- France – Ligue 1 – 24e journée – Rennes/Toulouse
Alou Diarra la dépanneuse
L’Angleterre, il est en déjà revenu. Une demi-saison après avoir quitté l’OM, Alou Diarra est déjà de retour en L1. Rennes a récupéré l’ex international pour compenser le départ en Russie de Yann M’Vila. Un prêt sec de cinq mois où les deux parties ont à y gagner. Explications.
Les clichés ont la vie dure. Pensez à l’équipe rennaise par exemple et instinctivement, dans la tête de beaucoup d’entre vous, va s’inscrire l’image d’une équipe de bourrins. Chez les consultants télé et radio, ce n’est pas tellement différent : Rennes forme des bons gros joueurs physiques et recrute pareillement, Rennes joue dur, Rennes joue sale. Et il a bien existé une époque relativement récente où la vérité n’était pas loin d’être celle-là. L’époque des Mangane, Mbia, Hansson ou Doumbia et Mandjeck encore plus récemment. Là c’est vrai, ce n’était pas tous les soirs atelier dentelle Route de Lorient. Les adversaires pouvaient repartir de Bretagne avec des bleus et des bosses.
Sauf que tous les joueurs qu’on vient de citer ne font plus partie aujourd’hui de l’effectif rennais. Et croyez-le ou non, mais s’il y a un secteur dans lequel les hommes d’Antonetti ont souffert dans la première moitié de saison, c’est bien au niveau de l’impact physique. Derrière les techniciens Pitroipa, Alessandrini et Féret, il a souvent manqué de muscles à la récupération. Un « gros » , pour emprunter le langage rugbystique. Makoun n’en est assurément pas un, Pajot non plus, ni Danzé quand il lui a fallu dépanner à ce poste. Et si M’Vila n’a jamais été un monstre de puissance, au moins réussissait-il à imposer un gros volume de jeu pour compenser lorsqu’il était au top de sa forme.
Profil « grande saucisse »
Mais voilà, Yann M’Vila aussi a fini par quitter les lieux, direction le Rubin Kazan en Russie. Déplumé dans l’entrejeu mais les caisses bien remplumées par l’indemnité de transfert – autour de 12 millions d’euros – le club rouge et nNoir a décidé de recruter malin. Comme ce n’est pas le genre de la maison, il n’a pas été question de lâcher beaucoup de thunes pour, par exemple, arracher l’espoir Giannelli Imbula au voisin guingampais. On a d’abord fait appel à la filière scandinave en allant chercher Anders Konradsen, néo-international norvégien, révélé avec les Espoirs lors de la double confrontation d’octobre face aux Bleuets de France. Konradsen débarque en Bretagne quasiment à l’âge qu’avait Kim Källström lorsqu’il est arrivé en 2004. Källström, incontestablement la plus belle réussite de cette filière du nord de l’Europe, l’exemple à suivre.
Mais comme il n’est pas certain que le Norvégien saura tout de suite s’imposer à Rennes, il fallait encore recruter. Le profil ciblé : un gars avec suffisamment de bouteille et de connaissance du championnat français pour ne pas mettre longtemps à prendre ses marques ; si possible pas cher ; et bien évidemment un mec plutôt baraqué pour combler le déficit physique des Bretons. Vu comme ça, clairement, Alou Diarra correspond pile poil à ce qui était souhaité. D’abord parce qu’il « pèse » plus de 300 matchs en L1, près de 40 en coupe d’Europe et 44 sélections chez les Bleus. Ensuite parce que financièrement, il ne coûte pas grand-chose : il est arrivé en prêt sec sans option d’achat et avec une bonne partie de son gros salaire laissé à la charge de son club West Ham. Enfin, c’est incontestablement un profil de joueur costaud juste comme il fallait. Un style « grande saucisse » (sans la galette) façon Vieira, qui paraît complémentaire avec Makoun en sentinelle devant la défense.
Une politique du court terme
Alors que le Stade Rennais est toujours à la chasse aux premières places en L1 et souhaite profiter de la finale de la Coupe de la Ligue pour enfin glaner un trophée, ça paraît plutôt malin comme recrutement. Un des effectifs les plus jeunes du championnat a décidé de grisonner ses tempes et de rider du front cet hiver, avec l’arrivée d’Alou Diarra donc, mais également celles de John Mensah et Herita Ilunga, âgés respectivement de 31, 30 et 30 ans. Et puis s’il est entendu qu’Alou Diarra n’a pas la qualité de passe de Yann M’Vila, au moins a-t-il l’intelligence de le reconnaitre. Lors du dernier Euro par exemple, où il a été amené à combler l’absence de… M’Vila, on l’a vu plutôt bon, jouant dans un registre très sobre : petites passes latérales, zéro prise de risque. Pas spectaculaire, mais Rennes n’a pas forcément besoin d’un récupérateur cherchant systématiquement la profondeur comme avait tendance à le faire M’Vila. Chacun son boulot, c’est à Pitroipa, Alessandrini et Féret de se charger de l’animation offensive, et ils le font plutôt bien jusqu’à présent.
Enfin niveau mentalité, Rennes récupère un joueur ultra-revanchard, qui doit prouver qu’il n’est pas fini, après un épisode mitigé à Marseille et carrément foireux à West Ham. Route de Lorient, on veut voir le Diarra de Bordeaux qui doit se montrer, percutant, qui fait mal à l’adversaire et qui place sa tête dès que c’est possible. Ce qu’il a déjà fait d’ailleurs, son coup de crâne ayant été décisif pour la remise vers Axel N’Gando, samedi à Lorient en toute fin de match. Entre un Diarra qui a la dalle et un M’Vila avec le moral dans les chaussettes, Antonetti n’a peut-être pas perdu au change. Et puis si ce n’est pas le cas, il n’y a pas drame : Diarra se barre quoi qu’il arrive au printemps et on n’en parle plus. C’est d’ailleurs un peu la limite de la politique du club cette saison : Rennes a décidé de jouer plus sur le court terme que d’ordinaire, avec notamment ce milieu récupérateur d’intérimaires Makoun/Diarra. Ce n’est qu’en fin de saison qu’on pourra juger de l’efficacité de cette stratégie.
Par Régis Delanoë, à Rennes