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Alexi Peuget : « Aller au Stade de France, ce serait une belle revanche »

Propos recueillis pas Adrien Hémard
Alexi Peuget : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Aller au Stade de France, ce serait une belle revanche<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À 30 ans, Alexi Peuget disputera ce jeudi soir sa première demi-finale de Coupe de France avec Rumilly-Vallières contre Monaco. Une belle revanche pour le capitaine des Haut-Savoyards, délaissé par le monde pro à 28 ans après des passages à Strasbourg, Reims et Grenoble. La faute, entre autres, à trois ruptures des ligaments croisés en 9 ans. Mais l'heure de la revanche a sonné.

À 30 ans, et avec 90 matchs pros au compteur, tu vas disputer ce soir ta première demi-finale de Coupe de France. Comment ça va ?Je profite à fond et, en même temps, je rêve d’aller au Stade de France, ce serait une belle revanche. On n’est plus qu’à 90 minutes, c’est incroyable d’être là, avec un club amateur en plus, c’est encore plus gratifiant. Je n’ai jamais été aussi loin quand je jouais en pro, cette épopée est comme une revanche, ou plutôt une récompense après mon parcours professionnel chaotique, les blessures, etc. Ça fait du bien. On est des privilégiés de pouvoir encore jouer, on profite. On est pressés d’en découdre. C’est un peu long pour nous entre les matchs de coupe, vu qu’on n’a plus de championnat. Bon, au moins ça nous permet de bien se préparer, mais vivement qu’on soit sur le terrain parce que les matchs amicaux et les oppositions entre nous, ça va bien deux minutes.

Et là, bim les croisés. Sur le même week-end je passe donc d’une première avec les pros à l’infirmerie.

Justement, comment vous maintenez la forme sans championnat ?On a gardé notre rythme de trois entraînements par semaine. Notre dernier match, c’était contre une équipe de Bourg-Péronnas qui mettait des joueurs à l’essai. Je fais aussi des séances supplémentaires quand j’en ressens le besoin, grâce à des contacts de préparateurs physiques que j’ai gardés dans le monde pro, du vélo, de la rando, du footing… Il y a quoi faire autour du lac. Je joue pas mal au golf, sinon, pour me détendre. Mais pour cette demi-finale, on n’a pas la pression, même si on sent que la ferveur monte et que nos ventes de maillots ont explosé. Le club et la ville ont placardé des affiches et des banderoles partout. Franchement, tous ceux qui traversent Rumilly ne peuvent pas ignorer qu’il y un match, nos couleurs sont partout. (Rires.) Même à Annecy, un de nos partenaires a affiché nos couleurs.

Ils ne sont pas jaloux d’ailleurs, les voisins d’Annecy, que vous avez éliminés en 16es ? Pas du tout ! D’ailleurs, depuis qu’on les a battus, ils ont fait une remontée fantastique et ils vont se maintenir en N1, donc tout le monde est content dans la région. Il n’y a pas de rivalité, mais plutôt de l’entraide : on leur a prêté notre stade quand ils en avaient besoin en début de saison, maintenant eux nous prêtent le leur pour les matchs de Coupe de France. Tout le monde est content.

D’un point de vue personnel, tu sembles enfin épanoui à Rumilly en N2, après des années compliquées dans le monde professionnel.Oui, j’ai retrouvé la passion du football que j’avais depuis tout petit, mais qui s’était un peu perdue en chemin.

Une passion soufflée par ton père, qui a longtemps joué en L2, notamment à Mulhouse où tu es né. Le foot, c’était une évidence ? Forcément, j’ai toujours vécu dans le foot, en suivant la carrière de mon père à Mulhouse, Perpignan, Épinal, Besançon, Jura Sud. Il ne m’a jamais forcé la main, ni à mon frère, mais il nous faisait rêver, on voulait faire comme lui. Ensuite, tout s’est bien goupillé, j’ai fait partie d’une très belle génération en jeunes à Jura Sud qui m’a permis de me montrer. Et voilà. Une carrière, c’est un minimum de talent, mais aussi de la chance, et j’en ai eu aux bons moments. Mais encore aujourd’hui, pour moi, le foot, ça reste d’abord du plaisir. Même quand j’étais au centre de formation, je ne me suis jamais dit : « Il faut absolument que je passe pro. »

C’était une fin de saison très compliquée, avec une présidence inexistante qui nous a vraiment laissés tomber. Certains week-ends, c’est le coach qui payait l’hôtel ! Le club a terminé à bout de souffle.

