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Allegri de folie

Par Adrien Candau
4 minutes
Allegri de folie

Critiqué de toutes parts cette saison, tancé pour son conservatisme tactique et son manque d'ambition offensive, Massimiliano Allegri a bricolé un onze type quasi inédit, qui a complètement lessivé l'Atlético de Madrid, pulvérisé de bout en bout ce mardi soir à l'Allianz Stadium. Une grande leçon de coaching, également magnifiée par ses changements en cours de match, dont l'audace a parfois semblé friser la folie.

C’est l’histoire d’un type qu’on disait presque bon pour la casse. Trop vieux jeu. Rigide. Obsédé par le calcul et l’équilibre. À l’image de cette Juventus, qui a joué comme une petite équipe son match aller de huitièmes de C1 au Wanda Metropolitano, en oubliant de commencer à vraiment dérouler son football. C’était il y a une vingtaine de jours. Déjà une éternité pour Massimiliano Allegri. Ce soir, la Juventus, qui n’avait dans toute son histoire jamais réussi à se qualifier en C1 après avoir perdu de deux buts au match aller, est en quarts de finale de la Ligue des champions. Un exploit qu’elle doit autant à Cristiano Ronaldo, son arme ultime, qu’a son entraîneur, grand architecte d’une partie que ses poulains auront écrasé de bout en bout.

Dybala au placard, Spinazzola dans l’arène

L’œuvre d’Allegri a commencé au regard de sa formation. Un 4-3-3 classique, mais où ses choix de joueurs ont tout de suite tranché dans le vif et clarifié le plan de jeu de la Juve. En préférant reléguer Dybala sur le banc, il a choisi de penser que le salut de la Vieille Dame passerait par les côtés, le point faible d’un Atlético privé d’Hernandez sur la gauche et suppléé par Juanfran, de toute évidence déclinant. C’est sur ce côté faible qu’Allegri a concentré la majorité de sa puissance de feu, alignant d’entrée Bernardeschi sur l’aile, appuyé par Cancelo, qui évoluait très haut, souvent même plus qu’Emre Can et Matuidi, qui ont admirablement compensé ses montées.

Raisonnement identique à gauche, où Allegri a eu le courage de parier sur Leonardo Spinazzola, à peine trois matchs disputés en Serie A cette saison, mais dont le profil de latéral offensif a permis à la Vieille Dame d’aligner un nombre considérable de centres, qui ont mis au supplice l’axe central de l’Atlético. C’est d’ailleurs en exploitant les espaces sur les ailes que Bernardeschi a repiqué dans l’axe et déposé un ballon sur le crâne de Ronaldo, qui signait l’ouverture du score. Peu après la pause, Cancelo envoyait à son tour une galette sur la tête du Portugais, pour remettre la Juve à égalité sur l’ensemble des deux matchs. À l’heure de jeu, le constat est sans appel et la domination de la Juve écrasante : 65% de possession de balle, 13 tirs tentés contre 4, 33 centres contre 5.

De l’audace, encore de l’audace

Allegri aurait alors pu se contenter de savourer l’exploit et d’attendre sagement la prolongation pour aviser ensuite. Par le passé, quand sa Juventus avait refait son retard dans un match retour de C1, comme face au Bayern en 2016 (défaite 4-2 après prolongation), puis au Real en 2017 (défaite 3-1, à la suite d’un penalty de Ronaldo à la 93e minute), il avait d’ailleurs opté pour une stratégie relativement prudente, demandant à ses hommes de contrôler la partie plutôt que de tenter de définitivement renverser la table.

Mais cette soirée de C1 à l’Allianz Stadium devait raconter une histoire différente. Peut-être parce que Cristiano Ronaldo, stellaire ce mardi, a donné à Allegri un supplément de courage. Peut-être parce que le Mister a appris de ses erreurs. Peut-être parce que tous ses choix, ce soir, avaient jusqu’ici été les bons. Alors Max Allegri a décidé de s’acharner sur la bête blessée que constituait l’Atlético. Pour que ses hommes n’explosent pas en prolongation comme à Munich trois ans plus tôt après avoir tout donné dans le temps réglementaire, il a parié sur un troisième pion des siens.

L’estocade de Bernardeschi

Il a notamment misé sur la capacité de sa Juventus à jouer au foot. Avec audace. Avec panache. Alors il a détricoté son schéma tactique, fait entrer Paulo Dybala à la place de Spinazzola, exemplaire, mais rincé, puis remplacé Mario Mandžukić par Moise Kean, qui a failli achever l’Atlético sur un de ses premiers ballons. Puis la Juve, fatiguée, mais implacable, a continué de jouer vers l’avant, sans peur, sans calcul. Et Federico Bernardeschi, en magnifique effronté, est venu danser autour de Correa, avant de se faire légèrement pousser dans le dos par l’Argentin, bien trop naïf sur ce coup.

Ronaldo n’avait plus qu’à transformer l’offrande et voilà l’Atlético, ce monstre européen que seul le Real avait su éliminer en phase finale de C1 sous le mandat de Simeone, KO debout. La Vieille Dame a attrapé l’impossible et Massimiliano Allegri avec elle. Ce soir, le Mister a montré que sa Juventus pouvait souffler un vent de folie dévastateur sur l’Europe du football. Et c’est peut-être ce qui constitue déjà l’une de ses plus belles victoires.

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Par Adrien Candau

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