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Alex Dupont, il était un Sir

Par Maxime Brigand
Alex Dupont, il était un Sir

Vainqueur de la Coupe de la Ligue avec Gueugnon en 2000, héros à Brest, roi à Dunkerque, légende à Sedan, qu'il avait qualifié un jour pour la Coupe de l'UEFA, Alex Dupont est mort dans la nuit de vendredi à samedi à l'âge de 66 ans d'une crise cardiaque. C'est un mythe qui disparaît.

Il y a quelques semaines à peine, Alex Dupont touchait du bois, mais assurait : «  Je fais gaffe. » La France vivait alors les premiers jours de son déconfinement et la légende jouait la sécurité, dans sa maison de La Turbie. Cette année, pas de Sénégal, où Dupont avait un autre pied-à-terre, à Saly, et où il devait à la base tuer une partie de sa retraite en compagnie de son ami d’enfance, Bruno Metsu. «  Malheureusement, il nous a quittés, ce con-là » , soufflait Sir Alex à So Foot fin mai, à l’heure de revenir sur les vingt ans de sa victoire en Coupe de la Ligue avec Gueugnon. Sacré destin. Ce con d’Alex Dupont a décidé de nous quitter à son tour, samedi matin, au lendemain de la dernière finale de Coupe de la Ligue de l’histoire et est décédé chez lui, d’une crise cardiaque, face à la mer. Peut-être pas de meilleur endroit pour un type qui aimait se décrire en enfant de Jean Bart, qui adorait «  être sur la flotte » bien qu’il aura passé la majorité de sa vie au nord de la Loire. «  En effet, ce n’était pas toujours le soleil » , se marrait encore Dupont, au printemps, avant d’évoquer sa nouvelle vie : «  Pour ma retraite, je me suis dit que ça ne serait peut-être pas con de tenir compte du climat. Du coup, je me suis installé à La Turbie, où je vois de temps en temps Didier Deschamps au padel. Je reste profondément attaché au foot, je ne croyais pas trop à la retraite, sauf en y étant contraint. J’avais l’occasion de continuer mais pour cela, il m’aurait fallu un projet qui me tienne à cœur : une Ligue 1 ou une équipe africaine, hélas ça ne s’est pas présenté. » Néanmoins, Alex Dupont n’avait pas totalement plaqué le foot et avait filé un coup de main pour le Mondial 2018 à Hervé Renard en allant superviser les adversaires du Maroc (l’Espagne, le Portugal et l’Iran). «  Ça m’a fait voyager, j’ai vu des matchs de très haut niveau et j’ai pu aller en Russie superviser les adversaires une dernière fois. Ça, c’était sympa. Je suis dans l’âge de la transmission aujourd’hui, je donne un coup de main à l’académie à trois kilomètres de chez moi, au Sénégal. Maintenant, même si le foot reste mon oxygène, j’ai une autre existence. Il existe une autre vie que le football… » La sienne s’est finalement arrêtée brutalement, à 66 ans.

Pêche au bar, canons et Harley

Dans le foot, Alex Dupont était un roi, un « Sir », clin d’oeil à Alex Ferguson, qui a déjà réussi le plus grand exploit du milieu : durer. Honnête joueur de deuxième division, Dupont a coaché pendant trente-deux piges, en assumant toujours « aimer le haut niveau » mais aussi « les stades où ça sent la bière et les frites » . Alex Dupont, c’était le charme, la tronche, un mec dont on aime écoute les histoires mais aussi – et surtout – des idées entre un amour du football offensif sur le terrain et de la joie sereine en dehors. Peut-être avant tout parce que ce qu’aimait par dessus Dupont, c’était la vie et les hommes. Les femmes, aussi, notamment la sienne, Ghislaine, une jolie blonde, à propos de qui il s’était un jour confié à Miossec dans les colonnes de So Foot : « Je suis un fan de Harley-Davidson. Avec ma femme, on va se balader au fin fond de la Bretagne. Je te dis pas qu’on fait la route 66. Nous, c’est la 69. On est plus branchés cul. Mais il n’y a pas que le cul dans la vie. Il y a aussi le sexe. » À cette époque, Alex Dupont était coach du Stade Brestois, club qu’il a d’abord sauvé de la relégation en National avant d’être nommé meilleur entraîneur de Ligue 2 et d’emmener le président Michel Guyot et sa bande dans l’élite. Résultat : dans le Finistère, Dupont est une légende et le restera.

