- Premier League
- J13
- West Ham-Tottenham (2-3)
Alors, ça ressemble à quoi, ce Tottenham version Mourinho ?
Pour sa première avec Tottenham, le Special One a rempli son contrat. Une victoire à l’extérieur, un schéma qui fait figure de nouvelle base, et surtout une équipe qui semble (re)trouvée, frayeurs inutiles incluses. Décryptage.
Gazzaniga dans les bois. Aurier, Alderweireld, Sánchez et Davies en back four. Dier et Winks en double pivot. Son et Lucas sur les ailes. Dele Alli dans l’axe. Kane en pointe. Pour sa première avec son nouveau club, Mourinho a donc opté pour un 4-2-3-1, son schéma de prédilection. Le but ? Ne pas bousculer les habitudes de sa nouvelle équipe, soit conserver une défense à quatre, et gagner en efficacité avec l’installation d’un double pivot avec un costaud, Dier, et un joueur plus fin, Winks. Un choix d’autant plus malin que Winks est le chouchou de la plus fidèle frange des fans des Spurs. Efficacité toujours, le Mou a placé deux joueurs rapides et combatifs sur les ailes, Son et Lucas, afin de servir Harry Kane qui ne joue effectivement pas arrière gauche. Surtout, il a redonné à Dele Alli le rôle principal : celui de huit à neuf et demi, celui qui allait si bien à un certain Frank Lampard. Et ce choix a vite payé : Dele est à l’origine des deux premiers buts de Tottenham, inscrits dès la première mi-temps.
Sur le premier, bien trouvé dans l’axe par Winks, Dele Alli délivre une merveille de passe appuyée pour Son, décalé à gauche, qui fixe son défenseur avant de s’ouvrir la frappe pied gauche. Sur le second, cette fois décalé à gauche, Dele réussit à lancer Son tout en se cassant la gueule. Un Son qui déborde à fond les ballons et trouve Lucas au second poteau pour le but du deux à zéro. L’affaire semblait alors aussi bien que vite pliée.
Ici et Dier
D’autant que dans leur construction, les deux premiers but du Tottenham de Mourinho sont totalement venus valider le schéma de jeu mis en place. Les latéraux montent très haut, surtout Aurier, afin de permettre à leurs ailiers, Son et Lucas, d’occuper les half spaces tout en créant de la profondeur et du mouvement. Et comme Aurier monte vraiment très haut, c’est Lucas qui se retrouve à l’intérieur droit du jeu, avec Alli intérieur gauche et Son sur cette aile, sauf quand ce dernier et le Brésilien inversent leurs positions respectives autour de Dele et Kane. Efficace, surtout quand Tottenham met de l’intensité dans les passes et la presse. Globalement, le rythme imposé par les Hotspurs est plus élevé que lors des derniers matchs sous Mauricio Pochettino. Beaucoup d’observateurs avisés avaient remarqué que cette équipe ne pressait plus, alors que cela constituait justement sa force, et était globalement devenue trop passive, ce qui n’est pas totalement réglé, comme on va pouvoir ensuite s’en apercevoir.
Pour l’instant, le bloc formé par Tottenham s’avère plus compact et mobile, bien organisé autour du double pivot Dier-Winks hyper en place. Ainsi, c’est toute l’équipe qui a gagné en efficacité. Il faut bien l’avouer : le plan du Mou s’est déroulé sans accroc, et sans même observer le dernier corner des siens. José ne perd pas de temps, et rentre au vestiaire avant même la mi-temps. Son équipe domine alors à la possession (65%), aux tirs (12 contre 2), aux tirs cadrés (4 à 0), aux corners (6 à rien) et au score (2-0).
Un léger coup de Mou
Comme Harry Kane a marqué le troisième juste après la reprise, dès la 48e minute, Tottenham se met à l’abri, et José peut déjà penser à ses déclarations d’après-match. Sauf que ces Spurs sont encore convalescents. Soit incapables de conserver une clean sheet : à trop laisser la balle, West Ham revient à 3-1 à un quart d’heure de la fin. Puis carrément à 3-2 à la toute dernière seconde, après un but refusé pour hors-jeu. Bon. Il faut croire que le plan devait se dérouler avec un léger accrochage. Entre-temps, José a tenté de maintenir le score en réalisant ses premiers changements pour Tottenham : Danny Rose pour Davies, Christian Eriksen pour Dele Alli, Moussa Sissoko pour Lucas. Cela n’a pas permis à ses hommes de reprendre ni la balle, ni le contrôle des évènements. Des Spurs trop passifs et qui ont sans doute mené 3-0 un peu trop tôt. Ainsi, ils ont passé la dernière demi-heure du match à regarder leur adversaire plutôt que de le défier, s’offrant frayeurs et frictions superflues en fin de rencontre. Et sans doute quelques reproches de leur nouveau coach une fois rentrés au vestiaire.
Reste qu’en fin de compte comme de rencontre, ce premier match demeure une victoire pour José et les siens. La première à l’extérieur depuis dix mois. Contrat rempli donc, et une nouvelle ère concrètement entamée pour les derniers finalistes de la Ligue des champions, qui restent friables certes, mais semblent déjà capables de redevenir une équipe de haut niveau. Pour cela, il va falloir retrouver la confiance et la sérénité nécessaire pour garder un score, et ça tombe bien, José Mourinho est là pour ça, et plutôt pas mauvais à ce jeu-là.
Half space, half amazing
En un match, le Mou a redéfini l’essentiel. 4-2-3-1 et un bloc solide autour d’un double pivot à même de détruire autant que de réfléchir. Du jeu rapide et direct dans les ailes voire les half spaces, autour d’un buteur qui n’hésite pas à décrocher et d’un huit et demi qui n’hésite pas à se projeter. Reste maintenant à savoir tenir un score, donc être dominé sans encaisser. Chaque chose en son temps : aujourd’hui, les trois points feront l’affaire. Mieux, la méthode pour les obtenir devrait continuer de marquer des points. En trois mots : densité, vitesse, réalisme. En bref, du pragmatisme dans toutes les lignes et surtout pas de chichi.
Le blabla, en revanche, est évidemment au rendez-vous dès après le match. « J’étais très content pendant une heure, vraiment très content. On jouait bien, on a reproduit des choses sur lesquelles on avait travaillé à l’entraînement. À la mi-temps, j’ai dit aux joueurs« Même si on marque le troisième but, le match reste ouvert. »Et ce fut le cas. Finalement, on est plutôt chanceux. Sur les vingt dernières minutes, il y a eu de la fatigue. Il y a eu des émotions aussi, avec l’arrivée d’un nouvel entraîneur. » Un nouvel entraîneur qui ne dit pas son nom, comme s’il ne voulait plus être le Special, mais ne peut pas s’empêcher de l’être un peu quand même. Humble à sa manière comme il le disait pour son arrivée. Le « Rien de Special One » , donc.
Par Simon Capelli-Welter