artisans du renouveau amiénois. Les autres ? Sehrou Guirassy, Erik Pieters et Christophe Pélissier.
C’est qu’Amiens s’est tout de même renforcé cet hiver. Ce, en suivant un fil rouge déjà déroulé cet été, quand Krafth, Gnahoré, Ganso, Kurzawa, Otero et Ghoddos avaient rallié la Venise du Nord : recruter malin sans flamber, tout en conservant ses cadres. À commencer par Konaté, dragué tout l’hiver par Al-Hilal (Arabie saoudite). Ganso et Kurzawa sont repartis, et Otero (un but en 24 apparitions) peine à s’imposer ? Il n’est aucun pari sûr, et ceux tentés cet hiver avec Erik Pieters et, donc, Sehrou Guirassy, semblent eux déjà réussis. Illustration ce samedi, à la 49e minute d’un Amiens-Nîmes qui s’est soldé par le troisième succès picard en cinq matchs de Ligue 1 : longue touche à la Rory Delap du premier à destination du second, auteur d’un enchaînement amorti poitrine – reprise de volée en pivot de toute beauté pour l’ouverture du score. Nouvelle démonstration un quart d’heure plus tard, quand l’international néerlandais (18 sélections), prêté par Stoke City, s’est arraché pour reprendre de la tête un centre de… Konaté, et doucher des Crocos à peine revenus dans le match.
Présence physique, dépassement de fonction et 4-4-2 à l’ancienne
Ce week-end, c’est donc un latéral gauche qui s’est retrouvé dans les six mètres nîmois pour conclure un contre rondement mené et offrir les trois points à Amiens. Un dépassement de fonction ponctuel qui ne doit pas masquer ce constat, récurrent depuis quelques matchs : avec Konaté et Guirassy, cet Amiens-là pèse plus sur les surfaces adverses. Deux véritables pointes plutôt appelées, sur le papier, à se tirer la bourre, et dont l’association, osée pour une formation alors en pleine hémorragie, résulte de la réorganisation en 4-4-2 opérée par Christophe Pélissier début février. Adepte, on l’a dit, du 4-2-3-1, le technicien a pas mal tâtonné, filant les clés du camion tantôt à Ghoddos, tantôt à Mendoza, ou plus récemment à Gnahoré ou Bodmer, sans grand succès.
Ses expérimentations ne se sont pas limitées aux hommes. Cette saison, on a ainsi vu Amiens évoluer en 5-3-2, avec Gnahoré en soutien de deux attaquants, ou en 4-3-3, avec une sentinelle et deux relayeurs. Sans qu’aucun système ne fasse autorité. Et avec, dans les deux cas, un pouvoir offensif assez limité. Un souci solutionné, donc, par ce 4-4-2 à l’ancienne, d’autant plus joueur que les couloirs y sont tenus par des garçons comme Ghoddos, Mendoza ou la révélation Timité, plus feux follets que coureurs de fond. Au moins temporairement : derrière Konaté et Guirassy, l’unique pointe de métier se nomme Stanley Segarel, apparu pour la première fois en pro en décembre, à déjà 24 ans. Trop peu, sans doute, pour affirmer dès maintenant que le 4-4-2 vivra à Amiens. Éléments de réponse et début du casse-tête dès ce week-end pour Christophe Pélissier. À Angers, son équipe se déplacera sans Sehrou Guirassy, exclu en fin de match contre Nîmes. Un problème de moins pour le SCO, qui restera tout de même sous la menace des touches à l’anglaise d’Erik Pieters.
Par Simon Butel