Justement, tu as rejoins le RC Strasbourg à 17 ans. Pour un Alsacien, c’est la consécration ?Le Racing a toujours été mon club de cœur, donc intégrer le centre, c’était un rêve. J’ai senti la différence technique, physique en arrivant, mais j’ai été très bien accueilli, il y avait pas mal de gens du club qui étaient passés par Mulhouse à l’époque de mon père. C’était un club très bien structuré qui m’a permis de vite prendre le wagon. La star, c’était Morgan Schneiderlin qui jouait déjà avec les pros, mais qui revenait avec nous pour la Gambardella. Passer pro dans le club de ma région natale, c’était une fierté.

Le premier coup d’arrêt intervient alors que tu es capitaine de la réserve du Racing en 2009, puisque tu te fais les ligaments croisés du genou, à 19 ans. C’est un tournant ?Ah oui, là, c’est un terrible ascenseur émotionnel. Le vendredi, les pros jouent en amical contre Neuchâtel. Pour la première fois, je suis convoqué avec eux. Et cerise sur le gâteau, je fais vraiment une super entrée, un très bon match. Deux jours plus tard, je joue avec la réserve à Lens. Et là, bim les croisés. Sur le même week-end, je passe donc d’une première avec les pros à l’infirmerie. Mais le club a été tout de suite là pour moi, m’a rassuré. J’ai pu me soigner dans de bonnes conditions. Sauf que la chute du Racing était déjà en marche.

Le RCSA te fait passer pro quand même. Après une saison à 25 matchs en N1, le club coule. Qu’est-ce qu’il se passe à ce moment-là ?C’était une fin de saison très compliquée, avec une présidence inexistante qui nous a vraiment laissés tomber. Certains week-end, c’est le coach qui payait l’hôtel ! Le club a terminé à bout de souffle. Surtout qu’on perd la troisième place à la dernière journée. Bref, j’étais en fin de contrat, et le club ne m’a pas donné de nouvelles. À ce moment, Reims m’a contacté, j’avais cette chance de pouvoir monter d’un palier en Ligue 2, c’était le bon choix, même si j’aurais préférer remonter avec Strasbourg. Tout s’est fait naturellement, mais intégrer le monde pro, c’était incroyable. Surtout que cette année-là, j’ai touché le jackpot à Reims, puisque je signe dans une équipe qui s’apprête à tout casser en L2 pour remonter en Ligue 1, pour la première fois depuis 33 ans. Sur le moment, on ne se rend pas compte, je profite, mais je n’ai pas de recul sur ce qu’il se passe.

Être là, face au plus grand club européen, entraîné par Zidane… J’ai savouré ces minutes, les quelques ballons que j’ai touchés, les deux-trois coups d’épaule que j’ai mis.

La suite est un peu plus compliquée, et tu te relances à Châteauroux en prêt. Mais manque de bol, tes croisés te lâchent de nouveau. Comment tu le vis ?J’avais besoin de temps de jeu, donc je suis parti six mois à Châteauroux. Tout se passe bien, j’enchaîne les bons matchs, je suis prêt à revenir à Reims pour m’imposer, et là, rebelote, les croisés en fin de saison. C’est un coup de bambou au plus mauvais moment. Derrière, je reviens à Reims avec cette blessure, ça complique tout. Finalement, j’ai vécu beaucoup de belles émotions à Reims, c’est ce que je retiens. On me parle souvent du match amical contre le Real au Bernabéu, c’était incroyable. Être là, face au plus grand club européen, entraîné par Zidane… J’ai savouré ces minutes, les quelques ballons que j’ai touchés, les deux-trois coups d’épaule que j’ai mis. Enfin essayé, parce que là, tu vois la différence : les mecs sont tous costauds, carrés. On a l’impression d’être des bébés à côté.

