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- Polémique Denis Balbir
Alors, les femmes montent-elles vraiment trop dans les aigus ?
« Une femme qui commente le foot masculin, je suis contre. Dans une action de folie, elle va monter dans les aigus. » La dernière sortie de Denis Balbir invite à crier à la misogynie, certes, mais elle part toutefois d'un constat juste et vérifiable scientifiquement. Tout est ensuite une question de tolérance... et surtout d'habitude. Et même Armande Altaï a son avis sur la question.
Cyril Cinélu ne s’en est jamais remis. « J’en ai pris plein la gueule, dit-il même un jour de mai 2017, onze ans après celui qui était censé changer son existence. À un moment donné je me suis demandé :« Mais pourquoi moi ? » » Alors, pourquoi lui ? Gagner la Star Academy constitue, en général, un joli climax dans une existence, d’autant plus lorsque celui-ci survient à 19 ans. Sauf qu’à la différence de Grégory Lemarchal ou Quentin Mosimann, Cyril Cinélu avait la voix aiguë. Celle d’un « contre-ténor » se souvient même Armande Altaï depuis la bruyante terrasse d’un bar parisien, aujourd’hui professeur particulier de chant. Une cause directe de son insuccès, couplé à l’influence en baisse du télé-crochet de la Une ? Peut-être bien. Mais sûrement aussi que l’oreille humaine y est pour quelque chose. Les aigus, ça a mauvaise réputation. Et pour des raisons simples et objectives, mon bon monsieur ! Demandez donc à Denis Balbir.
« Il est jaloux ! »
« Une femme qui commente le foot masculin, je suis contre. Dans une action de folie, elle va monter dans les aigus. Je sais qu’on va me traiter de misogyne et de sexiste. Mais ce n’est pas parce que c’est une femme ! C’est parce que le timbre de voix ne fonctionnerait pas. » Au bout du fil, Armande lâche un rire cristallin. Pour le mythique professeur de chant des élèves du château de Dammarie-les-Lys, visiblement d’humeur badine, tout serait en réalité une question… de jalousie. « Il dit ça parce qu’il est jaloux ! L’aigu passe toujours par-dessus le grave, toujours. Lorsque vous entendez un orchestre jouer, vous entendez plus les aigus qui jouent la mélodie que les basses qui ne font que l’accompagnement. Eh bien avec les femmes, c’est pareil. Dans tous les opéras, la voix mâle qui est censée être virile, le baryton, est toujours jalouse du ténor, qu’il veut tuer pour se taper la soprana. Le baryton, c’est le méchant. Le ténor, c’est l’amoureux. »
Deux choses : d’un point de vue factuel, une voix « poussée » en situation d’excitation, a « forcément tendance à monter dans les aigus, même pour les hommes » , appuie Olivier Régin, musicien, auteur/compositeur, chanteur et membre de l’Association française des professeurs de chant. Mais si on le remarque plus chez les femmes, c’est tout simplement parce que l’oreille humaine est construite de telle sorte qu’elle perçoit plus distinctement les fréquences aiguës, raison pour laquelle un grand-parent entendra en général mieux la voix de son petit-fils avant qu’il ait mué plutôt qu’après. Pour Olivier Régin, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’évolution a doté les bébés de voix haut perchées… À chacun ensuite de les supporter plus ou moins bien.
Lorsque Denis Balbir explique que « dans une action de folie » , une femme « va monter dans les aigus » , il a donc, d’un point de vue général, factuellement raison. Mais quand il ajoute que « le timbre de voix ne fonctionnerait pas » , là, en revanche, c’est une appréciation personnelle. Et misogyne, pour lui et pour d’autres. Ce que Balbir souligne ici, ce n’est pas une remarque technique, mais un simple manque d’habitude, qui sous-entend en plus qu’une femme maîtriserait moins bien sa voix que pourrait le faire un homme. « Ça, c’est une vue de l’esprit, soutient notre chanteur Olivier. Une journaliste, comme une chanteuse, apprend à maîtriser sa voix. C’est marrant parce que j’ai écouté les commentaires de Carine Galli hier sur M6, et on a vraiment l’impression qu’à évoluer dans ce milieu, sa voix s’est masculinisée. Pareil avec Estelle Denis, qui a une voix assez grave. » Deux explications : soit leur timbre s’est adapté aux exigences tacites du métier, soit elles ont justement été recrutées pour ce qui est considéré ici comme une qualité. Tout cela sans compter d’autres journalistes comme Mélisande Gómez ou Anne-Laure Bonnet. Ce qui amène une autre problématique : en quoi la voix d’une femme commentatrice serait-elle de facto plus aiguë que celle de Jean-Marc Ferreri ?
Balbir, Englishman in New-York
Lors d’un match diffusé à la télévision et regardé à un volume normal, les décibels ne dépassent jamais les 80 unités, seuil retenu par l’Organisation mondial de la santé comme « à risque » , à condition d’y être exposé pendant au moins huit heures. Le volume est plafonné par un égalisateur, et les cris sont maîtrisés pour qu’ils ne crèvent pas le plafond. Et puis, « il y a des voix mâles qui sont insupportables, ce n’est qu’une question de timbre » explique Armande Altaï. Et si Denis Balbir n’aime pas les voix plus aiguës, l’ancienne coach vocale de Jennifer et Emma Daumas, elle, les adore. Question d’appréciation personnelle : « Maintenant presque tous les bluesmen utilisent cette voix. Une voix très haute, c’est Sting, par exemple. Lui est plus haut que beaucoup de femmes. Et puis, moi je trouve que c’est magnifique, une femme qui crie. Hein, qu’est-ce que vous en pensez, vous ? J’ai un ami un peu rock, excentrique comme moi, sa sonnette c’était un cri de femme. On appuyait dessus ça faisait « AAAAAAH ! » , c’était génial. »
Dans son message d’excuse publié sur Twitter, Balbir souligne d’ailleurs ne jamais avoir remis en cause le « professionnalisme » des femmes consultantes, mais n’évoque aucunement le problème qu’il a soulevé, à savoir un timbre de voix inné auquel elles ne peuvent rien. Bref, attention aux critiques, ça peut briser des carrières. Posez la question à Cyril Cinélu : aux dernières nouvelles il gagnerait sa vie en chantant dans des Bar Mitzvah.
Par Théo Denmat
Tous propos recueillis par TD, sauf ceux de Cyril Cinélu, tirés de Martinique France Antilles