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Amadou Diawara, le mathématicien
Il y a cinq ans à peine, Amadou Diawara jouait au football avec l'équipe de sa paroisse, en Guinée. Cette saison, le voilà pourtant qui s'affirme comme la nouvelle sensation du milieu de terrain du Napoli. Un parcours hors du commun pour un joueur qui a défié l'autorité parentale pour donner vie à son destin. Diawara, lui, semble ne pas être surpris d'en être là où il est. Comme s'il avait tout calculé. Forcément, quand on a pour père un professeur de mathématiques, on se trompe rarement.
Un jour, Amadou Diawara s’est réveillé, a pris une paire de ciseaux et a décidé de couper le cordon. « La première fois que j’ai dit à mon père que je voulais être footballeur, j’ai reçu une bonne claque. » Une gifle qui lui est alors administrée pour le punir d’avoir envisagé de choisir le ballon en dépit du bon sens. Mais pas de quoi traumatiser l’homme qui fait les beaux jours du Napoli depuis cet été. En bon joueur de duel, Diawara a toujours réussi à se construire dans la confrontation.
Footballeur masqué
Ce natif de Conakry ne répond pas au parcours tristement ordinaire du footballeur africain qui mise tout sur le football pour tenter de s’extraire d’un milieu difficile. Né en 1997, Amadou est élevé dans une famille instruite de la classe moyenne : son père est professeur de mathématiques, sa grande sœur Sira, elle, est pharmacienne. Quand le père de famille fait comprendre à son fils qu’il s’oppose fermement à ce qu’il envisage une carrière de footballeur professionnel, il pense alors que la question est définitivement réglée. Le débat semble clos et le foot est censé être banni du quotidien d’Amadou. Sauf qu’à quatorze ans, l’adolescent est déjà sacrément têtu. Plutôt que de baisser les bras, il persévère, mais en toute discrétion et avec la complicité de sa sœur, qui lui achète des crampons sans en parler au reste de la famille. « Sira m’a énormément aidé. Après l’entraînement, j’allais prendre ma douche chez un ami, puis ensuite seulement je retournais à la maison. Je continuais à faire ça en secret, puis , un jour, mon père s’est rendu compte que j’étais très sérieux pour parvenir à atteindre mes objectifs et il m’a laissé jouer en paix. »
« Sur le plan défensif, il me rappelle Desailly, mais avec de meilleurs pieds »
Une détermination en forme de fil rouge d’une carrière définitivement pas comme les autres : après avoir avoir surmonté les réticences familiales, Amadou est rapidement repéré par un observateur local, alors qu’il évolue avec l’équipe de football de sa paroisse. Il part ensuite effectuer des essais en Italie. Là, plus aucune barrière ne fera désormais obstacle à son éclosion éclair. Après avoir joué quelques mois dans l’équipe amateur du Virtus Cesena, le Guinéen intègre rapidement le San Marino Calcio, en Serie C, avant de rejoindre Bologne lors de la saison 2015-2016. Sous Roberto Donadoni, il devient un élément déterminant du milieu de terrain, et puisque son talent n’est plus un secret pour personne en Italie, il file à Naples, où il est en train de faire son trou, à seulement dix-neuf ans. Autant de clubs où il a pu cultiver son goût du duel et de l’engagement, ainsi que ses aspirations à côtoyer un jour les sommets du football européen.
Sur le pré, son physique longiligne, sa hargne défensive et sa technique propre ébauchent le profil d’un joueur hybride, à mi-chemin entre le numéro six bagarreur et le milieu créatif, capable d’inventer des solutions de passes. Un style de jeu qui lui vaut d’être souvent comparé à Yaya Touré, « l’idole » de Diawara. « C’est le genre de joueur qui n’a peur de rien et a tout le temps faim » , avance son ex-coéquipier à San Marino, Ivan Varone. « Je ne me souviens pas d’un seul entraînement où je l’ai senti démotivé. Il était toujours totalement engagé dans ce qu’il faisait » , confirme aussi l’ancien entraîneur de Diawara à San Marino, Fabrizio Tazzioli. « Beaucoup le comparent à Yaya Touré, oui. Il joue en deux touches, il a une vraie vision du jeu… C’est un jeune garçon, mais physiquement il est déjà opérationnel… Il est très solide dans les duels. Sur le plan défensif, il me rappelle Desailly avec moins de force physique, mais de meilleurs pieds. » Autant de compliments que Diawara accueille volontiers, pas effrayé d’affirmer publiquement ses ambitions : « C’est le niveau de ces joueurs-là que je voudrais atteindre. »
Partisan du clash
Des ambitions haut placées qui ont pu lui valoir de se créer des inimitiés en dehors des terrains. Car depuis qu’il a tenu tête à son paternel à l’adolescence, Amadou Diawara n’a jamais cessé de vouloir tracer sa route. Même s’il lui faut pour cela ferrailler en chemin avec ses dirigeants et ses entraîneurs. Quand Luis Fernandez, alors sélectionneur de la Guinée, multiplie les appels du pied depuis 2015 pour lui faire intégrer la sélection nationale, l’ancien Bolognais assume de mettre la priorité sur sa carrière en club, avant d’expliquer cet été son choix : « Si l’année passée, je ne suis pas venu, c’est parce que je cherchais à confirmer. Actuellement, je suis bloqué par mon transfert (à Naples, ndlr)… Dès que ma situation va se débloquer et que je serai dans les meilleures conditions, je viendrai de moi-même en sélection. Après tout, je suis guinéen. » Pour valider son transfert à Naples, Diawara n’a en outre pas hésité à aller au clash avec sa direction, pas franchement enthousiasmée par l’idée de voir s’en aller l’un de ses meilleurs éléments. Amadou sèche ainsi tout le stage de pré-saison, ne se laissant pas atteindre par les critiques des tifosi qui le surnomment « l’enfant gâté » . Un duel de plus pour Diawara, que le Guinéen remporte une nouvelle fois haut la main. Le milieu défensif s’engage ainsi fin août avec les Partenopei. Dans la foulée, il choisit d’évoluer avec le numéro 42. Celui que porte Yaya Touré à Manchester City. Quand on a pour père un professeur de mathématiques, on ne joue pas avec n’importe quel numéro dans le dos.
Par Adrien Candau