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Allardyce, l’évolution sans révolution
Alors que Sam Allardyce dirigeait son premier voyage en tant que sélectionneur en Slovaquie dimanche, l'Angleterre s'est imposée dans la douleur grâce à un but en toute fin de match d'Adam Lallana (1-0). Une première sortie entre un Wayne Rooney perdu, une organisation qui se cherche et un Big Sam qui doit dépasser le stade de l'excitation. Voilà ce qu'il faut retenir.
Il ne veut plus entendre parler du survêtement. Au fond de lui, il a également décidé de se ranger et d’apprendre à canaliser ses émotions. Il est seul, droit, se pince les lèvres, semble presque gêné par la situation. C’est son moment, celui qu’on avait pourtant toujours refusé de lui offrir lors de ces dix dernières années, mais surtout celui qui le fait entrer la tête la première dans un nouveau chapitre de son histoire. Une première fois peut être brutale. Elle peut aussi être douce, longue à se décanter, imprévisible et proche d’un scénario à la Terrence Malick tant on lui cherche une cohérence. On peut parfois tourner mille fois, abattre de nouvelles cartes mais certains souvenirs sont coriaces. Ceux du 27 juin dernier sont encore vifs. Plus de deux mois à se repasser les images ont glissé : un penalty précoce de Wayne Rooney, les touches longues, un premier but, une frappe de Sigthorsson, Joe Hart au sol, un deuxième but, l’Allianz Riviera, Nice, l’Euro 2016, la petite porte. Derrière sa ligne, à côté de son banc à Trnava, Sam Allardyce sait tout ça. Le voilà devenu exorciste, mais le voilà surtout en plein rêve, à bientôt soixante-deux ans. Longtemps, ce fils de policier a rêvé de devenir sélectionneur national de l’Angleterre. Et le costume est désormais enfilé, avec fierté.
Rooney, la liberté qui tache
Voilà comment l’histoire de Sam Allardyce avec les Three Lions a commencé dimanche soir en Slovaquie alors que l’Angleterre avait rendez-vous pour la première journée des éliminatoires à la Coupe du monde 2018. Big Sam tient son poste et tenait à poser directement sa patte sur son groupe alors que Wayne Rooney, son capitaine, lui avait demandé « d’amener un peu sa magie » au cœur d’un effectif traumatisé par un nouvel échec en France cet été et par quatre ans de foot à la Hodgson. On ne peut pas parler de révolution, mais plutôt d’une simple évolution, alors qu’Allardyce ne cessait de parler de son anxiété à l’approche de sa première sortie avec sa nouvelle famille. Aujourd’hui, et depuis sa démission du poste de sélectionneur fin juin, personne ne sait où est Roy Hodgson, mais son ombre plane toujours. Il y a d’abord la première feuille de match couchée par Sam Allardyce avec huit titulaires de l’implosion de Nice et onze joueurs présents lors des vacances en France. L’Angleterre est comme ça : elle voudrait changer mais, dans le fond, elle ne peut pas totalement tant son réservoir crève la gueule ouverte (sur les 220 joueurs qui ont joué la deuxième journée de Premier League, seuls 76 peuvent être sélectionnés par Allardyce, soit 34,5%, ndlr).
Alors voilà comment Big Sam a lancé son aventure avec la sélection : dans un 4-1-4-1 d’abord avec un Rooney aligné milieu gauche alors que son avenir semblait se situer en dix derrière Kane et avec Dier seul à la récupération. Il a fallu attendre l’heure de jeu pour que la rentrée d’Alli ne rééquilibre l’Angleterre en 4-2-3-1. C’est sur ce point que les Three Lions n’ont pas changé et qu’Allardyce a perdu son premier pari dès sa première sortie. Car en voulant offrir toute la liberté à Wayne Rooney – qui est devenu dimanche premier joueur de champ le plus utilisé de l’histoire de l’équipe nationale (116 sélections) –, l’ancien coach de West Ham a cramé ses ambitions de jeu. Rien n’a changé car, aligné à l’origine en soutien de Kane, le capitaine anglais n’a jamais cessé de décrocher, de venir marcher sur les pieds de Dier et de ralentir le jeu, là où Alli lui a offert un bol d’air lors de sa rentrée, Rooney se repositionnant alors à la récupération. Plus que jamais, l’Angleterre a un problème avec son meilleur buteur, qui a joué à trois postes en 90 minutes, et elle doit crever l’abcès au risque de replonger dans les bras de ses démons passés qui avaient fait d’elle une équipe sans vie.
Voyage au bout de l’ennui
Reste qu’Allardyce a réussi son entrée, car l’Angleterre s’est imposée dans les dernières minutes (0-1) grâce à un but de Lallana sur une erreur du gardien slovaque Matúš Kozáčik. C’est un moindre mal face à une Slovaquie assez triste, incapable de faire vibrer une seule fois Joe Hart, réduite à dix après l’expulsion stupide de Škrtel, et ce, alors qu’elle avait tenu en échec les Anglais lors de l’Euro (0-0). Longtemps, on a cru que le scénario allait se répéter, mais Allardyce a donc aussi compris là où il allait pouvoir construire son nouveau groupe. Sur Adam Lallana, buteur pour la première fois en 27 sélections et qui a certainement été le meilleur joueur anglais dimanche soir grâce à ses nombreux appels, son pressing constant et sa belle entente avec Rose sur le côté gauche. Sur Sterling, Kane et Alli également, qui ont montré de bonnes choses, alors que Dier a été dans la continuité de ce qu’il exhibe depuis maintenant plus d’un an. L’autre question était également défensive, là où il fallait regarder le comportement de John Stones, seulement titulaire pour la troisième fois en sélection nationale et qui a une nouvelle fois prouvé qu’il était solide dans les duels, qu’il avait encore tendance à s’amuser là où il vaut mieux allumer un pétard, mais qu’il pouvait surtout se montrer intéressant lors de ses montées offensives pour casser le bloc adverse. Reste cette Angleterre toujours aussi stérile, triste dans l’animation, difficile à voir jouer et qui doit se soigner. Cette première pierre est posée et Allardyce peut maintenant respirer.
Par Maxime Brigand