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Alex Letellier : « Sur le moment, c’est la douche froide… »
Victime d'une rupture des ligaments croisés trois jours avant le début de la saison 2016-17, Alexandre Letellier a franchi, un par un, les paliers censés le ramener vers les terrains. Jusqu'à retrouver le groupe pro début février. Entretien avec le patient angevin.
Première chose, comment vont ton moral et ton genou ? Te voir du côté de la Baumette, le centre d’entraînement du SCO, est une bonne nouvelle j’imagine.Ouais, carrément. Le moral et le genou vont bien. J’ai repris l’entraînement, ça fait super plaisir. Quand je suis rentré à Angers, il me restait dix jours pour finir et peaufiner les derniers réglages physiques. J’ai vu le chirurgien mercredi (le 1er février dernier, ndlr), il m’a donné le feu vert pour reprendre l’entraînement et c’est ce que j’ai fait le lendemain. Maintenant, il faut que je retrouve mes sensations, mes repères et mon niveau. Je pense forcément à rejouer, mais on verra, chaque chose en son temps, il ne faut pas se précipiter.
Tu es arrivé à Angers en 2010. Pourquoi le SCO ?Arrivé à ma dernière année de contrat avec le PSG quand j’étais en CFA, j’ai compris qu’il n’allait pas me renouveler et que je n’allais pas passer professionnel. Mes agents ont commencé à contacter des clubs et c’est le SCO qui s’est manifesté le plus rapidement. Mon essai s’est bien passé et ils m’ont offert trois ans de contrat. J’ai sauté sur l’occasion parce qu’à la sortie d’un centre de formation, les contrats longue durée sont assez rares. Ça me laissait le temps de progresser et d’entrer dans le monde professionnel. En plus, le SCO était un club ambitieux qui voulait monter en Ligue 1. C’était la bonne opportunité pour moi.
La montée en Ligue 1 en 2015, c’est ton plus beau souvenir ?Ouais, franchement, c’est un truc énorme. Je le souhaite à tout joueur de Ligue 2. Ça faisait un moment que le club avait cette ambition-là. C’était la concrétisation de tout un travail. On a vraiment pu communier avec les supporters. J’ai encore des images en tête comme l’envahissement du terrain à la fin du match contre Nîmes. Il y avait peut-être 20 000 personnes devant la mairie quand on est monté. C’était un moment extraordinaire.
Et vous êtes surtout l’équipe surprise de la première partie de la saison 2015-2016, troisième avec 31 points à la trêve…Nous, en fait, on jouait tous les matchs à fond, sans se poser de question parce qu’on découvrait la Ligue 1. Peut-être qu’on a surpris les autres équipes ? Elles ne s’attendaient pas à notre style de jeu. Ça ne plaisait pas à tout le monde, mais on a réussi à prendre beaucoup de points d’entrée et à faire des résultats surprises. Quand on vit le truc de l’intérieur, c’est énorme parce que ce sont beaucoup d’images de joie. C’est sûr que de se retrouver là… on savourait.
Pour la deuxième partie de la saison, dans les têtes, on pense toujours à assurer le maintien ou on se dit qu’on peut obtenir autre chose, comme une place européenne ?Dans les têtes, ça n’a rien changé parce que notre objectif était toujours le même. C’était le maintien et on n’allait pas se voir plus beau qu’on l’était. Une fois le maintien acquis, il restait des matchs et on voulait seulement les prendre les uns après les autres. Ce sont des phrases bateaux, mais c’est la réalité. Après, si à la fin de la saison, on avait accroché une place européenne, forcément on n’aurait pas craché dessus et on aurait été très heureux.
T’es passé numéro 1 du SCO pour cette deuxième partie de saison lors du départ de Ludovic Butelle au FC Bruges…C’était juste avant la trêve, avant le match de Saint-Étienne qui était le dernier avant les vacances. J’ai eu une discussion avec le coach et le manager général. Ils m’ont dit que Ludo allait peut-être partir, les négociations étaient bien avancées et j’allais prendre la relève derrière. J’ai pu me préparer mentalement. C’est quelque chose que tout gardien attend, de pouvoir jouer en Ligue 1 en tant que titulaire et surtout avoir la confiance du club comme ça, donc ça fait super plaisir.