Après six saisons, et une dernière passée au loft sous Michel Der Zakarian, tu quittes le club en 2017 pour Grenoble, en N1. Pourquoi ? La dernière année à Reims a été dure mentalement, psychologiquement. Je suis plutôt optimiste, donc je relativisais en me disant que j’avais quand même la chance d’être payé pour faire du foot. Mais je ne pouvais pas rester, donc j’ai rejoint l’ancien coach Guégan à Grenoble en N1, avec le projet de montée en L2. Sauf qu’au bout de deux matchs, sur un petit saut à 10 cm de haut pour contrer une frappe, le genou lâche. Les croisés, encore, et la galère. En cas de montée, j’avais une prolongation de contrat automatique si j’avais disputé dix matchs cette saison, ce que je n’ai pas pu faire. On est montés, mais le coach Guégan a été débarqué, et Grenoble m’a lâché avec ma blessure. Là, j’ai pris un gros coup au moral. J’avais fait des sacrifices en venant chez eux en N1, j’attendais une main tendue. Ça m’a vraiment dégoûté du monde pro. Je suis parti à Jura Sud pour m’entretenir avant la reprise, finalement j’y suis resté une saison pour retrouver le plaisir du football.

Après une pige à Saint-Malo, te voilà finalement à Rumilly-Vallières depuis l’été dernier. Tu as définitivement dit adieu au monde pro ?Saint-Malo visait la N1, ça m’a séduit. J’ai voulu essayer une dernière aventure pour retrouver le monde pro. C’était aussi un choix de vie, je voulais découvrir l’Ouest de la France. Sauf qu’entre-temps, j’ai rencontré ma copine à Annecy. Finalement, après une belle saison, j’ai mis un terme à mon contrat pour revenir près d’elle. Ça aurait pu se faire au FC Annecy en N1, qui m’a contacté mi-décembre, sauf qu’en fin de saison, ils avaient pris quelqu’un à ma place. Un ami a parlé de moi au coach de Rumilly, et ça s’est fait comme ça. C’est une aubaine pour moi parce que je peux continuer le foot à un très bon niveau, et me stabiliser dans la région, tout en pensant à l’avenir. À 30 ans, je suis enfin posé et je peux préparer la suite. Parce que ça va vite arriver, et que pour l’instant, je suis dans le flou. Je veux rester ici. Après tout ce que j’ai vécu, ça fait du bien de sentir qu’on me fait confiance ici, c’est gratifiant. À leurs yeux je ne suis pas celui qui a quitté le monde pro, mais un atout pour les aider. Et c’est ce que je veux faire

J’ai rêvé que j’affrontais le Montpellier de Der Zakarian pour prendre ma revanche, même si je n’en fais pas une affaire d’état. À Reims, on n’était pas en conflit, puisqu’il ne me parlait pas.

Ce que tu fais d’ailleurs en coupe, avec 2 buts et 5 passes décisives. C’est vrai que la coupe me réussit plutôt bien. Je tire les coups de pied arrêtés aussi, ça aide. C’est une compétition que j’ai toujours aimée, qui me surmotive. Même si les penaltys, je n’aime pas cela. Quand il a fallu aller tirer contre Annecy, j’étais lessivé, je revenais de deux semaines sans entraînement… J’avais les jambes qui tremblaient. Bon, c’est passé. Donc quand est venu le moment de tirer un penalty dans le jeu contre Le Puy en 8es, j’ai pris mes responsabilités. Et s’il faut tirer ce soir contre Monaco, je le ferai.

Le tirage au sort vous a réservé l’ASM. Tu aurais préféré le MHSC pour recroiser la route de Der Zakarian, ou ça sera en finale ?J’ai rêvé que j’affrontais le Montpellier de Der Zakarian pour prendre ma revanche, même si je n’en fais pas une affaire d’état. À Reims, on n’était pas en conflit, puisqu’il ne me parlait pas. Mais ce serait un beau pied de nez de l’affronter et de le battre. Sinon pour le tirage, moi j’étais plutôt de ceux qui voulaient l’équipe la plus abordable à chaque tour, pour aller le plus loin possible. Bon, pas de bol, on tombe sur Monaco. Gaëtan Charbonnier m’a dit que c’était la meilleure équipe qu’il ait affrontée cette année. En plus, c’est un club que j’ai toujours bien aimé et suivi. Mais ce soir, on ne sera pas là pour les regarder, ce sera à nous de jouer et à eux de ne pas nous laisser la moindre brèche parce qu’on foncera dedans.

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