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Alexander Chapman Ferguson : the absolute legend…
Manchester United et Sir Alex Ferguson, c'est une relation de 27 ans, 49 trophées, des buts à la 95e, des coups de gueules et pas mal d'histoires. Beaucoup d'histoires.
La légende de Sir Alex, c’est son rapport au temps qui passe (coach jusqu’à 72 ans) et qui se finit quand lui seul le décide…
La légende de Sir Alex c’est aussi son rapport au temps qui n’est pas fini : le redoutable « Fergie Time » , tout le monde connaît et c’est moins bling-bling que le « money time » de NBA. L’expression perso de sir Alex, c’est plutôt « squeaky-bum time » , formule fameuse intraduisible qui se réfère aux fins ultra tendues de matchs ou de compétitions où il faut avoir les guts pour vaincre. Fergie time ou squeaky-bum time, c’est pareil. Quand le match de MU touche à sa fin, le match de Fergie commence et les Red Devils finissent par gagner. Alex Ferguson est né un 31 décembre, juste avant la fin de l’année, juste avant la fin du match, donc…
Alex a été prolo quand il jouait en jeune amateur au Queen’s Park. Il bossait sur les chantiers navals de la Clyde. Syndiqué et revendicatif : il a toujours été de gauche, demeurant jusqu’à aujourd’hui l’un des plus gros contributeurs privés du Parti Travailliste. À un journaliste qui le comparaît à Margareth Thatcher, Alex le foudroya du regard en lui balançant « ne prononcez jamais ce nom devant moi ! » Ferguson, comme Brian Clough autrefois, est donc de gauche dans un milieu toujours très « conservateur » . Le clash définitif avec Beckham vient en partie du choc des valeurs « trahies » entre lui et son joueur, tombé dans les griffes bling-bling de la trop Pipole Victoria Posh (que Alex détestait)…
Fergie le Protestant a épousé Cathie, une catholique : le truc pas très bien vu quand on joue aux Rangers (1967-69), mais qu’il a parfaitement assumé au vu et au su des supporters plus que réticents à ce genre d’entorse…
Joueur, Fergie a été un bon attaquant : d’où son style offensif, sa philosophie de jeu portée vers l’avant. Ferguson n’est pas un homme de système, un doctrinaire rigide : avec Manchester, il alternait globalement 4-4-2 en Premier League avec un 4-2-3-1 en coupes d’Europe. Il a toujours une équipe type mais n’hésite pas en fonction des matchs d’user d’un turn-over qui n’épargne personne…
Ferguson joue du piano mais qu’en privé : les rares témoins qui l’ont entendu garantissent qu’il touche sa bille…
Fergie aime chambrer : quand Évra revient d’un match où les Bleus se sont fait tauler, il lui fredonne toujours la Marseillaise avec un grand sourire… Oui, Fergie a failli gicler de MU. Le moment ? Avant ce 17 mai 1990, en finale de la FA Cup où MU battit Crystal Palace (1-0). Avant ce succès crucial, le premier pour Alex, c’était Down with Fergie ! Pour le board et la vox mancunienne, Ferguson n’était plus l’homme de la situation. En ce printemps 90, il était virtuellement viré because il n’avait rien gagné depuis qu’il coachait MU (nommé en novembre 1986). Cette Cup fut pourtant un calvaire : une demi-finale rejouée contre les nazes d’Oldham Athletic et cette finale à rejouer contre les nazes de Palace (3-3, le 12 mai, Hugues égalise à la 113e !) Le jeudi 17 mai, à Wembley, Lee Martin fit d’une pierre trois coups : MU gagne la Cup, Alex est sauvé et son but est le premier de la campagne victorieuse en Coupe des coupes 91. MU décolla…
Au fait ! Qui signa le retour victorieux des clubs anglais en coupes d’Europe après leur bannissement post-Heysel? Le Man-U de Sir Alex en 1991 : en finale de C2, les Devils plient 2-1 un Barça de Cruijff hyper arrogant, déjà vainqueur avant d’avoir joué…
Sir Alex détruit les coachs adverses. Sa victime la plus saignée : Kevin Keegan, coach de Newcastle leader en 1995-96 mais qu’il a totalement déstabilisé à coups de vannes, de provocs et d’intimidations. Il suffisait juste d’achever King Kev le 4 mars 96 après la victoire à Newcastle 1-0 : le manager des Magpies en chialera en avril à la TV, en direct : « J’aurais aimé les battre ! J’aurais aimé ! » Sir Alex allumera aussi Wenger, Benítez, Mourinho. Ce qui n’empêche pas un certain fair-play. Il défendra souvent publiquement la caste et ses confrères : il soutiendra Mourinho et Wenger quand ils seront critiqués par leur club, par les supporters et les médias. Sir Alex se rendra au chevet de Gérard Houllier après son accident cardiaque…
Sir Alex comprend le français, il le parle un peu, il est très pote avec Guy Roux (transferts, pinard), il passe souvent ses vacances en France, fait la tournée des grands crus et possède une cave à faire pâlir le Crillon…
La légende d’Alex, c’est son chewing-gum, son hair drying treatment (engueulade tempétueuse en pleine face du joueur qui l’a déçu), ses descentes d’escaliers très speed à Old trafford pour aller gueuler après l’arbitre. C’est aussi son visage transfiguré, rajeuni de 20 ans à la seconde où MU bat le Bayern dans le temps additionnel (2-1) et gagne la Ligue des champions 1999, 11 ans après la première C1 68 de Matt Busby…
