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Alexander Nübel, le prix à payer
Fraîchement débarqué du Bayern Munich avec l'étiquette de « nouveau Manuel Neuer », Alexander Nübel déçoit. Tête de Turc attitrée des supporters monégasques, le gardien allemand encaisse plus de critiques que de buts, loin d'être toujours justifiées. Performer directement dans un nouveau pays avec une autre conception du poste et une défense qui ne parle pas sa langue à 24 ans, ça ne se fait pas les gants dans le nez.
Juste après avoir défait ses valises en arrivant à Monaco, Alexander Nübel avait prévenu : « Si je suis en prêt ici pour deux ans, c’est pour mieux m’acclimater à la Ligue 1. » C’était le 27 juin, et trois mois après, certains semblent déjà l’avoir oublié. Un peu pataud dans la gestuelle, le gardien ne rassure pas forcément sur le terrain, en ayant encaissé déjà 14 buts toutes compétitions confondues. Avec 54,5% d’arrêts, il est avant-dernier de Ligue 1 (devant Steve Mandanda) et réalise le pire démarrage de sa carrière. Une autre donnée, le post-shot expected goals, qui mesure la difficulté d’un arrêt face à un tir adverse, montre qu’il a encaissé 2,6 buts de trop. Dans la catégorie, il est 22e de Ligue 1, juste devant Green, Desmas ou Bizot. De là à lui imputer le début de saison plus que raté de l’ASM, c’est beaucoup trop fort de café.
On a tous besoin d’un Bruno Irlès
Déjà, ce serait oublier le premier argument soulevé par Alexander Nübel lors de sa présentation : l’adaptation. « Nouveau gardien, c’est un rôle un peu particulier. Il faut sur-attendre, avoir la patience un, deux ou trois mois de vraies compétitions pour vraiment le juger. » Ces mots, c’est Flavio Roma qui les prononce, lui qui s’est accroché de 2001 à 2014 (avec un intermède de trois saisons au Milan). Mais avant d’émarger à 249 matchs sous le maillot princier, lui aussi a connu des débuts compliqués : « Quand je suis arrivé, tout le monde disait :« On a un souci parce que le gardien ne parle pas français. » Quand un étranger signe, il faut avoir de la patience et lui apprendre la base du français du terrain. J’ai eu de la chance parce que Bruno Irlès(défenseur central à l’époque, NDLR)se mettait un peu à ma place dans le match. Les choses que je n’arrivais pas à dire, c’est lui qui les disait. Après, c’est allé vite, j’avais les bases :« Laisse, j’ai, dégage. » Pour ce qui est de la tactique, Panucci et Simone qui parlaient italien m’aidaient beaucoup. Mais Nübel, lui, il a le coach. »
Là où Gigio Donnarumma doit faire face à la concurrence accrue de Keylor Navas, Alexander Nübel est plutôt dans la configuration d’un Pau Lopez à Marseille : son coach l’a installé comme numéro un et lui voue une totale confiance. Enfant de l’école allemande, Niko Kovač martèle à chaque conférence de presse être sûr de ses qualités : « Il a besoin de plus de soutien des joueurs devant lui, pas seulement de la part des défenseurs, mais de toute l’équipe, pour mieux protéger notre but. Mais je suis content d’Alex, c’est un gars intelligent, il va montrer ses qualités parce que c’est un très bon gardien. »
Dynastie monégasque
Considéré outre-Rhin comme le Neuer 2.0, après des saisons éblouissantes à Schalke 04, Nübel a laissé les gants au placard une fois arrivé au Bayern la saison dernière. Derrière le grand Manuel, il n’a joué que quatre bouts de match. Et pour la première fois, sa réputation a pesé sur ses larges épaules. « Sincèrement, ce poids est vraiment lourd. On parle de Neuer, le top du top !, s’emporte Roma. S’il est intelligent, Nübel peut le prendre du bon côté :« S’ils disent que je peux être comme lui, alors ça veut dire que j’ai les qualités et je dois travailler là-dessus. »Mais s’il se dit :« Je suis déjà un phénomène, ça va aller », alors non, ça ne peut pas marcher. » Une comparaison qui s’ajoute à d’autres déjà bien ancrées dans la tête des supporters monégasques. « Si l’on se base sur les derniers gardiens de l’ASM comme Danijel Subašić, Stéphane Ruffier ou moi pour le juger, ça peut donner de fausses informations, pointe le finaliste de la Ligue des champions 2004. Il faut le laisser travailler, car l’école allemande est totalement différente. Ça se ressent surtout dans sa façon de bouger dans les buts. »
En y regardant de plus près, le bilan de l’Allemand est loin d’être catastrophique comparé à ses prédécesseurs. En huit matchs de championnat, il a perdu trois matchs et encaissé onze buts, au niveau de Roma (3 défaites, 8 buts pris), mieux que Lecomte (3 défaites, mais 16 buts pris) et incomparable avec Subašić, dont la première saison était en Ligue 2. Le tout en sous-performant clairement. D’autant plus que contrairement aux avis de certains twittos, seuls trois buts lui sont directement imputables (un angle mal fermé après renversement du jeu contre Nice, un placement douteux sur un coup franc troyen, et une parade trop molle pour stopper le ballon face à Lens).
C’est pas ma faute à moi
Mais depuis ce but contre son camp de Ruben Aguilar encaissé en prolongation contre le Shakhtar Donetsk en barrage de Ligue des champions, les critiques se font plus acerbes. L’Italien reprend la parole : « Un but malchanceux comme celui-ci, ça peut jouer sur le mental. Mais il doit se vider la tête, oublier ce but ou au contraire le regarder et l’analyser. Même s’il est jeune, il a déjà l’expérience pour ça. » Une démarche qui vaut pour l’équipe entière. « En fait, je trouve que ce n’est pas Nübel le problème, assure l’ancien portier monégasque. S’il n’y a pas de résultats, c’est plutôt à cause de l’équipe… » Depuis le début de la saison, Nübel n’a manqué qu’un match. Devant lui, il y a une vraie instabilité en défense : huit joueurs se partagent le temps de jeu dont des Français, un Brésilien, un Chilien et un Serbe. Le début d’une mauvaise blague, qui n’attend qu’à trouver une chute plus heureuse.
Par Emile Gillet
Propos recueillis de Roma par EG.