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Alexy Bosetti : « Aux États-Unis, les planètes sont alignées pour que ça pète »

Propos recueillis par Florent Caffery
9 minutes
Alexy Bosetti : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Aux États-Unis, les planètes sont alignées pour que ça pète<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Entre deux plongeons dans sa piscine et quelques courses à El Paso (Texas), le Niçois vit une saison bien particulière. Avec le soulèvement à la suite de la mort de George Floyd, la pandémie de coronavirus et l’arrêt de l’USL Championship (la D2 américaine), l’attaquant de 27 ans pourrait retraverser l’Atlantique bien plus vite que prévu. Quelques semaines après avoir aidé les soignants niçois en mettant aux enchères l’une de ses tuniques du Locomotive d’El Paso, il pense même à un retour sur les bords de la Méditerranée, en Italie...

Alexy, comment se passent les manifestations contre le racisme à El Paso ?Chez nous, il n’y a rien ou presque, il n’y a que des Mexicains ici. C’est calme. Je vis dans un endroit où tu te crois au Mexique, de chez moi je vois ce qu’il se passe de l’autre côté de la frontière, la ville est coupée en deux, donc je ne suis pas loin du mur. 85% de la population est hispanique, latino et 3% afro américaine. Il y a eu un petit truc avec une vingtaine de personnes dimanche après-midi, mais rien de dingue. (Deux policiers ont été blessés le même jour, N.D.L.R.) Pourtant à El Paso, les flics ne rigolent pas, tu es à la frontière, c’est tendu. Mais c’est aussi l’une des 25 villes les plus sûres du pays, donc on ne retrouve pas forcément ces problèmes-là.

Mais quand je vois les Gilets jaunes en France, je me dis qu’aux États-Unis, il n’y aurait pas 80 semaines de manifestation ou de chaos.

Vu de France, on a pourtant l’impression que ça chauffe un peu partout chez l’Oncle Sam…Dans les villes plus importantes comme Chicago ou New-York où il y a de grosses communautés noires, ça bouge davantage, c’est vrai. J’ai aussi parlé avec mon pote Nicolas Benezet à Denver, mais il habite un peu dans un endroit reculé de la ville, il n’a pas vu grand-chose. Mais quand je vois les Gilets jaunes en France, je me dis qu’aux États-Unis, il n’y aurait pas 80 semaines de manifestation ou de chaos. Trump essaye de faire un peu au mieux là, mais il n’a pas le même pouvoir qu’en France. Ici, c’est très fédéral, et pour l’instant, il est verrouillé. Les autorités essayent d’éviter de nouveaux morts, mais à un moment donné, il faudra s’arrêter. Même si je comprends la population. Les planètes sont alignées aux États-Unis pour que ça pète. Entre le chômage et le coronavirus, la mort de George Floyd a été l’étincelle qui a tout allumé. C’est une année électorale, dans quelques mois ce sont les présidentielles, ce sera très tendu.

Un policier américain est davantage sur les dents que celui qui s’occupe des remparts à Saint-Malo. À Minneapolis, tu as une chance sur deux que le mec soit armé.

Comment as-tu appris la mort de Georges Floyd ?Sur Twitter. Au début, il y avait de l’indignation sur les réseaux sociaux, mais les manifs ont vraiment débuté le week-end dernier. Quand les célébrités ont commencé à s’en mêler, ça a pris de l’ampleur. Moi, je suis blanc, ce n’est pas simple d’en parler, mais quand tu es noir, c’est clairement possible de ressentir du racisme. Après, 100% des flics ne sont pas racistes, c’est comme en France, en Espagne, en Suisse. Le problème des États-Unis, c’est que la plupart du temps, le mec en face du flic est armé. Évidemment, ce n’était pas le cas pour George Floyd et c’est dramatique ce qu’il s’est passé. Mais quand tu es flic aux USA, tu as envie de rentrer chez toi le soir. Quand tu arrêtes un mec ici, ce n’est pas comme si tu le faisais au canal Saint-Martin à Paris, tu n’es pas à l’abri qu’il sorte un flingue. Un policier américain est davantage sur les dents que celui qui s’occupe des remparts à Saint-Malo. À Minneapolis, tu as une chance sur deux que le mec soit armé.

Tu as constaté toi-même en signant là-bas que les armes étaient partout ?Au Texas justement, tu vas au supermarché, tu vois une femme avec son revolver à la ceinture. Au début, ça m’a impressionné. Auparavant quand j’étais dans l’Oklahoma, qui est un État profond, pro arme, républicain, c’était pareil. Les gens sont éduqués comme ça, lorsqu’ils viennent en France, ils sont surpris de nous voir sans armes. À El Paso, il y a moins cette culture à l’américaine. Perso, je ne suis pas armé. Si j’étais dans le Queens (à New-York), ce serait peut-être différent.

La population semble vivre en communautés bien distinctes, tu l’as ressenti ?Aux USA, il y a vraiment des quartiers où il y a 90% de noirs, c’est très racialisé. Chez nous, à El Paso, tout le monde se mélange. Mais c’est vrai que parfois, tu peux te sentir seul dans un quartier. Je me souviens d’une mauvaise expérience dans le Bronx à New-York quand j’étais un peu plus jeune. Je sortais du zoo, il commençait à faire nuit, j’étais avec ma femme, il n’y avait plus de taxi. Deux blancs dans le Bronx, je ne faisais pas le malin, ce n’était pas très rassurant. On a arrêté une voiture de flics qui passait, ils nous ont appelé un taxi. C’était chaud.

