- Un jour, un transfert
- Épisode 41
Alex Morgan à Lyon : Tweet machine
Cet été pendant le mercato, So Foot revient chaque jour de la semaine sur un transfert ayant marqué son époque à sa manière. Pour ce 41e épisode, retour sur la pige lyonnaise d'Alex Morgan. Bien qu'elle ne soit restée qu'un semestre, « Baby Horse » a laissé sa trace dans le Rhône. Une joueuse toujours souriante, qui a participé au triplé championnat - Coupe de France - Ligue des champions et boosté la visibilité de l'OL à l'international. L'aboutissement d'un travail au corps acharné de Jean-Michel Aulas vis-à-vis de la star et de sa communauté sur Twitter.
Alex Morgan n’avait rien d’une pionnière. Tara Flint, Jillian Nicks, Danielle Slaton, Christie Welsh, Aly Wagner, Hope Solo, Lorrie Fair et Megan Rapinoe étaient déjà passées avant elle en terre lyonnaise. Mais aucune n’a eu le même impact. Parce que la Californienne a débarqué avec l’étiquette de championne olympique et de championne du monde, mais surtout avec un statut d’icône dépassant largement le cadre du foot. Toutes les cases étaient cochées, et Jean-Michel Aulas a fini par avoir ce qu’il voulait. Même si la star l’a sacrément fait patienter.
Will.I.Am, Bocuse et Rio
Publiquement, le président rhodanien a commencé sa cour en mars 2016, d’une manière assez innovante, à coup d’appels de phares… sur Twitter. JMA a le tweet facile, alors il se mue en infatigable récupérateur. Will.I.Am vient inaugurer le Parc OL ? Aulas dégaine une photo de l’artiste et un petit message directement adressé à l’Américaine, en anglais dans le texte : « La meilleure équipe féminine d’Europe est l’Olympique Lyonnais. » Un tweet de Morgan sur les Jeux olympiques ? Réaction immédiate : « Et après Rio, direction l’Olympique Lyonnais, dans la meilleure équipe d’Europe… On attend… » Une photo avec le chef Jérôme Bocuse, qui bosse à Orlando, là où joue Morgan ? « Nouvelle collaboration avec Jérôme Bocuse de l’Orlando Epcot Center, on t’attend pour jouer avec l’OL. »
@OL @ussoccer @ussoccer @UWCL @alexmorgan13 @kohara19 the best women team in Europe is Olympique Lyonnais pic.twitter.com/xTghlwnKJs
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) March 4, 2016
À onze reprises, Aulas essaie d’amorcer une interaction en la taguant ou en répondant à ses tweets. Tout est prétexte à interpeller sa dulcinée. « Au début, je me suis dit : « Mais qui est ce fou ? » Et puis après j’ai trouvé ça drôle, on en a beaucoup ri », confiera Morgan lors de sa présentation. Ses tweets un poil lourdingues prêtent au sourire, voire à la moquerie, mais le « fou » n’est pas seulement là pour amuser la galerie. Et il avait déjà tenté d’enrôler l’attaquante auparavant en se rapprochant de son agent. « Alex Morgan dépendait de la fédération, il n’y a pas d’opportunité à cette époque-là, retraçait JMA au micro de RMC. Il y a eu ensuite un certain nombre de sollicitations par les réseaux sociaux. On a engagé une période de séduction vis-à-vis des fans (…), on a sensibilisé Alex sur l’identité de Lyon, ses performances. »
Et l’opportunité espérée finit par se présenter. « Alex est venue deux jours et demi à Lyon pour visiter les installations. Pour discuter avec le coach, les dirigeants. Je l’ai vue à deux reprises », poursuivait Aulas. Veni, vedi, vici : le 5 janvier 2017, Morgan revient, pour de bon. « Venir à l’OL est une opportunité incroyable. Comme Jean-Michel l’avait tweeté, c’est le meilleur club du monde et je voulais en faire partie », expliquera-t-elle.
