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Alex Vizorek : « Je commentais sous le nom de ma mère »

Propos recueillis par Ronan Boscher.
Alex Vizorek : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je commentais sous le nom de ma mère<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

L’humoriste Alex Vizorek avait donné rendez-vous avant les fêtes, près de chez lui, au Café de Flore. Un verre de Brouilly - rouge - accompagne sa soupe à l’oignon et l’heure passée à discuter de foot, son passé de journaliste sportif et d’abonné à Anderlecht. Avec du « goal » et de « l’assist » dedans. La Belgique, quoi.

Quand on est venu assister à ton spectacle, t’avais remarqué la présence de Bernard Menez au deuxième rang ?

Oui, oui. En plus, il intervenait, ce maladroit. Mais il n’a pas exagéré. Je le connais bien, Bernard. Je faisais équipe avec lui lors d’un tournoi de célébrités de pétanque en Belgique. Très marrant. Il est un peu perché, mais vraiment gentil.

Bernard ou Pierre Ménès ?

Allez, peut-être Bernard dans l’absolu, parce que j’aime bien les lunaires. Mais Pierre Ménès, je trouve qu’il est bien dans ce qu’il fait. J’aime bien que les journalistes puissent sacraliser une certaine émotion, opinion. Riolo par exemple, on peut détester ou aimer. Mais il a un point de vue, ça énerve les supporters, ça titille. En Belgique, on en a un ou deux, mais ça manque.

Après, c’est quand même casse-gueule de donner son avis technique sur une équipe, on n’a pas toutes les clés de compréhension…Mais ça fait partie du jeu. Regarde les critiques cinéma qui te disent qu’un film est mauvais. Dix ans après, le nombre de T dans Télérama change, c’est devenu un classique. Pareil quand tu juges un match de foot. Mais ok, il y a des données qu’on n’a pas. Et le vestiaire, dans le foot, c’est quand même un truc assez bien gardé. Les anciens joueurs belges m’ont pas vraiment dit grand-chose dessus.

T’en croises souvent, des anciens ?

Ouais, je faisais une chronique d’humour dans une émission de foot. Certains s’amusaient beaucoup, enfin les anciens. Philippe Albert : un homme charmant, marrant, une star à Newcastle, hein ! Albert, il mettait pas mal de goals quand même.

T’as déjà eu des soucis avec cette chronique d’humour sur le foot ?

Non, pas vraiment. Duchatelet(président du Standard de Liège)s’était plaint en interne. Il avait viré quelques francophones bien placés dans le club. On avait fait un sketch où on montrait une manifestation nationaliste flamande – avec les drapeaux, tout ça -, mais on avait mis en fond sonore les supporters du Standard. Ils n’ont pas beaucoup ri. Il y a eu le père de Logan Bailly aussi, un gardien de but qui en avait pris 5 un week-end. « Ouais, c’est pas bien de se moquer de mon fils » , qu’il disait au téléphone. On avait fait une vanne toute conne : « La différence entre Logan Bailly et un berger allemand ? Le chien rattrape la balle. » Voilà, aussi con que ça. Et le père, bon… Moi, je suis fan d’Anderlecht, et mon partenaire de l’époque, plus du Standard. On essayait de mettre des vannes à tout le monde. Le président de Mons nous avait appelés une fois pour nous dire qu’on parlait pas assez de son club. Alors, on a dit à l’antenne : « On a reçu une plainte de Mons. On va donc parler de Mons. Mons, ville créée en… » Et on a parlé de tout sauf du club de foot. On a fini par « bien sûr, l’équipe sportive qui représente le mieux Mons, les Toffines de volley-ball » . Elles étaient championnes de provinciale 8 ou un truc comme ça. Le milieu du foot est vraiment un milieu bizarre, qui n’a pas un grand grand humour.

