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« Mike Maignan veut marquer son histoire »
Dans le staff de Thiago Motta à Bologne, en Serie A, en tant qu'entraîneur des gardiens, Alfred Dossou-Yovo a accompagné Mike Maignan au PSG pendant plusieurs saisons. Gardant des liens très forts avec le nouveau n°1 des Bleus. Il raconte "son" Magic Mike.
90e minute d’Irlande-France lundi dernier. Le corner. La tête de Nathan Collins. Les Irlandais qui fêtent déjà l’égalisation. Et, finalement, la parade dingue de Mike Maignan. Vous vous dites quoi sur le coup ? Je ne vous cache pas que je ne suis pas étonné. Dans le sens où je sais qu’il est capable de faire ce style d’arrêt. Mais en regardant la manière, l’explosivité et surtout le contexte, on se dit que c’est exceptionnel. S’il fait le même arrêt à la 42e ou la 60e, on en parle, mais pas plus que ça. Là, c’est quasiment sur le dernier ballon à jouer. Tout le monde la voyait dedans. Ça montre sa force de caractère et sa détermination à ce moment.
Qu’est-ce que cet arrêt dit de Mike Maignan ? Il veut montrer qu’il est présent, là pour aider l’équipe et qu’il veut marquer son histoire. Très jeune, quand on parlait de tout ça, il disait qu’il voulait marquer l’histoire au niveau du poste de gardien de but. Ça, ça en fait partie. Quand on effectue ce genre d’arrêts, à ce moment-là, surtout qu’il revient de blessure… Ça devait être son quatrième match depuis son retour. Il montre qu’il est de retour.
Un penalty arrêté, une parade extraordinaire, deux clean sheets… Pas mal pour un bizutage comme numéro 1 en équipe de France… Ce n’est pas la chance du débutant, ça fait un moment qu’il est en sélection. Avec Hugo (Lloris), ce n’était pas facile d’avoir du temps de jeu. Mais Mike joue la Ligue des champions depuis deux ans, est dans un club prestigieux comme l’AC Milan, a gagné un titre de champion avec Lille et Milan… Ça montre qu’il progresse, qu’il a un niveau international et qu’il n’est pas là pour enfiler des perles. Non, il veut montrer qu’il va rester un bon moment, même s’il est arrivé tard. Que c’est son tour et qu’il va faire les choses bien.
Pour comprendre comment Mike Maignan en arrive là, il faut bien sûr évoquer le PSG. Quel est le premier souvenir de formation qui vous vient avec lui ? Le premier entraînement qu’on a fait. Je lui avais demandé quels étaient ses objectifs, pourquoi il voulait être gardien, etc. Il m’a répondu qu’il pensait avoir des qualités, mais surtout que c’était pour aider sa maman et sa petite sœur. À partir de là, pour moi, c’était la base. Il avait quelque chose qui allait le pousser durant toute sa formation, sa carrière, pour donner le maximum à chaque fois. Il habitait dans un quartier difficile de Villiers-le-Bel. Il a fait les choses pour eux, pour lui. Avec cette détermination qui faisait la différence à chaque fois.
Vous avez fait sa connaissance au centre de formation du PSG il y a douze ans. Qu’est-ce qui fait que vous êtes resté attaché à lui ? Mike, ça a été une histoire particulière, un attachement particulier, un garçon particulier avec beaucoup plus de hauts que de bas. En spécifique, on travaillait pendant une heure, une heure et demie, il n’était jamais satisfait de ce qu’il faisait. Il fallait que ce soit la perfection à chaque fois. Avoir cette mentalité et cette détermination, ce n’est pas facile. Il avait le talent, ça se passait plutôt bien au PSG, il était en sélection de jeunes en équipe de France où il était même capitaine… Que des choses positives. À cet âge-là, on peut s’endormir un petit peu. Quand on commence à faire parler de soi, on se repose un peu sur ses lauriers, et, malheureusement, c’est comme ça qu’on passe un peu à travers. Lui a su garder la tête sur les épaules le plus possible. Je l’ai aidé à progresser, mais lui aussi m’a aidé à progresser. Avec des garçons de ce niveau, on est obligé de donner le meilleur de soi-même tous les jours. On apprend et on grandit également.
Pour vous, quelle est l’étape majeure qui a pu tout déclencher ? Là où il a fait le saut, c’est l’année où il est passé avec les pros. Il arrivait avec toute cette fougue, toute cette certitude. Cette année lui a servi, car il s’est dit : « Ok, j’ai le talent, mais il va falloir que je fasse quelque chose en plus, que je sois beaucoup plus efficace. » Après avoir compris ça, ensuite, je pense que son départ de Paris (en septembre 2015, NDLR) lui a fait du bien. Le fait d’arriver à Lille, un nouveau challenge, de découvrir une autre manière de travailler et, surtout, avoir l’opportunité de jouer, ça change tout. Il est parti à 20 ans, à cet âge, il faut jouer.
Quel est le point sur lequel il a beaucoup progressé et qui l’aide énormément dans sa carrière aujourd’hui ? Il arrive à prendre plus de recul sur les événements. Du coup, il reste concentré et performant. À un moment, je m’en souviens, l’équipe était en train de perdre un match où les joueurs ne faisaient pas ce que le staff ou lui pouvaient attendre, il sortait un peu de ses fonctions. Aujourd’hui, il reste dans son rôle. Il a vraiment progressé sur cette gestion. Aujourd’hui, il a la tête sur les épaules, il sait ce que veulent dire le haut niveau et son exigence. À lui de rester concentré sur ses objectifs.
Le grand public découvre Mike Maignan, avec son caractère très affirmé. Finalement, n’est-ce pas ça qui le rend si spécial à vos yeux ? Il est attachant. Lorsqu’on joue au foot, c’est pour soi, oui, mais on fait aussi ce sport pour sa famille, ses amis, le public… Quelque chose qui nous transcende. Il avait ça en lui. Il a ce caractère, ce mental de celui qui veut montrer qu’il est le meilleur. Il veut aller toujours plus loin. Les gens peuvent ne pas apprécier : quand vous le regardez la première fois et qu’il ne sourit pas, vous vous dites qu’il se la raconte un peu. C’est un garçon fermé, qui ne parle pas beaucoup à la presse. Lui, sa manière de parler, c’est ce qu’il fait sur le terrain. Il a toujours été comme ça. Depuis qu’il est pro, s’il a fait plus de deux interviews… Point final. Son discours c’est : « Je vous donne la réponse sur le terrain, c’est comme ça que je montre les choses. » Il est grand, costaud, avec un visage un peu fermé, donc les gens vont se dire que ce n’est pas un mec forcément sympa. Mais, après l’arrêt face à l’Irlande, quand vous voyez tout le monde lui sauter dessus et le sourire qu’il a, vous vous dites qu’il est bien dans son sport.
Propos recueillis par Timothé Crépin