Buteuse influenceuse
L’Américaine au numéro 13 s’engage pour six mois, histoire de ne pas rester trop longtemps à des milliers de kilomètres de son mari et de son chien. « Mon instinct me dit que je dois explorer de nouveaux territoires pour continuer à évoluer en tant que joueuse et en tant que personne, justifie-t-elle à Sports Illustrated. Arriver dans un environnement aussi compétitif est un vrai challenge et va me pousser à montrer le meilleur de moi-même chaque jour. Je veux prouver que je suis l’une des meilleures si ce n’est la meilleure joueuse du monde à mon poste, et c’est le meilleur moyen. »
Jean-Michel Aulas se frotte les mains en accueillant celle qu’il présente comme la David Beckham au féminin. « Alex a au total 10,8 millions de followers sur tous les réseaux sociaux, soit plus qu’Omar Sy qui en a 3,4 millions et est la personnalité préférée des Français, quand Lucas Moura en a un peu plus de 9 millions », souligne-t-il alors. Un sacré coup de projecteur pour le club et pour la capitale des Gaules. Sportivement, les débuts sont néanmoins plus mitigés. Pas aidée par une gastro-entérite carabinée qui lui fait perdre un kilo, ni par une cheville blessée, l’Américaine arrive à cours de jus.
« Sa saison aux Etats-Unis (avec Orlando) avait pris fin en novembre et elle a repris avec nous dès janvier. Elle n’a eu que très peu de temps de coupure », confiait Gérard Prêcheur, son coach de l’époque, à France Football. « Il lui fallait (aussi) s’adapter à des orientations de jeu différentes de celles de son club et de sa sélection. C’est une joueuse qui aime prendre les espaces. Moins jouer dans les petits espaces comme on le faisait. »
#OLRétro 13 mai 2017 : La #teamOL l’emportait 3 à 0 face au PSG avec des buts signés @ELS_9_FRANCE, @AdaStolsmo et @alexmorgan13 en 1ère mi-temps pic.twitter.com/jW9fXR4sYj
— OL Féminin (@OLfeminin) May 13, 2021
Malgré des stats honorables (12 buts en 16 matchs), l’Américaine ne parvient pas à donner la pleine mesure de son talent. Elle plante la plupart de ses pions contre des adversaires mineurs, voire amateurs. Doublé contre Albi. Triplé face à Rodez. Quadruplé contre Hénin-Beaumont. La numéro 13 relève le niveau en plantant un but au Paris Saint-Germain et deux à Soyaux. Attendue au tournant dans le sprint final, elle se blesse aux ischios et doit renoncer à la finale de la Coupe de France. De retour pour celle de la Ligue des champions, elle quitte la pelouse dès la 23e minute, victime d’une rechute. C’est donc impuissante, et avec un sentiment doux-amer, qu’elle assiste au sacre de ses copines au bout des tirs au but.
« Je me suis beaucoup amusée cette saison et j’ai joué avec des footballeuses fantastiques. Camille Abily, Dzsenifer Marozsan, Saki, Seger, Ada, Eugénie… Elles m’ont portée et m’ont forcée à me surpasser chaque jour », expliquera-t-elle malgré tout au moment de faire le bilan. L’OL a finalement eu ce qu’il souhaitait. Y compris la web série « Rendez-vous with Alex » , dont l’épisode le plus populaire a récolté plus d’un million de vues. Un moyen de découvrir la vie lyonnaise de la star et de la suivre en train de faire des crêpes pour la chandeleur, se péter le bide avec son père Mike à l’Institut Bocuse, préparer son smoothie protéiné ou réciter l’alphabet à sa prof de français. D’apprendre, aussi, qu’elle utilisait un grille-pain sonore aux couleurs de l’OL. L’effet « AHOU » au moment de libérer le pain, à défaut de l’effet wahou sur le terrain.
Par Quentin Ballue