Tu pourrais nous donner ton pedigree de footballeur ? Pelouse ou canapé

Un joueur de pelouse, à Lembeek. À l’époque, Michel De Groote y était venu faire sa fin de carrière. Quand il entrait dans le vestiaire, tout le monde s’écartait. C’était vraiment 4-5 chouettes années, dans un club flamand alors que je suis francophone (volonté de ma mère). Vers mes 11 ans, à l’entraînement, on a eu un « cours de trucs » . L’entraîneur nous expliquait comment amener du vice dans le jeu. « Vous voyez, sur corner, vous mettez votre chaussure sur l’attaquant aux trop grands lacets et il ne pourra jamais sauter » . Il nous faisait la même leçon avec les attaquants à grand short – « tout en regardant où était l’arbitre » . Et oui, c’est con, mais indispensable, ces trucs pour jouer au foot. Je jouais essentiellement avant droit, pas maladroit sur coups de pied arrêtés, mais aujourd’hui, je suis devenu un joueur de canapé. Je peux me mater un match de foot féminin sur la ZDF ou de moins de 17 l’été chez les jeunes. Le foot, c’est la vie. Exceptionnellement, je remets les chaussures, mais je fais gaffe. Je peux pas risquer la blessure et annuler 3 mois de dates. Pour les bonnes œuvres, j’ai par exemple déjà marqué un goal sur un assist de Kahlilou Fadiga. Ça, c’est la classe ! Quart-de-finaliste de la Coupe du monde, quand même ! Chaque fois que je le croise, je le trouve encore plus cool que la fois d’avant. Il a pleins de trucs à raconter, lui. Tous ses potes sont de la Goutte d’Or, à Paris, et il s’est marié avec une bourgeoise de Bruges. Quand il jouait à Auxerre, il faisait venir par autocar ses potes qui fumaient des « oinjs » au stade. Il a affrété deux autocars pour son mariage, un venant de la Goutte d’Or, un autre de la bourgeoisie de Bruxelles. Et ben ça a donné un mariage folklo. Il est devenu agent de certains joueurs aussi. Parfois, il bosse à la télé. En gros, il « fait noir où il se perd » . C’est quelqu’un qui se débrouille bien quoi, qui connaît bien les rouages. Mais bon, ces mecs-là ont eu des bons contrats. Normalement, s’ils sont pas idiots, leur après-carrière- c’est juste pour s’occuper. Parce qu’ils ont de l’argent- quand même.
Maintenant, je suis un Mauve de chez Mauve

En Angleterre, 3 joueurs sur 5 sont fauchés 5 ans après leur carrière. Pour mauvais placements, sites de cul, putes, paris, divorces coûteux…

Plus de 50% ? Au moins en France, maintenant, on leur a enlevé un truc : les putes. Bon, vous avez légalisé les paris. Je crois qu’Albert avait perdu un peu de thunes avec ça. Bodart, y a beaucoup de ça aussi. Danny Boffin aussi, il est fauché. C’est quand même pas rien, Danny Boffin, hein ! Le jeu, c’est vraiment pas malin. Je sais pas, moi, si t’as du temps libre, apprends le tricot, va draguer quoi, mais les paris… Après je dis ça, mais à 14 ans, on te cire déjà les pompes. Peut-être que j’aurais aussi pété un plomb à leur place.

T’as jamais caressé l’espoir de devenir joueur pro ?

Un jour, je descends avec l’équipe 2 parce qu’ils ont « besoin de renforts » . Comme j’étais l’élément au-dessus du lot, on me met libéro. Je fais le match de ma vie. Dans la voiture, je demande à mon père s’il y a « un Soulier d’or pour notre âge ? » (le Ballon d’or belge). « Écoute, t’enflamme pas » , qu’il me répond, « t’as juste joué contre des brelles aujourd’hui. T’as fait un bon match, ok, mais c’est pas avec un match que tu pourras y prétendre. » Après, oui, comme tout gosse, j’en ai rêvé un peu, mais je n’étais pas très talentueux. J’ai découvert le foot avec la Coupe du monde en 1990, en Italie. J’avais 9 ans. C’était mon premier album Panini. Ça reste un mythe cet album.

Il est mort récemment, M. Panini…

Le mec des vignettes hein, pas le mec des sandwiches hein ?… Bref. En fait, le foot je l’ai apprivoisé à la télé peu avant le Mondial. Un soir, j’avais fait le mec passionné par le match que mon père regardait. La seule excuse valable que j’avais trouvé pour voir un peu ma mère qui rentrait tard. C’était un Malines-Milan en Coupe des champions. Le grand Malines, Preud’homme au but, Clijsters derrière, Versavel. Et je me prends au jeu du foot, deviens fan de Malines. La Coupe du monde arrive. Là, je découvre tout. Et j’ai commencé le foot l’été suivant avec l’équipement de Malines.

T’es toujours fan de Malines ?