Sir Alex a inventé « MU » . Bien sûr, les deux initiales existaient avant mais c’est sous son règne que MU a été popularisé. La date ? Le 9 mai 1993, jour du sacre Wimbledon – MU (1-2). Man-United est champion « 25 ans après » . Une première pour Fergie. En 1993, c’était la toute première édition du nouveau championnat appelé Premier League. Un premier titre très commercial, très rentable d’un point de niveau marketing. 1993, c’est l’acte fondateur du foot business made in MU : le board du club capitalisera sur ce titre pour les dix années à venir. En 93, MU devient populaire dans le monde entier (Asie, etc) en gagnant son premier titre visible sur Sky Sports, opérateur qui décolle Mondialement également…
Alex est écossais mais n’a entraîné l’Écosse juste en 1985-86, à la succession de Jock Stein, mort sous ses yeux, sur le banc à Cardiff, lors d’un match éliminatoire du Mondial 86. Malgré les offres mirobolantes de la FA, Sir Alex a toujours refusé de coacher l’équipe d’Angleterre. Il avait dit pourquoi avec humour : « Si j’entraînais la sélection anglaise, je ferais tout pour qu’elle perde, surtout contre l’Écosse » …
Écosse, toujours : quand Alex pas encore Sir remporte le championnat écossais avec Aberdeen, il dame le pion au Celtic et aux Rangers qui raflaient le titre sans partage depuis 15 ans. Idem en 1983 : Aberdeen remporte la C2 contre le Real (2-1), faisant du club le troisième lauréat européen du pays… À Aberdeen, Alex fait triompher ses idées sur le foot mais c’est aussi sur la diététique qu’il fait la différence (no more beer, no more fish & chips). Avec lui, la discipline c’est sur et en dehors du terrain : il collera une amende à un de ses joueurs qui l’avait dépassé en roulant en ville…
Alex est grand parce qu’il n’a jamais désigné son successeur avant de prendre sa décision de partir… Alex est grand pour la punchline la plus percutante de l’histoire : « My greatest challenge was knocking Liverpool right off their fucking perch ! And you can print that. » Pas besoin de traduire, tout le monde connaît. Ce qu’on a oublié, c’est qu’il a prononcé ces mots au moment où Arsenal avait fini champion en 2002 devant MU. Évidemment, Man-United a dépassé Liverpool en 2010 avec 19 titres de champion (18 pour les Reds)…
Alex est grand parce qu’il a eu ses Fergies Babes, formés au club (Giggs, les frères Neville, Scholes, Beckham), comme les Babes de Busby…
Comme Busby, Ferguson a sa statue à Old Trafford… Alex est rancunier : pas de match de jubilé à Old Trafford pour ceux qu’il a dans le nez (Staam, Van Nisterooy, etc.)… Sir Alex a inventé « MU » . Il a aussi inventé l’expression « Super sub » , allusion à ses super remplaçants qu’il fait entrer au Fergie Time (autre invention) : Solsjkaer, Sheringham, Park, Berbatov…
Fergie est un grand chanceux : il gagne la C1 99 contre le Bayern alors que les Bavarois ont frappé deux fois les montants et ont dominé outrageusement. Idem à Moscou en 2008 : Terry rate son tir au but en glissant, alors que CR7 venait de manquer le sien…
Oui, Sir Alex avait failli tout arrêter une première fois. Le 27 février 2002, il avait fini par resigner à MU au cœur d’une saison délicate pour lui et pour le club. MU était 9e au classement au soir du 8 décembre 2001. L’attaque cardiaque de son ami Houllier quelques semaines plus tôt. Le déclin de la golden class 99 (Keane, Beckham, Scholes, Neville). Anobli, statufié, blindé de titres mais le soir frappait à sa porte : Sir Alex (61 piges) devait donc raccrocher comme prévu en juin 2002. Et puis MU alignera 8 victoires d’affilée et pointera même en tête. Fergie renversa sa tisane et rempila pour 3 ans. Le temps de repérer la nouvelle vague : Saha, Rooney, Cristiano Ronaldo… Sir Alex, c’est un flair rare : Van der Sar (qui marnait à Fulham), Cantona (chipé à Leeds), Roy Keane, Ferdinand, Vidić, CR7…
Le génie de Sir Alex, c’est son management de l’effectif sur la durée, avec toujours un ou deux coups d’avance. Un savant dosage de vieux qu’on garde le temps qu’il faut et les jeunes qu’on incorpore petit à petit. C’est donc aussi les joueurs virés sèchement, parfois brutalement, pour faire de la place aux jeunes : Gordon Strachan, Ince, Hugues, Kanchelskis, Staam, Beckham (le plus beau lancer de godasse de l’histoire, en 2003), Gaby Heinze…
C’est Sir Alex qui a tué Cantona en lui apprenant en 1997 que son contrat ne serait pas renouvelé. Canto a stoppé net. Mais il ne lui en a jamais voulu par la suite. Idem pour Van Nistelrooy, débarqué sans ménagement en 2006 : Ruud en a voulu à Sir Alex avant de reconnaître qu’il avait raison puisqu’il anticipait toujours l’avenir du club, « institution qui sera toujours plus grande que les joueurs » (Alex dixit)…
La formule sans concession de Sir Alex à l’usage de ses joueurs ? « It’s my way or the highway » : Tu fais comme je te dis sinon tu prends la route ! Imparable…
Sir Alex élève des chevaux de course. Il est l’heureux propriétaire de Rock of Gibraltar, un crack qui a gagné un paquet de courses…
Sir Alex a boycotté la BBC pendant 7 ans jusqu’en 201 à cause d’un documentaire TV qui faisait allusion aux affaires pas claires de son fils Jason, agent de joueur. Pendant 4 ans, MU a payé les amendes de Fergie qui envoyait un de ses assistants aux confs de presse obligatoires…
Avec 49 trophées comme entraîneur, Sir Alex est le coach le plus titré de l’histoire du football britannique.
Par Chérif Ghemmour