- Asie – Coupe d'Asie des nations – Groupe D – Palestine/Jordanie
Alexis Norambuena, citoyen du monde
Palestine, Chili, Pologne, Australie : quatre pays, quatre continents pour conter l'histoire d'Alexis Norambuena, le plus international des participants à la Coupe d'Asie des nations 2015.
Dans les 23 de la sélection palestinienne pour cette Coupe d’Asie des nations, au milieu des noms à consonance arabe, une curiosité : Alexis Norambuena. Ce défenseur polyvalent évoluant généralement au poste de latéral gauche n’a jamais mis les pieds dans les territoires palestiniens. Il en a pourtant obtenu la nationalité par l’intermédiaire de ses arrière-grands-parents maternels, originaires du Proche-Orient. Ils sont partis comme plein d’autres compatriotes, entre la fin du XIXe et le début du XXe, fuyant la crise économique qui touchait l’empire ottoman à l’époque. Une émigration qui ne cessera pas, bien au contraire, dans les décennies suivantes, du temps de la Palestine sous mandat des Britanniques (eux qui importent le ballon rond dans cette partie du monde), puis de la création de l’état d’Israël au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Si aujourd’hui, la diaspora palestinienne est essentiellement concentrée autour des pays voisins du Moyen-Orient, il reste des traces marquantes de cette première vague d’émigration ailleurs dans le monde, en Amérique du Sud notamment et particulièrement au Chili, terre d’accueil privilégiée, car pays ayant à l’époque besoin de main-d’œuvre.
Le Chili, le pays de naissance
Norambuena et sa famille font partie de cette large diaspora palestinienne au Chili, qui compterait aujourd’hui près d’un demi-million de membres (plus que dans toute l’Europe et les États-Unis réunis). Il est né en 1984 dans la capitale Santiago, où l’un des plus fameux clubs de football est le Club Deportivo Palestino, dont le nom et le logo blanc, vert et rouge ne laissent pas de place au doute : il est bien celui de la communauté palestinienne et a d’ailleurs fait parler de lui il y a tout juste un an en floquant ses maillots avec le « 1 » en forme de la carte de la Palestine avant la création d’Israël… Mais Norambuena n’y a jamais évolué. Lui est un enfant du Club Union Espanola, où il a débuté chez les pros et jusqu’en 2007. Déjà à l’époque, il se fait draguer par la sélection palestinienne, mais décline gentiment les avances, préférant ne pas griller ses chances de défendre en priorité les couleurs de son pays de naissance, ce qui n’arrivera finalement pas (même si Marcelo Bielsa observera mollement ses prestations alors qu’il cherchait à constituer son groupe pour la qualification au Mondial 2010).
La Pologne, le pays d’adoption
En 2008, la vie d’Alexis Norambuena commence à sérieusement prendre le contour de celle d’un citoyen du monde lorsqu’il part tenter sa chance en Europe, et plus précisément en Pologne. Il débarque avec un contrat signé pour évoluer avec le Jagiellonia Białystok. Les débuts sont durs, très durs : il racontait il y a quelques années dans un journal chilien avoir passé six mois à l’hôtel, seul, les valises prêtes pour repartir et quitter ce pays à l’hiver interminable. Finalement l’arrivée de sa femme et l’apprentissage de rudiments de polonais lui permettent de s’adapter et même de s’épanouir sportivement. En 2010, il contribue à la conquête de la Coupe de Pologne, puis de la Supercoupe de Pologne. Transféré il y a un an à Bełchatów, toujours en Pologne, il a cette fois contribué à faire monter son nouveau club en élite, avec cette saison un maintien en bonne voie, à mi-parcours. Il en est à plus de 150 matchs de championnat dans son pays d’adoption. En parallèle, il a fini par comprendre que pour la sélection chilienne, c’était définitivement mort, cédant finalement aux avances de la Palestine, dont il est membre de l’équipe nationale depuis 2012.
L’Australie, le pays du futur
Dernière étape en date de son voyage : l’Australie, où se tient en ce moment la Coupe d’Asie des nations, à laquelle participe la Palestine pour la première fois depuis la jeune histoire de sa Fédération, intégrée dans le giron de la FIFA seulement en 1998. Le premier match s’est soldé par un méchant 0-4 encaissé face aux expérimentés Japonais, avec un Norambuena sur le flanc à cause d’une vieille blessure qui s’est réveillée. La suite du programme pour les Palestiniens, c’est le « derby » du jour contre le voisin jordanien et un troisième match de poules mardi contre l’Irak. Une compétition pour apprendre, avec une sélection composée pour partie de joueurs issus du championnat local, pour d’autres de l’étranger (Jordanie, Arabie saoudite, Égypte, Slovénie, Suède et donc Pologne). Norambuena est actuellement le seul « Chilo-Palestinien » , même si d’autres ont été sélectionnés par le passé et d’autres le seront dans le futur, notamment le jeune et prometteur attaquant Matías Jadue, qui n’a pas obtenu ses papiers à temps. Le futur pour la sélection palestinienne débute là, maintenant, en Australie, pour cette grande première, avant de se tourner très vite vers l’objectif qualification pour la Coupe du monde 2018 en Russie, pas si loin de la Pologne…
Par Régis Delanoë