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Alphonso, son nom c’est Alphonso
Arrivé discrètement en Bavière il y a un an et demi, Alphonso Davies a explosé cette saison à un poste où personne ne l'attendait : arrière gauche. Mieux, à grands coups de performances costaudes et de sprints supersoniques, il s'est imposé comme l'un des meilleurs au monde à un poste où les références se font rares. Contre le FC Barcelone vendredi, il a de nouveau ébloui son monde, délivrant notamment une passe décisive pour Joshua Kimmich après avoir pris soin de briser les reins de Nélson Semedo. Récit d'une transformation.
Et si cela ressemblait à une passation de pouvoir ? Vendredi soir, après la raclée infligée par le Bayern au Barça (8-2) en quarts de finale de la Ligue des champions, Marcelo, le meilleur latéral gauche de la dernière décennie, posait un petit commentaire à l’intention d’Alphonso Davies sur Instagram : « J’ai des étoiles dans les yeux quand je te vois jouer, gamin ! » La cerise sur le gâteau d’une soirée folle : pourtant incertain, le Canadien reconverti arrière gauche avait une fois de plus ébloui les amoureux de ballon en sortant une performance complète face au Barça, sublimée par une percée côté gauche qui avait laissé Nélson Semedo sur ses deux fesses et amené au but du 5-2. Une nouvelle copie parfaite et un adoubement de la part du grand Marcel qui illustrent bien une chose : en à peine un an et demi, « Phonzie » est passé du statut de jeune espoir gringalet venu de MLS à véritable homme fort de l’un des meilleurs clubs de la planète.
« Il semble désormais convaincu d’avoir sa place au Bayern »
Une évolution express qui colle avec les 19 premières années d’un gamin pour qui tout va, en général, très vite. L’histoire d’Alphonso Davies est d’abord celle d’un bambin né dans l’enfer d’un camp de réfugiés au Ghana, et arrivé au Canada avec sa famille à l’âge de cinq ans. Précoce, il signe chez les Whitecaps de Vancouver à 14 piges et devient en juillet 2016, à 15 ans, le deuxième plus jeune joueur de l’histoire de la MLS en entrant en jeu contre Orlando. Alphonso est alors ailier, gauche ou droit, et ne tarde pas à faire parler sa vitesse en sélection : naturalisé canadien, il enchaîne ses premières sélections avec les Canucks à l’été 2017. Sa vitesse, son sens du dribble attirent très vite l’attention des grands d’Europe. En juillet 2018, il signe pour le Bayern Munich contre 10 millions d’euros et traverse l’Atlantique à nouveau pour rallier la Bavière six mois plus tard. La belle histoire peut commencer.
Cette fois, la fusée va prendre un peu plus de temps à décoller. Avant de ne plus pouvoir s’arrêter. Les six premiers mois d’Alphonso en Bavière sont délicats : logiquement barré par Ribéry et Coman sur le flanc gauche de l’attaque, il doit se contenter de miettes, seulement six entrées en jeu pour aucune titularisation en Bundesliga sous les ordres de Niko Kovač. Et puis, une nouvelle saison. David Alaba, tout comme le nouvel arrivant Lucas Hernandez, se blesse rapidement. Alors contre Paderborn, le 28 septembre, le Croate fait entrer son Canadien à la mi-temps à la place du Français… au poste de latéral gauche. Un mois plus tard, il démarre au même poste contre l’Union Berlin. Depuis, il n’a plus quitté le flanc gauche de la défense bavaroise. Et même si, depuis, Alaba et Hernandez sont revenus de blessure. « En étant titulaire au Bayern si jeune, Alphonso pourrait être tenté de se dire :« Moi j’ai réussi à faire ce que je voulais faire, c’est fini », témoigne son coéquipier en sélection Samuel Piette. Mais non, c’est tout le contraire, car il a la tête bien faite, il sait qu’il a encore beaucoup d’années de travail devant lui. »
Un nouveau poste qui correspond parfaitement à ses qualités
La machine est lancée. Il n’aura pas fallu un an à ce jeune ailier supersonique pour faire sa place dans l’effectif pléthorique des Bavarois, et ce n’est pas la nomination d’Hansi Flick sur le banc en novembre qui va changer les choses. « Je pensais qu’il avait les qualités pour être titulaire au Bayern, mais je ne pensais pas que ce serait si rapide, s’extasie aujourd’hui Carl Robinson, son ancien entraîneur à Vancouver. Il a été excellent cette année et a montré une progression impressionnante. Son niveau a encore augmenté parce qu’il semble être désormais convaincu qu’il a sa place là-bas. » Une place qu’il a donc trouvée sur le flanc gauche de la défense, un poste pourtant loin d’être naturel pour lui. Même si son évolution vers un profil plus défensif n’étonne pas Robinson : « Il a les qualités pour jouer à ce poste et, avec ces qualités, on peut peser sur un match en partant de plus bas, estime-t-il. Être capable de s’adapter à différents postes est un superbe atout. »
36.51 – Seit Erfassung der Tracking-Daten 2013/14 sprintete kein Spieler in einem #Bundesliga-Spiel so schnell wie Alphonso Davies im Spiel gegen Werder Bremem (36.51 km/h). Lichtgeschwindigkeit. #SVWFCB pic.twitter.com/MJDToYC3yR
— OptaFranz (@OptaFranz) June 16, 2020
Mais ces qualités justement, quelles sont-elles ? La vitesse, déjà. « Alphonso c’est un jeune ultra puissant, très très rapide, pose Piette. Ce n’est pas difficile de se rendre compte que c’est sa première qualité. » En effet : le bonhomme a été flashé à 36,5 km/h le 16 juin dernier, record en Bundesliga. Mais ce n’est pas tout. S’il dribble beaucoup (4,4 dribbles tentés par match, deuxième total de BuLi), Davies impressionne également par ses capacités à (bien) défendre, comme l’illustrent ses statistiques cette saison : 62,1% de duels aériens remportés, une belle performance pour un gars qui facture 1,81m sous la toise, ou encore 2,4 tacles réalisés par match, dixième joueur du championnat allemand dans le domaine, meilleur total de son équipe. Des qualités défensives déjà aperçues du temps où il jouait de l’autre côté de l’océan, même sur le front de l’attaque. « Il était toujours en train d’apprendre les positions pour défendre, détaille encore Robinson. Ses appuis sont excellents et il est capable de se replacer grâce à sa vitesse. Quand son équipe a la possession du ballon, il y a moins de défense à faire ! » Et quand il n’est pas sur le terrain ? Alphonso est juste un jeune homme heureux. « Il danse toujours », rit Samuel Piette. Et, comme tous les gamins de 19 ans aujourd’hui, il le fait surtout sur les réseaux sociaux. Instagram, Twitter, évidemment, mais surtout TikTok, où il fait rigoler ses 1,3 million d’abonnés avec des blagues, des gags et des parodies. Attaquant, défenseur, star de TikTok : « Phonzie » sait tout faire, et excelle partout. Pour lui, ce n’est que le début des « Happy days ».
Par Alexandre Aflalo et Tom Binet