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Allegri, Spalletti, Mister has-been?
À la hauteur des objectifs sportifs fixés par leur direction sportive en Serie A, Massimiliano Allegri et Luciano Spalletti n'en restent pas moins largement chahutés par une frange majoritaire de leurs supporters, qui leur reprochent une approche du jeu aussi frileuse que datée. Pas sûr, néanmoins, que la Vieille Dame comme l'Inter, qui se retrouvent pour le compte de la 34e journée du championnat ce samedi, aient à la fois le courage et l'envie de tourner la page.
Andrea Agnelli avait tenu lui-même à dissiper le doute, quelques minutes après l’élimination de la Juventus par l’Ajax, en quarts de finale de C1 : « La Ligue des champions était un objectif, et ça le sera la saison prochaine… Allegri sera encore avec nous. Il lui reste un an de contrat. Nous nous verrons à la fin de la saison pour repartir au combat. » Comprendre : une bataille est perdue, mais la guerre, elle, continue. La lutte menée par Massimiliano Allegri, dont le contrat court avec la Juve jusqu’en 2020, consistera elle à démontrer que son approche du football, plutôt conservatrice, a la possibilité de triompher en Europe. À même pas 150 kilomètres de Turin, Luciano Spalletti, en fonction jusqu’en 2021 à l’Inter, mise lui aussi davantage sur une organisation tactique bien ficelée que sur un jeu offensif décomplexé. Une façon de faire qui divise aujourd’hui dans des proportions inédites l’Italie et les tifosi juventini comme nerazzurri.
Allegri, en eaux stagnantes
La chose peut sembler cruelle, pourtant. Peut-on enquiller cinq Scudetti consécutifs, glaner quatre coupes nationales et atteindre deux finales de C1 en cinq saisons et se voir pour autant prier de dégager par les tifosi de son club ? La réponse est oui, quand on s’appelle Max Allegri. Mi-avril dernier, la Gazzetta dello Sport interrogeait les fans juventini via un sondage, pour leur demander s’ils étaient satisfaits de voir leur entraîneur aller au bout de son contrat avec la Vieille Dame. Le résultat fut sans appel : près de 79% estimaient qu’il fallait dire ciao à leur technicien pour « mettre un terme à ce cycle et recommencer » . Comme si la débâcle face à l’Ajax avait constitué une vraie cassure avec la base de supporters bianconeri. L’acquisition du huitième Scudetto de rang de la Vieille Dame, validé le 20 avril dernier, n’y changera rien. La Juventus ne peut plus retirer d’enseignements majeurs de ses sacres nationaux depuis plusieurs saisons, déjà. L’écart avec la concurrence est beaucoup trop conséquent, et la direction piémontaise semble en avoir particulièrement conscience.
À cet égard, l’activisme de son président, Andrea Agnelli, actuellement à la tête de l’association européenne des clubs (ECA) et premier défenseur de la création d’une Ligue des champions en forme de compétition quasi privée, n’a rien de surprenant. Comme un symbole, cruel, mais ô combien significatif, la Vieille Dame affrontera ce samedi l’Inter pour du beurre, elle qui est déjà assurée de rester le monarque absolu de la Botte. Voilà donc les Bianconeri bloqués dans un entre-deux tiède, dont il sera peut-être délicat de s’extirper : Allegri, qui a déjà fait ses preuves en atteignant par deux fois la finale de la Ligue des champions en 2015 et 2017, est aussi le premier entraîneur depuis 2009 à ne pas être arrivé au moins en demi-finale de C1 avec Cristiano Ronaldo dans son équipe. Une équipe, la Juventus, qui n’évolue pas stylistiquement, elle qui ne se décide à dérouler un football plus offensif et créatif que lorsqu’elle est dos au mur, en atteste sa victoire fabuleuse en huitième de finales retour de C1 face à l’Atlético par trois buts à zéro, alors qu’elle s’était inclinée deux à zéro à l’aller.
La vieille cuisine de Spalletti
Toutes proportions gardées, le sort d’Allegri et de la Juve trouvent un écho dans la saison mi-figue mi-raisin que Luciano Spalletti et l’Inter sont en train de réaliser. Côté pile, l’ex-Mister de la Roma, qui avait fait retrouver la C1 aux Nerazzurri la saison dernière, va peut-être achever de stabiliser l’Inter, actuel troisième, dans le top 4 de la Serie A. Et ? Pas grand-chose d’autre. À part sa solidité défensive retrouvée (deuxième meilleure défense de Serie A derrière la Juve), le club lombard a d’abord vu sa saison plombée par une campagne européenne ratée. Calculateurs et d’une frilosité rare en phase de groupes de C1 face à Tottenham, les Lombards avaient laissé échapper leur qualification en huitièmes de finale, en ne faisant pas mieux que match nul face au PSV lors de l’ultime journée des poules. Pire, reversée en Ligue Europa, l’Inter échouait lamentablement en huitièmes de finale de l’épreuve, face à une équipe de Francfort beaucoup plus enthousiasmante et offensive.
Décevant, mais finalement à l’image de la saison de l’Inter, dont les fulgurances collectives se sont faites trop rares et qui repose encore largement sur les coups d’éclat de ses individualités pour s’imposer. Fin décembre, déjà, la Gazzetta dello Sport se décidait d’ailleurs à confronter Spalletti au jugement populaire, encore au moyen d’un sondage. Là encore, le résultat était net : seuls 12% des sondés souhaitaient alors voir le divin chauve achever son mandat avec l’Inter, qui court théoriquement jusqu’en 2021. Alors que le nom d’Antonio Conte revient souvent aux oreilles des tifosi nerazzurri (mais aussi de ceux de la Roma) depuis plusieurs semaines, les reproches adressés à l’ancien gourou de l’Udinese reflètent ceux dont Allegri est lui aussi accablé : un accent mis sur l’organisation au détriment du jeu d’attaque, et plus globalement une philosophie de jeu prudente, pour ne pas dire datée, alors que le dernier club italien à avoir remporté une coupe européenne reste l’Inter en 2010. Une équipe dirigée par José Mourinho, qui, à en croire les médias transalpins, ne serait justement pas contre un retour à Milan. Ce qui ne serait pas forcément une bonne nouvelle pour un football italien où les tifosi exigent massivement du changement, mais qui ne cesse de reporter sine die sa propre révolution.
Par Adrien Candau
Tous propos issus de la Gazzetta dello Sport.