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Amiens a-t-il réalisé le plus beau mercato de France ?
En France, le dernier gros frisson du mercato n’est venu ni de Paris, ni de Lyon ou Marseille, mais d’Amiens, avec la signature de Ganso. Avant le meneur de jeu brésilien, trois mondialistes avaient notamment rejoint le club picard, auteur cet été d’un recrutement aussi ambitieux qu’intelligent. Le plus réussi des clubs français ? Peut-être bien.
C’est une rumeur un peu folle, comme il en naît beaucoup, peut-être un peu trop, en période de mercato. Cette rumeur faisait, début août, état de contacts entre le SC Amiens et Samir Nasri. Sa suspension pour dopage ayant été à la même époque prolongée jusqu’en janvier 2019 par l’UEFA, le club picard a renoncé à l’international français. Mais pas à offrir, en cas de belle opportunité, un grand nom au public du stade de la Licorne. Une quête assouvie vendredi avec la signature de Paulo Henrique Chagas de Lima, Ganso pour les intimes. Un homme qui, à ses débuts, faisait à peu près autant frétiller le Brésil que Neymar, qu’il a côtoyé à Santos, mais a tardé à faire le grand saut vers l’Europe et n’est pas parvenu à s’imposer à Séville. De là à le voir signer à Amiens…
Kurzawa, mieux que De Bruyne et Müller
Si elle semble relever d’un scénario comme seul Football Manager sait les pondre, son arrivée dans les Hauts-de-France s’inscrit en fait dans la lignée d’un recrutement particulièrement malin de la part du club picard. Et en partie réussi, déjà, au vu du succès la semaine dernière face à Reims (4-1), avec un premier but signé Eddy Gnahoré, un deuxième œuvre de l’Iranien Saman Ghoddos, et le Suédois Emil Krafth passeur décisif sur le troisième but. Les deux derniers nommés n’ont pas qu’en commun de s’être abîmé les genoux sur les terrains gelés de l’Allsvenskan, la première division suédoise. Ils ont aussi séjourné cet été en Russie, comme l’ailier gauche polonais Rafal Kurzawa (25 ans), autre recrue estivale amiénoise. Kurzawa, Krafth, Ghoddos : dans la vie, on le sait, il y a ceux qui disent et ceux qui font. Et quand Jean-Michel Aulas fait état de contacts avancés avec deux joueurs participant au Mondial, sans que ses annonces soient suivies d’effets, Amiens en fait venir trois sans crier gare.
Certes, aucun n’était titulaire avec sa sélection, et les diverses cibles lyonnaises étaient d’un autre calibre. Mais l’essentiel est ailleurs : à l’aube de la deuxième saison en Ligue 1 de son histoire seulement, et en dépit d’un budget de 36 millions d’euros, soit le quatorzième de Ligue 1, Amiens s’est offert trois mondialistes. Et pas forcément des mondialistes au rabais. En deux saisons et demie en Suède, Ghoddos a ainsi facturé 41 buts, dont cinq sur la scène européenne. Kurzawa sort lui d’une saison à 18 passes décisives avec Górnik Zabrze, quatrième de la première division polonaise l’an passé. C’est deux de plus que Kevin De Bruyne ou Thomas Müller. Un bilan établi dans un championnat bien moins exigeant que la Premier League ou la Bundesliga, certes, mais un honorable tout de même : le deuxième meilleur passeur de l’Ekstraklasa l’an dernier a délivré moitié moins d’assists que lui. Pour Krafth, la dernière saison en Italie à Bologne a été plus délicate que la précédente (12 matchs de Serie A en 2017-2018, contre 25 en 2016-2017), mais le latéral droit l’a conclue par une titularisation en quarts de finale de Coupe du monde, face à l’Angleterre.
Pélissier pas exaucé
À Amiens, ces trois internationaux ont rejoint deux paris, au risque mesuré : le polyvalent colombien Juan Ferney Otero (23 ans), 7 buts en 17 apparitions en première division argentine et des matchs de Libertadores au compteur avec l’Estudiantes, et l’ancien Citizen Eddy Gnahoré (24 ans), milieu défensif passé par les équipes de jeunes de Naples, mais coincé depuis plusieurs années dans les divisions inférieures italiennes, et buteur dès son troisième match sous le maillot picard. Son parcours compliqué n’est pas sans rappeler celui, plus tortueux encore, de son cousin Prince-Désir Gouano. En quittant Le Havre pour la Juve à 17 ans, le défenseur a embarqué dans une galère qui l’a mené en Serie B, aux Pays-Bas, au Portugal et en Turquie, et n’a pris fin que l’an dernier à son arrivée à Amiens. Trente-deux solides matchs de Ligue 1 plus tard, Anderlecht a frappé à la porte, posé six millions et demi d’euros sur la table, mais le club belge comme le joueur se sont heurtés à la fermeté et la gourmandise des dirigeants amiénois, réticents à laisser filer un nouveau cadre.
C’est qu’Amiens a aussi perdu du monde cet été, notamment des joueurs ayant – pour certains largement – contribué au maintien du club dans l’élite comme Avelar, Cissokho, Gakpé, Manzala et surtout Kakuta. Tous ces jolis coups sur le marché des transferts étaient donc autant de nécessités, mais le constat final est clair : sur le papier, l’équipe picarde, qui a également enregistré le renfort du jeune milieu croate Duje Javorčić (18 ans) en provenance de la Lazio vendredi, a beaucoup plus d’allure que sa devancière. Au ratio moyens financiers/qualité du recrutement, le 13e du dernier championnat a-t-il réalisé le meilleur mercato estival français ? Pour Christophe Pélissier, la réponse est sans doute non. Début août, dans un entretien au Courrier Picard, l’entraîneur amiénois s’impatientait et rappelait ses attentes en matière de transferts : des étrangers, oui, mais surtout des joueurs français, connaissant bien la Ligue 1. Il n’en a eu aucun et verra donc sans doute le verre à moitié vide, au moins jusqu’en janvier. Au besoin, Samir Nasri sera alors toujours sur le marché.
Par Simon Butel