Il y a eu un match particulier pour toi : c’est ton retour au Parc des Princes avec Angers l’année dernière. Et tu es allé chercher le ballon cinq fois dans tes buts…Je pense qu’ils étaient un peu frustrés du match aller où il y a eu 0-0 chez nous… En plus, quand on est allé chez eux, c’était une période où ils étaient en plein caramel et ils préparaient les matchs de Ligue des champions… Ils ne laissaient rien à personne et ça ne pardonnait pas (rires). Sur un plan personnel, c’est vrai que c’était très particulier pour moi parce que c’était mon retour à la maison, entre guillemets. J’ai été formé là-bas et c’est mon club de cœur. Je me rappelle très bien, quand j’ai quitté le PSG, je me suis toujours dit que je retournerais au Parc et c’est à ça que je pensais quand je suis entré à l’échauffement. Après, je ne pensais pas en prendre cinq quand même… (rires) Mais ça fait partie du foot. C’était assez énorme comme moment.
La saison suivante, tu t’apprêtes à jouer ta première saison complète en Ligue 1 en tant que numéro 1. Mais tu te blesses à l’entraînement trois jours avant le début du championnat et le match face à Montpellier, sur une sortie aérienne…Ouais c’est ça. En fait, on faisait des petits jeux en terrain réduit. Après même pas trois minutes, je fais un petit saut d’allègement. Franchement, si je saute à dix centimètres du sol, c’est le grand maximum. Je prends un appui sur ma jambe droite, un bon appui, et au moment où je veux changer de direction, j’ai le genou qui part complètement vers l’intérieur et j’entends tout lâcher. Sur le moment, c’est la douche froide, on sait qu’il nous arrive quelque chose de grave, mais on ne sait pas encore quoi. Ensuite, il y a le médecin qui fait les tests classiques pour savoir ce qu’il se passe avant la confirmation à l’IRM. C’est le moment où l’on sait qu’une bonne partie de la saison va être handicapée. Avant, le maximum que j’avais fait, c’était trois semaines pour une entorse. C’est ma première grosse blessure, mais ça fait partie des expériences d’un footballeur et il faut en tirer du positif.
Très vite, il y a eu énormément de messages de soutien de la part du club et de ta famille, forcément. Mais aussi des supporters. Ils ont même créé un blog. Ça t’a touché ?Ça m’a énormément touché parce que c’est vrai que je ne m’y attendais pas. Les gens se sont mobilisés très vite et quand on voit le soutien que j’ai pu avoir avec ce blog, les supporters, le club, ma famille, ma femme, mes amis… bah ça donne de la force. On se dit que l’on n’est pas tout seul et on relativise. Ça nous aide à accepter la blessure beaucoup plus vite, à se projeter sur un retour, bien travailler pour passer les étapes et revenir sur le terrain en pleine forme.
T’as choisi le docteur Sonnery-Cottet à Lyon, qui avait notamment opéré Nabil Fekir avant toi…Dès que j’ai eu ma blessure, plusieurs joueurs m’ont parlé de lui, car il a une très bonne réputation et c’est quelqu’un de très médiatisé. Je me suis renseigné un peu de mon côté. J’ai vu que c’était un chirurgien qui opérait je ne sais pas combien de ligaments par an. Quand on voit que des joueurs internationaux vont se faire opérer par lui, on se dit que c’est un bon chirurgien. Après, j’ai tout de suite eu la confirmation de plusieurs personnes du milieu médical. Ils m’ont dit de foncer avec lui, car j’étais entre de bonnes mains. Aujourd’hui, mon genou répond très bien, donc il a fait du super bon travail.
Tu as repris l’entraînement, mais entre le jour de ta blessure et aujourd’hui, il se passe quoi ? Comment s’est passée la rééducation ?Avant l’opération, il y a une petite phase d’attente. Pour moi, elle a duré douze jours. C’est un peu une attente interminable, car on a juste envie d’être opéré pour enchaîner avec la suite. Mais c’est à partir de l’opération que tout commence. Je me suis fait opérer le 22 août. Ensuite, j’ai passé trois semaines à la maison à ne pas faire grand-chose, histoire que le genou dégonfle un peu, car ça reste une opération un peu lourde. Derrière, je suis allé à Clairefontaine en post-op. Je suis revenu sur Angers pour continuer à travailler avec les kinés et les médecins du club. Avec Billy (Ketkeophomphone, ndlr), on est allés au Qatar aussi, à Doha, au centre Aspetar. Je suis rentré sur Angers et j’ai fini ma rééducation à Clairefontaine en réathlétisation. C’était super fatiguant, mais, aujourd’hui, je suis très content, car tout s’est bien passé.
