- Ligue des champions
- 8e de finale aller
Allan Nyom : « La domination espagnole devrait se terminer »
Pensionnaire de la Liga depuis maintenant deux ans avec le Grenade CF, c'est en connaisseur qu'Allan Nyom analyse ce championnat et les chances espagnoles en Europe. Pour l'international camerounais, nul doute, ce Barça soulèvera à nouveau la coupe aux grandes oreilles et, d'ici peu, l'Espagne est amenée à ne plus régner en maître sur le Vieux Continent.
Tu as connu avec Grenade, depuis ton arrivée en 2009, de la troisième division à la Liga. Comment qualifierais-tu le championnat espagnol ?Le championnat espagnol, je te dirais qu’il met le « football » au centre. Je m’explique : que tu sois en première ou en troisième division, tu trouveras toujours des équipes qui tentent de jouer au ballon, de sortir le ballon proprement. Techniquement, toutes les catégories sont propres. Ça change énormément de ce que j’ai pu connaître lors de ma formation en France.
Concernant la Liga, le fossé semble pourtant énorme entre le duo Barça-Real et les 18 autres équipes engagés…L’écart est bien trop grand. Je suppose que tu as vu le match contre le Barça ?
Effectivement oui…Alors tu te rends facilement compte du fossé qui nous sépare d’eux. De manière très basique, tu n’as qu’à regarder la différence entre les budgets. Le Barça doit tourner avec un budget de 450 millions d’euros alors qu’une équipe comme Grenade dispose d’environ 20 millions. De ce fait, ils ont les meilleurs joueurs du monde, et ils peuvent même se permettre de les laisser sur le banc comme le Barça face à nous ce week-end (Iniesta n’est entré qu’à la 72e alors que Xavi est resté dans son canapé, ndlr).
« En arrivant en Espagne, techniquement j’étais zéro »
Justement, le Barça forme également ces meilleurs joueurs du monde. Pour ta part, tu as été formé à Nancy. Les formations entre les deux pays sont-elles si opposées ?Là aussi, la différence est énorme. À Nancy, qui n’en reste pas moins un très bon centre de formation, on ne m’a pas vraiment appris à jouer au football. Par là, j’entends « défendre bien » , « être bien placé » , mais tout ce qui touchait au ballon, aux passes, on nous l’a pas vraiment appris. Et c’est là l’un des problèmes du football français : il est trop axé sur le physique et pas assez sur la technique. Alors que la base même du football, ça reste le ballon. Quand je suis arrivé en Espagne, je me suis rendu compte que techniquement, j’étais zéro.
Pour en revenir au Barça, tu les as joué ce week-end (défaite 2-1). Comment les as-tu senti avant leur match face au Milan AC de ce mardi ?On a réussi à les ennuyer, comme souvent, mais de là à les battre… Ils sont très forts, trop forts…
Justement, vous leur avez posé des problèmes, comme lors du match aller (défaite 2-0 au Camp Nou). Ils n’ont vraiment pas de point faible ?En deux semaines, nous venons de jouer le Real Madrid (victoire 1-0, ndlr), puis le Barça. Et ce Barça est vraiment d’un tout autre niveau. Déjà, et ce n’est pas une surprise, ils ont toujours le ballon, alors tu as l’impression de toujours courir dans le vide… Concernant leurs faiblesses, c’est difficile d’en voir. Défensivement, ils te laissent des espaces en contre-attaque. Mais surtout, sur les coups de pied arrêtés, avec leur petit gabarit, ils ne sont pas au top. Mais franchement, c’est une équipe qui n’a quasi aucune faiblesse.
Et le Real Madrid, quelle impression t’a-t-il laissée ?Ils n’ont pas du tout le même engagement que la saison passée. Ils n’ont plus la tête au championnat avec leur 16 points de retard sur le Barça, mais ne l’avaient pas vraiment avant non plus. Alors que l’année dernière, ils étaient super impressionnants, comme une machine de guerre.
« Je vois le Barça remporter la Ligue des champions »
Depuis les tribunes ou derrière son poste de télévision, ils donnent l’impression de ne trouver la motivation que pour les grosses affiches, comme face au Barça, à Manchester United…Ils ont bien raison désormais. Mais aller chercher la qualification à Old Trafford, avec la solidité qu’a montré Manchester à Santiago Bernabéu, ça risque d’être très compliqué. Après, ça reste le Real Madrid, donc bien évidemment, ils sont capables d’aller décrocher quelque chose en Angleterre.
Et le Barça face au Milan ?Je pense – même s’il faut prendre des pincettes car dans le football, tout reste possible, hein – qu’ils vont se qualifier sans trop de problème. Ils sont tellement au-dessus que je les vois encore gagner la Ligue des champions. Surtout que cette année, ils sont épargnés par les blessures et disposent d’une profondeur de banc de touche. Malgré tout, la meilleure équipe du Barça que j’ai vu reste celle de la première année de Guardiola qui a tout gagné. Avec Yaya Touré, Eto’o, Henry, Messi, ils étaient forts dans tous les compartiments du jeu.
En Ligue des champions, il y a également le petit nouveau espagnol Málaga. Vous en aviez pris quatre lors du match aller. Sont-ils aussi impressionnants que les deux ogres ?C’est une très bonne équipe de football, mais elle ne te laisse pas la même impression de force que les deux autres. Avec leurs problèmes financiers, ils ont perdu beaucoup de joueurs et continuent à en perdre. Ce qui rend d’autant plus beau leur parcours en championnat et en Coupe d’Europe.
Et que penses-tu de leur pépite, Isco ?C’est vraiment le joueur typique d’Espagne : techniquement, il est très bon, il sait toujours ce qu’il doit faire lorsqu’il a le ballon entre les pieds, il joue toujours la tête haute. C’est vraiment un super joueur.
Concernant l’Europa League, l’Atlético n’a pas fait son meilleur match de l’année en s’inclinant à domicile face à Rubin Kazan (défaite 2-0)…Je n’ai pas vu le match, mais l’Atlético est capable d’aller chercher sa qualification en Russie, même si les conditions météo ne devraient pas aider… Mais depuis l’année dernière, c’est une équipe qui a bien changé. Le coach Simeone est arrivé avec de nouvelles idées, il a réussi à les souder, et a formé une super équipe qui est très compliquée à bouger. C’est bien plus solide que l’année dernière.
Sur les deux dernières saisons, l’Espagne est le pays le plus représenté dans les phases finales européennes. Penses-tu qu’elle va le rester dans les années à venir ?Avec la crise qu’il y a en Espagne, je ne pense pas. Petit à petit, les meilleurs joueurs commencent à partir. Et si les meilleurs s’en vont, le championnat va forcément perdre en qualité. L’argent n’est plus là, il faut aller en Angleterre pour en trouver. La domination qu’a exercée la Liga sur l’Europe pendant deux-trois saisons devrait donc se terminer pour mieux repartir vers la Premier League.
Propos recueillis par Robin Delorme, à Madrid