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Amavi à la population : Jordan est de retour
En difficulté dans son couloir gauche et chahuté dans les travées du Vélodrome depuis plus d'un an, Jordan Amavi s'offre un retour en grâce inattendu, qu'il doit autant à son abnégation qu'à la confiance que lui insuffle André Villas-Boas.
Et soudain, des applaudissements. Samedi dernier, Jordan Amavi a dû se déboucher les oreilles pour être certain de ce qu’il entendait : un Vélodrome enfin clément et même reconnaissant envers lui. Face à Lille (2-1), le latéral gauche était partout, des bons coups jusqu’aux frictions avec Victor Osimhen. Une activité, un caractère et une envie dans la lignée de ce qu’il avait montré en coupe à Monaco (1-2) et même lors de son entrée à la mi-temps du Classique, malgré le naufrage collectif.
Dans l’œil du cyclone depuis la saison dernière, Amavi ne pouvait que souffler après cette petite revanche. « Ça fait plaisir » , avait-il pudiquement commenté. Le 29 septembre dernier, lors d’un nul face à Rennes (1-1), le point de non-retour était pourtant tout proche. Sorti logiquement après la pause, Amavi recevait une pluie de huées. La même qu’au moment de l’annonce des compositions. Pris dans son dos sur l’ouverture du score bretonne, cette erreur était la dernière d’une belle série de bourdes, d’un penalty concédé à Nice à la blessure du Stéphanois Palencia. Et le peuple marseillais ne pouvait plus cacher son agacement.
L’affreux Jojo
L’épisode a particulièrement touché le joueur, bien que soutenu publiquement par son capitaine et son coach. « Il ne doit pas lâcher. Nous, on sera là avec lui, pour lui, jurait Mandanda. Si je peux faire passer un message aux supporters : c’est dans les moments difficiles qu’on a encore plus besoin de leur soutien. » Même tonalité du côté de Villas-Boas : « Quand tu tues un de tes propres joueurs, tu tues l’équipe. Pour moi, c’est intolérable. » Le Portugais n’avait déjà pas compris pourquoi le Vélodrome s’en était pris à son latéral dès le match de préparation contre Naples. « C’est pour moi une surprise. Ce type de pression peut faire souffrir un joueur dans sa chair, il faut en prendre conscience, ce n’est pas bon, on doit être ensemble cette saison. » Après Rennes, si Villas-Boas l’a ensuite laissé sur le banc contre Amiens et Strasbourg, le coach s’est aussi entretenu avec son joueur début octobre pour lui réaffirmer sa confiance. « Il m’a dit que ce sont des choses qu’il doit surpasser, rapportait-il. Il était très bien aujourd’hui à l’entraînement, il avait voulu reprendre dès le lendemain du match, plutôt que de récupérer. » Rien d’étonnant si on se penche sur le parcours du bonhomme capable de se relever après chaque coup dur.
Déjà gamin, il se râpait la tronche par terre, alors qu’il jouait avec son cousin Raphaël et ses potes six ans plus vieux que lui, dans les rues de l’Escaillon, quartier de Toulon d’où il est originaire, mais n’abandonnait pas. « Petit, j’étais fou. Un vrai casse-cou, toujours plein de bêtises » , lâchait-il en 2014 au site officiel de l’OGC Nice, son club formateur où rien n’a été linéaire. Son formateur Manu Pires ne le considérait, de son propre aveu, « pas comme un talent hors normes » et l’assommait de mots durs et d’exercices supplémentaires, afin de « combler des carences techniques » . L’idée : faire progresser ce jeune « culotté, mais respectueux » qu’il avait découvert en 2010 dans un match de U17 contre le Sporting de Toulon. Après « quelques mauvaises nuits à l’internat » , il finira par remporter la Gambardella avec les Aiglons en 2012, découvrir le monde pro avec le Gym de Claude Puel et la sélection Espoirs, avant de partir en 2014 à Aston Villa. Arrivé à bon port ? Certainement pas : une rupture des ligaments croisés du genou, une descente en Championship des Villans, un transfert avorté à Séville passeront encore par là, sans que ça ne l’empêche de débarquer en 2017 à l’OM, son deuxième club de cœur, et de connaître une convocation avec les Bleus en octobre de la même année.
Une roue de secours increvable
À Marseille, il n’est certainement pas le premier à avoir été malmené par le Vélodrome. Mais à l’inverse de Gignac ou de Thauvin, Jordan Amavi n’a ni les qualités techniques ni l’aura pour retourner l’opinion d’un coup de patte ou d’un coup de gueule. Pourtant, lui continue de s’accrocher, alors que les plus faibles ont quitté la barque depuis longtemps. D’ailleurs, Villas-Boas a déjà affirmé qu’Amavi était aujourd’hui indispensable. « S’il est capable de tenir ce genre de performance, ça ira, affirmait Villas-Boas, pour qui la seule alternative est le droitier Hiroki Sakai. Il a fait des erreurs, mais il reste notre première option comme latéral gauche. »
À se demander à quel carburant tourne exactement Jordan Amavi ? Pour comprendre cet insubmersible, il faut certainement se rapporter à sa dernière sortie médiatique après le match contre Lille. « Je sais de quoi le groupe est capable. On a montré qu’on avait la grinta, la rage et la qualité pour gagner des matchs, assurait-il dans les couloirs du Vélodrome. Ce soir, on a montré qu’on avait des couilles. On est rentrés dans les duels, on a mis le pied, on a pressé et ça a marché. » Le champ lexical est certes usé, car utilisé par la plupart des équipes en manque d’inspiration en matière de jeu. Mais cette niaque et un groupe – toujours solidaire avec lui – sont justement ce qui permet à Jordan Amavi de ne pas couler… au moins jusqu’à la prochaine tempête.
Par Mathieu Rollinger