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- Allemagne-Japon (1-2)
Allemagne-Japon : Tout est bon dans le Nippon
Pas de stars, pas de polémiques, peu de bruit médiatique, mais un sens inégalé de la rythmique et du sacrifice collectif : le Japon, tombeur de l'Allemagne ce mercredi (2-1), a prouvé une fois de plus qu’il incarnait à lui seul une idée tout à fait jouissive du football.
Ce mercredi, le ton fut d’abord donné dans le premier quart d’heure. Il fallait voir Daichi Kamada et Daizen Maeda, les deux attaquants nippons, mener sabre au clair la charge des leurs, avec la conviction inébranlable que l’exploit était là, tout près, à portée d’une petite nation de football qui veut penser en grand. Certes, le Japon n’a jamais su aller plus loin qu’en huitièmes de finale de la Coupe du monde. Mais il regarde depuis bien longtemps au-delà. Au-delà du prisme rasoir et restrictif du résultat, au-delà de ses limites individuelles, au-delà de l’adversaire, à qui il ne s’adapte jamais tout à fait. L’idée reste la même : jouer un football, le sien, qui vaut vraiment la peine d’être regardé et apprécié.
Le sens de la fête
Ce football, c’est d’abord ce pressing tout terrain, où le bloc équipe se meut comme un seul homme pour étouffer la relance adverse, quitte à pousser Neuer et Rüdiger à parfois abuser du jeu long. Passé les 15 premières minutes, les gars en bleu ont dû encaisser la supériorité technique et individuelle allemande, bientôt récompensée par un penalty transformé par Gündoğan. Juste le premier sang d’un duel qui s’avérera épique. À l’heure de jeu, le Japon a su retrouver des cannes, dans le sillage de Junya Ito, qui a fait à plusieurs reprises souffrir Raum sur le côté droit, mais surtout grâce à ses impondérables vertus collectives. À cet égard, les changements du sélectionneur Hajime Moriyasu se sont avérés particulièrement judicieux : entré à la pause, Tomiyasu a su mieux équilibrer défensivement les Samurai Blue, quand Ritsu Doan et Takuma Asano ont redonné de l’allant et de l’explosivité sur les ailes à une formation qui, via les côtés, a fait de l’art de l’évitement et du dédoublement sa spécialité.
La mobilité japonaise aura, de fait, terriblement gêné l’arrière-garde de la Mannschaft, à l’image du second pion des Samurai Blue, où Asano a largué loin derrière lui Schlotterbeck, avant d’exploser avec panache les filets de Neuer, d’un tir côté fermé. C’est précisément ce panache qui fait du Japon une formation qui reste à part, dans le paysage footballistique moderne. Ici, attraper la grandeur est entièrement un exercice collectif, jamais une affaire d’exploit individuel, et ce, peut-être bien davantage que pour n’importe quelle autre sélection. Une synergie, une alchimie des corps, des appels, des courses, d’un rythme qu’on s’astreint à jouer ensemble, pour battre celui qui est naturellement plus fort, plus grand, plus doué que soit. Le premier pion nippon, marqué par un autre remplaçant, Ritsu Doan, venait ainsi récompenser une action collective exemplaire initiée par Mitoma, lui aussi entré en jeu quelques minutes plus tôt. La marque d’une formation où l’art et la manière de bien jouer ne se limitent pas au onze type, mais semble bien imprimer les esprits de l’ensemble des joueurs qui la composent. La fête a superbement débuté. Qu’elle continue donc face au Costa Rica, le 27 novembre prochain.
Par Adrien Candau