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Allez, salut Boleyn Ground !
Certains l’appellent Boleyn Ground, d’autres Upton Park : la mythique enceinte de West Ham depuis 1904 va accueillir un ultime match des Hammers ce soir contre Manchester United. La fin de 112 ans d’histoire passionnelle entre un club diablement attachant et son public tellement cosmopolite.
Il y a dix ans tout pile, c’est Highbury que Londres perdait. Aujourd’hui, c’est au tour de Boleyn Ground de faire ses adieux. Deux enceintes mythiques du football britannique, remplacées dans le premier cas par l’Emirates stadium, dans l’autre par le stade olympique qui a accueilli les derniers Jeux en 2012 et qui a été richement rénové depuis pour l’adapter aux standards de la Premier League. Il y avait 35 000 places dans le désuet Boleyn Ground, il y en aura 60 000 dans son remplaçant. Ce grand changement dans l’histoire des Hammers s’avère déjà une réussite : les 50 000 abonnements mis en vente pour la saison prochaine ont déjà trouvé preneur et West Ham semble désormais équipé pour entrer dans une nouvelle ère et rejouer le haut de tableau avec l’ambition de gagner des titres pour enrichir un palmarès correct, mais loin de celui des plus prestigieux voisins londoniens (trois FA Cup, une Coupe des coupes). Le timing paraît excellent en plus : West Ham n’a peut-être jamais aussi bien joué au football qu’actuellement, bénéficie d’une sacrée belle cote de sympathie et semble durablement installé en Premier League, au moment même où celle-ci va encore monter en gamme avec la nouvelle hausse des droits TV. Pour grandir, il fallait saisir cette opportunité de récupérer ce vaste et moderne stade olympique et ils ne sont plus nombreux parmi les fans des Hammers à contester ce choix stratégique. Ce constat pragmatique ne doit néanmoins pas empêcher d’éprouver une pincée d’émotion et déjà un peu de nostalgie au moment de dire au revoir à ce bon vieux Boleyn Ground.
Un stade qui pue le football
Inauguré en 1904 par un match face à Millwall, qui deviendra au fil des décennies l’un des plus féroces ennemis de West Ham, Boleyn Ground n’est pas le plus vieux stade de Premier League encore en vie, ni même de Londres. Stamford Bridge a des origines plus anciennes, de même que White Hart Lane. À mesure des rénovations pourtant, il a su garder comme rarement le charme du football anglais « d’avant » : avant la Premier League, avant que le hooliganisme – dont les Hammers ont été les principaux acteurs – oblige à moderniser drastiquement les stades, avant le tout assis. Pour le dire trivialement, Boleyn Ground pue le football à l’ancienne, avec son style biscornu et ses deux tourelles médiévales.
Rien que son nom est atypique, avec la référence à Anne Boleyn, un personnage historique du royaume, deuxième épouse d’Henri VIII au XVIe siècle, dont la maison – qu’on disait hantée – était située à proximité immédiate du terrain de construction du stade. Également appelé Upton Park, en référence au quartier de l’Est londonien où il se trouve, ce stade accueille le public le plus cosmopolite de la capitale anglaise. Les cockneys old school, descendants des dockers et des mecs qui bastonnaient allègrement dans les seventies et les eighties, cohabitent désormais avec la très large communauté asiatique du Newham, Pakistanais et Bangladais. Une joyeuse mixité au support d’un club attachant, qui pratiquait il y a encore quelques saisons l’un des plus vilains kick’n’rush du royaume, avant de faire sa révolution et de se tourner vers plus de jeu, sous l’impulsion de sa nouvelle star française Dimitri Payet.
Un match spécial aussi pour Wayne Rooney
La quatrième attaque de Premier League cette saison (à égalité avec Arsenal et Liverpool) s’éclate avec Slaven Bilić sous ses ordres, et le match de gala du soir, face à Manchester United, est une bonne occasion de quitter Boleyn Ground. « C’est la dernière rencontre de football en ce lieu et ça sera forcément un moment spécial » , a prévenu Mark Noble, enfant d’un club réputé pour sa formation et qui a permis l’éclosion de quelques top joueurs des deux ou trois dernières décennies : Paul Ince, Frank Lampard, Rio Ferdinand, Jermain Defoe… Eux-mêmes sont les héritiers de glorieux aînés qui ont portés avant eux le maillot grenat et bleu ciel, dont les champions du monde 1966 Bobby Moore, Geoff Hurst et Martin Peters, mais aussi les finalistes de la C2 en 1976, Billy Bonds, Trevor Brooking, Tony Cottee, Steve Potts, puis plus récemment Julian Dicks, Paolo Di Canio, Stuart Parker ou encore Carlos Tévez… C’est à eux qu’il faudra penser ce soir, au moment où les Hammers vont affronter des Red Devils en quête d’une qualification pour la C1, emmenés par un Wayne Rooney qui avait débuté dans ce stade sa carrière internationale en 2003, à l’âge de 17 ans.
Par Régis Delanoë