En parallèle des manifestations à travers le pays, il y a aussi la pandémie qui vous touche de plein fouet (environ 108 000 morts, les États-Unis sont le pays le plus touché au monde)…À El Paso, on a un maire très tatillon, il casse les couilles. Tout ce qui est commerce, c’est ouvert, les centre commerciaux n’ont pas fermé, les restaurants non plus, ou à peine quelques jours.

En France, on a pu confiner 67 millions de personnes sans que les gens ne disent rien. Le Français est plutôt docile.

En revanche, les parcs pour enfants, les parcs aquatiques, les piscines, tout ça est fermé. Sauf qu’il fait déjà 40 degrés depuis deux mois. J’ai une petite de deux ans, ce n’est pas simple de lui trouver des occupations. On n’a pas eu de confinement du tout, on se balade sans masque. Tu fais ce que tu veux. Franchement, quand je voyais qu’en France, il fallait une attestation pour sortir, ça m’aurait bien fait chier de faire un papier à chaque sortie. Malheureusement, on aime garder les gens dans la peur, alors que ça tue une infime partie de la population avec une moyenne d’âge élevée. En France, on a pu confiner 67 millions de personnes sans que les gens ne disent rien. Le Français est plutôt docile. Après, je comprends qu’il y avait de l’incertitude par rapport au virus, mais c’est la peur qui a gouverné. Pas mal de gens étaient choqués aussi de voir des manifestations contre le confinement aux USA, mais le chômage partiel n’existe pas ici. Si le mec ne va pas bosser, il est viré. Entre le confinement et mourir de faim, ce n’est pas compliqué de choisir.

Et le football dans tout ça ?C’est un peu la merde… La deadlinepour décider de la suite de la MLS (Major League Soccer), c’est ce mercredi, et nous, on a une grosse réunion jeudi. On a à peine joué une journée de championnat. Première journée le 6 mars, on fait 0-0 à Orange County au sud de Los Angeles et depuis, on attend. Les entraînements ont été stoppés une semaine, ensuite on a repris en individuel pendant un mois. Et depuis quelques semaines, on s’entraîne par groupe de 5-6. On a fait neuf semaines de préparation avant de commencer le championnat et tout est stoppé après un match. Faire des sessions à quatre, ça commence à me gaver. Peut-être que je vais devoir rentrer en Europe.

Ma femme aimerait se rapprocher de Nice, moi je n’ai plus trop envie de jouer en France, donc l’Italie serait parfait. J’ai toujours rêvé d’y jouer.

À ce point ?Si la saison est annulée, je ne vais pas attendre jusque mars 2021 pour rejouer. Entre novembre 2019 et mars de cette année, j’ai joué 90 minutes, ce n’est pas possible. Vu les circonstances, ça m’ennuierait vraiment de rentrer, même si pour le moment, je suis toujours sous contrat avec El Paso. J’avais envie de rester ici, je suis titulaire dans une équipe qui jouait le titre, mais par la force des choses, ce ne sera peut-être pas le cas. J’ai encore d’autres rêves, j’espère pouvoir les réaliser, notamment jouer en Italie. Ma femme aimerait se rapprocher de Nice, moi je n’ai plus trop envie de jouer en France, donc l’Italie serait parfait. J’ai toujours rêvé d’y jouer. Ça me manque un peu l’ambiance ultra dans les stades, et l’Italie, c’est plutôt sympa pour ça. Soit un club du sud pour l’engouement ou du centre nord pour être plus près de Nice. Après, je ne ferais pas le difficile, je veux surtout jouer. Je n’ai jamais connu une telle période sans jouer. Si des championnats reprennent en septembre, autant sauter sur l’occasion.

Les avions sont cloués au sol, on devrait faire les voyages en bus, sauf qu’à l’échelle des USA, c’est quelque chose, plutôt 12-13 heures de bus pour un match.

Tu serais prêt à quitter ton rêve américain ?La vie à El Paso c’est génial, il fait beau 361 jours par an, 35 degrés de début mars à fin novembre, le cadre de vie est là. Ce n’est pas le Nord où tu peux te retrouver dans les ouragans durant plusieurs mois. On a un vrai stade, des supporters vraiment cool. Et puis les déplacements, c’est quelque chose. Je ne vais pas à Carquefou ou Concarneau, là. C’est plutôt Seattle, Las Vegas, San Diego, Austin, ça a de la gueule. Quand on part en déplacement, ça dure trois jours, on dort deux nuits à l’hôtel. Après les matchs, on se retrouve avec toute l’équipe, on va en boîte, on se fait une bonne bouffe, la vie aux États-Unis, c’est vraiment le top. Mais si on recommence la saison, là, ce serait compliqué. Les avions sont cloués au sol, on devrait faire les voyages en bus, sauf qu’à l’échelle des USA, c’est quelque chose, plutôt 12-13 heures de bus pour un match.

Tu retrouverais tes belles années quand tu faisais les dep’ avec les ultras niçois…Sauf que là, je joue, je ne peux pas me retrouver dans la tribune à trois grammes. (Rires.) On a une équipe âgée avec cinq mecs à plus de 33 ans. Tu leur fais faire 15 heures de bus une fois, ça passe, mais à peine tu rentres au Texas qu’il faut rejouer à domicile. Ça va vite devenir compliqué. Encore pire si des cas de coronavirus se déclarent dans une équipe. Je ne sais pas comment ça va se finir, mais ça me ferait bien chier de devoir tout quitter.

Lyon : à Textor et à travers

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