Ce qu’il disait du coin : « Brest, c’est un état dans l’État. Tu pars d’ici, trois heures après, t’es encore en Bretagne. » Ou encore : « L’autre jour j’ai été en bateau pêcher le bar. C’est à la fin de la journée que j’ai appris que le mec avec qui j’étais avait une boîte de 1 300 personnes (…) Ici, c’est pas bling-bling, il n’y a pas de frime. Je sais que j’ai déjà des amis. Des vrais amis, des gens que je reverrai jusqu’à la fin de ma vie. Ça n’a rien à voir avec le sud. J’ai une maison à La Turbie. Là-bas c’est superficiel, les mecs mettent tout leur pognon dans leurs fringues et les bagnoles. » En Bretagne, Alex Dupont a aussi été s’offrir quelques éditions des Vieilles Charrues, un endroit « sympa » où il « buvait des canons avec les gens. » .

Au cours de sa vie, il a surtout tout vécu : une Coupe de la Ligue avec Gueugnon dont il gardait la médaille dans ses toilettes, une qualification pour la Coupe de l’UEFA avec Sedan, un sauvetage à Laval, un passage au Qatar et aux Émirats arabes unis. Pas un grand souvenir selon ce qu’il en avait dit à Libération il y a quelques années : « La journée passe et le lendemain, on ne se souvient pas de ce qu’on a fait la veille. Le prince du Qatar me faisait parfois venir en avion privé de Doha un après-midi pour discuter foot dans sa suite du George V à Paris. » Ces aventures lui auront permis d’assurer l’avenir de ses gosses et de se faire plaisir ensuite, sans jamais mettre de côté son côté épicurien, lui qui avait ramené de ses années gueugnonnaises une passion pour le bourgogne (son apéritif préféré était le meursault en blanc). Il a aussi toujours su s’adapter aux différentes cultures. La preuve en arrivant à Brest : « Pour les toros, au début, j’ai mis les Noirs d’un côté, les Blancs de l’autre et j’ai dit aux Arabes de choisir ! Les mecs m’ont pris pour un cinglé ! » Mais ils l’ont adoré. Qui pouvait détester Alex Dupont ?

« J’ai aimé 90% de mes joueurs »

Bonne question, mais Dupont ne faisait pas de cadeau. Lui estime a un jour estimé avoir aimé « 90% » de ses joueurs. Toujours à So Foot : « Quand on un joueur ne réussit pas une prestation, oui, ça me chiffonne. Mais tu en croises certains avec qui tu es plus souvent qu’avec ta femme et tes enfants. Quand on se quitte, parfois, tu ne les rencontres plus. Plus jamais. Tu dois gommer toutes les affinités. C’est dommage mais ça ne peut être autrement. » En conservant la distance hiérarchique, Alex Dupont avait surtout des principes et pouvait poser des limites à ses joueurs, comme à Dunkerque, où il interdisait aux joueurs d’aller au carnaval de la ville. Un jour, Nicolas Sachy y est pourtant allé et, déguisé, a même parlé à son coach. « Cet enfoiré m’a bien eu, se marrera des années plus tard Dupont. Le carnaval, ce n’était pas trop compatible avec la compétition. Si on sait s’arrêter au chahut, c’est un bon décrassage. Mais si c’est des nuits complètes… Pour l’entraîneur en revanche c’était autorisé pour la simple et bonne raison que je fais partie d’une société philanthropique dont mon père était un des fondateurs (les Corsaires Dunkerquois, ndlr). Ils organisent le plus beau bal du carnaval dunkerquois, 10 000 personnes et ça dure toute une nuit. » Du Dupont absolu, qui regrettait de ne plus pouvoir inviter un joueur qui venait de rater un match chez lui pour discuter et qui aimait raconter son arrivée dans la précipitation à Brest, alors qu’il était à Innsbruck pour les qualifications à l’Euro de l’équipe de France Police. « Le président Guyot m’a demandé si j’étais ok pour le challenge. On a fait le match de l’équipe de France. Heureusement qu’on a gagné en prolongations. Car s’il y avait les pénaltys, je ne pouvais rester. Je devais prendre l’avion Innsbruck-Vienne, Vienne-Paris, Paris-Brest. C’était un peu short. On a marqué juste avant la 119e minute. On s’est qualifiés et je suis arrivé à Brest. » Suite connue : Alex Dupont était déjà un grand et restera un grand. Pour l’éternité.

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