Non, pas vraiment. Quand j’ai eu 18 ans et le permis, je me suis abonné à Anderlecht. Il y a eu la transition où Malines est devenu un mauvais club et parce que je suis bruxellois, je me suis attaché à Anderlecht. Surtout Anderlecht avait acheté à ce moment 4 ou 5 Malinois : Emmers, Johnny Bosman, un peu mon idole avant la folie JPP, j’aurais adoré avoir la coupe au bol de Bosman, Albert et Versavel. Maintenant, je suis un Mauve de chez Mauve. D’ailleurs, j’aimerais bien que Prudhomme prenne Anderlecht. Il y a un truc à faire.

Ton meilleur souvenir d’abonné à Anderlecht c’est…

Un match contre Manchester United. Et pas parce qu’on chantait tous « Barthez est un enculé » . On avait pris 5-1 là-bas, donc autant te dire qu’on n’avait pas grand espoir. Et Manchester mène 1-0. On va compter les buts. Et puis Radzinski, considéré comme une belle truffe en Europe, sans doute à son max chez les Mauves, colle deux buts. Le match de sa vie. C’était la folie. On est restés au stade 3 heures après. T’as beaucoup de buvettes autour du stade, pas comme à Paris où c’est un peu triste.

Le plus mauvais souvenir de foot…

Le but de David Platt qui cloue la Belgique en 8es de finale au Mondial 90. On pensait déjà aux tireurs de pénos contre Peter Shilton. On avait Prudhomme dans les buts, donc plutôt confiant. Et là, je revois Vervoort qui fait une faute pas évidente. Gerets vient râler. Gascoigne tire le coup franc. Platt est dos au but, et en se retournant, frappe le ballon de volée. Michel Prudhomme saute. Ça dure, mais ça dure… Et but. J’avais 10 ans. J’étais dans un café avec mon père. Quel silence de mort ! On savait qu’on ne reviendrait pas. Ma première Coupe du monde. Attendre 4 ans, quand t’en as 10, ça te paraît hyper long.

Tu la sens comment, la sélection belge, aujourd’hui ?

L’enthousiasme est dingue. Vous, vous vous souvenez de cette incroyable élection avec aucun gouvernement au bout ? Le premier tour des élections aura lieu deux semaines avant le Mondial. Aujourd’hui, avec les Diables, on ressort les drapeaux belges. La sélection aura une influence, c’est sûr. On sera dans une euphorie genre « Tous derrière les Diables » . Ça nous éviterait les partis séparatistes au pouvoir, qui pourrissent un peu le paysage, comme le Front National ici. L’équipe est bien proportionnée entre Flamands et Wallons, en plus. Et ça fait plaisir de voir que tous ces footeux, alors qu’ils ne sont pas censés être les plus malins de Belgique (ce n’est pas ça leur taf), ils sont tous bilingues. Lukaku est francophone, mais parle quasiment mieux flamand qu’il ne parle français. De Bruyne parle hyper bien le français.

Ils le sentent, ce rôle à jouer à ce niveau-là, ou pas ?

Oui, je pense. Kompany par exemple, il a tweeté le soir d’une victoire contre la Croatie « la Belgique est à tout le monde, mais aujourd’hui elle est à nous » . Le dirigeant nationaliste flamand avait dit une semaine auparavant que la Belgique était à tout le monde, sous-entendu si on veut la couper, on la coupe. Kompany, il est intelligent dans sa com. Il va dans la plus grosse émission télé en flamand, l’équivalent en français aussi. Après, je dis pas qu’il n’y a pas 2-3 joueurs dans notre sélection qui ne dénoteraient pas avec votre équipe. Dans le genre je tire la gueule, je mets mon casque et venez pas m’emmerder, Witsel et Hazard sont pas d’une générosité évidente. Mais Hazard, visiblement, ça a l’air d’être un sacré bosseur. Et quel talent ! Même si je croyais plus en Dembélé…

Comment t’as commencé journaliste ?