Justement, à propos de Billy Ketkeophomphone, ça t’a fait quoi quand tu as appris sa blessure au mois de septembre dernier (rupture du ligament croisé du genou droit, ndlr) ? Le jour où ça lui est arrivé, j’étais devant ma télé et, mine de rien, ça fait mal parce que du coup, on se revoit. La première chose que je me suis dite, c’est : « S’il a besoin, je suis là. » Dès que je l’ai vu sortir du terrain, je lui ai envoyé un message pour le soutenir, car ce sont des moments très difficiles, et se soutenir, c’est important. Après la confirmation de son ligament, je lui ai dit que moi, je m’étais fait opérer par le docteur Sonnery-Cottet, que ça s’était très bien passé et que je lui conseillais d’y aller aussi. Je ne sais pas si j’ai eu un impact dans ses choix, mais, à mon tour, j’ai voulu donner deux ou trois conseils.
C’était plus facile de se retrouver à deux ?Moralement, c’est clair que de travailler ensemble, ça nous a aidés. Dans une blessure aussi longue, il y a toujours des hauts et des bas, donc quand il y en a un qui ne va pas bien, l’autre est là pour lui remonter le moral. On a bien bossé. Sa reprise devrait arriver dans pas longtemps aussi, donc je suis très content pour lui.
Vous êtes allés voir le SCO ensemble ?Oui. Dès qu’on était sur Angers, on allait au stade pour les voir. Ça nous manquait cruellement et aller les voir au stade, c’est toujours bien. Même si on est dans la tribune pendant le match, on est avec eux dans les vestiaires avant et après. C’est toujours important de rester au contact du groupe.
C’est dur parce qu’on voit ses potes qui sont sur le terrain à prendre du plaisir, nous on est en salle de muscu à faire des exercices et on a qu’une envie, c’est de les rejoindre. Mais il ne faut pas brûler les étapes et on sait très bien qu’il faut passer par là…
Et du coup, jusqu’ici, t’en penses quoi du championnat de tes coéquipiers ?Je pense que le club n’est pas à sa place (14e avec deux points d’avance sur la zone de relégation). Ils ont fait des bons matchs où ils n’ont pas forcément été récompensés, que ce soit par un manque de réussite ou des faits de jeu. J’ai un truc en tête : par exemple, ce sont les trois premiers matchs du championnat qui se terminent par trois défaites. En matière de statistiques, on était quand même l’équipe en Europe qui avait frappé le plus au but. C’était incroyable de ne pas prendre de point en faisant des matchs comme ça. Ensuite, on a enchaîné pas mal de bons résultats avant d’avoir un coup de mou. Ça fait partie d’une saison. C’est important de bien démarrer une deuxième partie de saison, surtout dans l’objectif du maintien.
Pour conclure, quel est le gardien qui t’a donné envie de jouer au foot ?Quand j’étais jeune, je regardais beaucoup Lionel Letizi, Iker Casillas et Edwin van der Sar. C’étaient mes trois gardiens, les trois de l’époque qui cassaient la baraque. La plupart des gens s’en inspiraient.
Et aujourd’hui ?Encore une fois, comme beaucoup, ça va être Manuel Neuer. Il représente le gardien moderne d’aujourd’hui. Il n’y en a pas un au-dessus. Je regarde aussi Gianluigi Buffon, ce qu’il fait dans la longévité est exceptionnel. Sinon, dans le championnat français, j’aime beaucoup Benoît Costil.
Et quel est le joueur que tu as affronté qui t’a le plus impressionné ?Bah ça va être Di María (rires). Avec les buts qu’il m’a mis… C’est vrai qu’il avait été très bon contre nous. Thiago Silva aussi, dans sa sérénité, c’était incroyable.
Propos recueillis par Yoann Gautier