Fac de journalisme et stages à Mons. En radio, j’ai commencé à Vivacité Sport, une sorte de France Bleu sport. C’était la dernière année de Jean Duriau, LE commentateur des Diables rouges. Il m’avait envoyé sur un match de basket, en Coupe de Belgique. J’y connaissais rien, une D1 contre une D2 et c’est Jean qui me lançait : « Alors, Alex Vizorek, qu’est-ce qu’il se passe à Colfontaine ? » J’étais hyper content. J’ai appelé Luigi Pieroni aussi, pour la 1re retraite de Guy Roux. Il me racontait comment il le grugeait aux péages. Les mecs dans les coffres des voitures… C’est vrai. Et puis on me propose un tiers-temps à Charleroi, avec une équipe de foot en D1, genre 7-8e, une pas mal en D2 et une grosse équipe de ping-pong, avec Jean-Michel Saive. S’il se foulait la cheville, fallait y aller. Finalement, ça m’a un peu emmerdé et je suis parti à Paris pour suivre des cours de théâtre pendant 3 ans. Je rentre à Bruxelles pour faire mon trou et je tente ma chance à un concours d’humoriste sur une radio concurrente de Vivacité. Je perds en finale, mais je dis que j’aime bien le foot. Et là, on me dit « ça tombe bien, si tu veux, on peut te faire de la place » . Rebelote. Pendant les fêtes, je fais les remplacements et je me retrouve à faire de la D1, du Anderlecht-Gand, Genk-Standard, des trucs géniaux… Enfin, pour moi.

Pourquoi t’as arrêté alors ?

Si j’avais été baby-sitter, ça aurait été plus rentable. Et ma carrière d’humoriste démarrait sur Vivacité. Pendant 2-3 mois, j’ai continué à commenter les matchs, mais sous un nom d’emprunt, celui de ma mère. On m’a dit logiquement de faire un choix. En même temps, je suis toujours le premier qu’on invite dans les émissions. Cet été, on a fait une spéciale pour Belgique-France, avec Vendroux et Askolovitch. Là, si je suis dispo, qu’on me dit d’aller commenter un match bulgare ou je sais pas quoi, je viens direct. Et je me renseignerai sur les équipes.
J’allais acheter mon kébab et j’écoutais la mauvaise foi de Pascal Praud

Tu crois que maintenant, il faut avoir un accent du Sud de la France pour percer dans le commentaire sportif ?

C’est marrant ça, c’est vrai en plus. Après, en radio maintenant, il faut être « gouailleur » . Beaucoup plus qu’avant. Je me souviens du Cours Florent où on me disait : « L’accent, ce n’est pas grave, pour peu qu’il ne soit pas de ta langue ! » Moi, on m’a souvent pris pour un Québécois, et ça m’a fait chier.

Tu le trouves comment aujourd’hui, le commentaire sportif ?

Le journaliste s’efface de plus en plus pour le consultant. J’aimais bien ce qu’incarnait Thierry Roland ou un Salviac par exemple. Ils étaient à égalité, avec le consultant. Maintenant t’as Lizarazu et Wenger sur TF1 pour un Christian JeanPierre que je trouve un peu perdu au milieu. Avec Roland, t’avais l’impression d’entendre ton père qui était assis à côté de toi sur le canapé. Et il le faisait bien en plus. L’envolée lyrique quand vous gagnez la Coupe du monde, c’est quand même mythique non ? Après, j’aime bien les palettes, tout ça, comprendre mieux le foot, mais pendant le match, il faut vraiment quelqu’un qui vive le truc. Un match de foot, c’est une bonne pièce de théâtre. En Belgique, on va aussi un peu vers ce sérieux. Je me souviens de Michael Youn qui avait commenté la NBA, il faisait le truc bien et ça donnait une autre couleur au commentaire.

Foot à la radio ou foot à la télé ?

Pour les talks et les multiplex, j’aime bien la radio. Je me souviens que j’ai commencé à suivre le foot via la radio quand je suis arrivé à Paris. Le lundi soir, j’allais acheter mon kébab et j’écoutais la mauvaise foi de Pascal Praud, Saccomano dans On refait le match. Fut un temps, il y avait même Tapie qui participait à l’émission. Et là, tu prenais des leçons. Gilles Verdez aussi, largement mieux que depuis qu’il est parti faire le guignolo chez Hanouna. Avec le foot, tu vas pas révolutionner le monde, hein. C’est pas de la politique. Je trouve ça marrant, quand ça gueule, même quand les supporters traitent les joueurs d’enculés… ou connards hein, je suis pas homophobe. Se moquer du kop d’en face, je trouve ça plutôt sain, mais c’est un long débat, ça. Les cris racistes, je suis beaucoup moins fan.
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Propos recueillis par Ronan Boscher.

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