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Alessio Zerbin, la belle histoire qui cache un vrai problème
Éjectée du prochain Mondial par la Macédoine du Nord, l'Italie entame sa reconstruction pour s'assurer de participer à la fête en 2026. Parmi les nouvelles têtes de la Nazionale, Alessio Zerbin incarne plus que quiconque les difficultés du football transalpin. Celui qui n'a pas encore connu la première division, en Italie ou ailleurs, symbolise le manque de profondeur qui frappe de plein fouet l'équipe de Mancini au moment d'entamer un nouveau cycle.
Grimper de la Serie B à l’élite du football mondial, sans même faire un passage par la case Serie A : c’est ce qu’a fait Alessio Zerbin mardi dernier lorsqu’il a endossé pour la première fois la tunique italienne face à la Hongrie. Une ascension fulgurante pour le jeune attaquant de 23 ans, passé par le monde amateur et qui enchaîne les prêts en Serie B et C depuis son arrivée à Naples en 2017. Un véritable conte de fées qui n’est pas sans rappeler celui de Jonathan Clauss récemment appelé par Didier Deschamps en Bleu. Problème pour la Nazionale : si le latéral lensois se voit récompenser de sa belle saison sous le maillot sang et or, le joueur prêté cette saison à Frosinone bénéficie lui surtout d’un réservoir offensif qui frise la panne sèche ces derniers temps de l’autre côté des Alpes.
Zerbin dans le pied
Au terme d’une saison à nouveau rythmée par un calendrier démentiel, qui impose à la Nazionale de jouer cinq rencontres supplémentaires lors de cette dernière trêve internationale, certains pourraient arguer que la sélection de Zerbin permet à une poignée de ses collègues de profiter d’un peu de repos. Roberto Mancini a certes convoqué un groupe élargi afin de préparer au mieux la Finalissima (perdue 3-0 face à l’Argentine) et les quatre rencontres de Ligue des nations qui suivent (nul 1-1 face à l’Allemagne et succès 2-1 face à la Hongrie avant de se rendre en Angleterre ce samedi et en Allemagne mardi). La vérité est pourtant tout autre. « Historiquement, c’est vrai qu’en Italie, on est assez habitués à voir des joueurs qui jouent en Serie B ou dans des petits clubs de Serie A être appelés en sélection, raconte Ricardo Faty qui évolue lui aussi en Serie B avec la Reggina. Ce n’est pas historique, mais c’est assez étonnant de voir un joueur comme Zerbin qui n’évolue même pas dans une des équipes les plus fortes de Serie B. »
Finalement légèrement réduite après la rencontre face à l’Argentine, cette liste ne souffre pourtant que de peu d’absences. Sur le secteur offensif, seuls Ciro Immobile, qui n’a jamais su véritablement prendre le lead de cette équipe, Lorenzo Insigne et Federico Bernardeschi manquent à l’appel, et c’est là justement que le bât blesse. « Dans le football, pour gagner, il faut marquer. Il faut trouver des attaquants qui, malheureusement, n’existent pas en Italie, confiait d’ailleurs Roberto Mancini, un brin fataliste avant d’aller défier l’Allemagne samedi dernier. L’espoir, c’est que ceux qui jouent en Serie B puissent rapidement jouer et marquer en Serie A. » Un constat partagé par l’international sénégalais : « Les Italiens sont en manque de fuoriclasse, de joueurs de haut niveau. Ils cherchent la nouvelle pépite, ils essayent de promouvoir Gnonto(Wilfried, formé à l’Inter, il évolue désormais au FC Zurich, NDLR)ou Zerbin. C’est la preuve qu’il y a un manque de leaders offensifs. »
La Serie A, cette mauvaise Serie B
Derrière les habituels titulaires aux avant-postes, la relève tarde à pointer le bout de son nez. Et pour cause, les jeunes joueurs italiens sont contraints de passer par un « véritable parcours du combattant » pour accéder à la Serie A selon Faty. « Pour sortir du lot, ils doivent faire leurs preuves en Serie B ou Serie C, pas forcément dans des clubs bien organisés ou structurés. C’est ancré dans leur culture. Pour eux, être prêtés en Serie B et C, c’est normal », ajoute celui qui est passé par la Roma entre 2006 et 2010. Certains peinent d’ailleurs à voir le bout de ce parcours et finissent par stagner, régresser, voire même jeter l’éponge, lessivés mentalement. « Ce qu’il s’est passé contre la Macédoine arrive depuis dix ans à nos clubs. Personne n’a gagné en Europe depuis l’Inter de Mourinho. L’Euro a été une exception. On continue d’acheter des joueurs étrangers, même dans nos équipes de jeunes, révélait Arrigo Sacchi dans les colonnes de la Gazzetta dello Sport. Les secteurs de jeunes sont plein de joueurs étrangers, achetés comme des stocks de fruits et légumes. Les clubs sont endettés et ne gagnent plus rien en Europe, et personne ne dit rien ? Le foot italien est culturellement arriéré, il n’y a pas de nouvelles idées. »
Ainsi, en regardant les sept plus grosses écuries italiennes, les deux Milan, les deux équipes de Rome, la Juventus, Naples et l’Atalanta, le constat est sans appel. Les sept cadors ne comptent pas plus de quatre joueurs italiens parmi leur onze des joueurs les plus utilisés cette saison (quatre à la Roma et à la Lazio, trois à la Juve, deux au Napoli, à l’Inter et Milan et un seul à l’Atalanta). L’arrivée massive de joueurs étrangers de plus en plus jeunes compliquent encore un peu plus la formation des jeunes italiens. « C’est ça aussi le problème de la formation italienne, les clubs ont une vraie envie de trading et de faire du bénéfice sur les jeunes. Ils vont chercher des étrangers qui n’ont pas cette problématique régionale et ça laisse encore moins de place aux jeunes italiens », prolonge Faty. Viscéralement attachés à leur région d’origine, les postulants à la Nazionale tardent parfois à quitter leur cocon pour franchir un cap et vivent parfois assez mal certains prêts. Alors si Alessio Zerbin pourrait bien incarner un jour le présent de la Squadra Azzurra, il n’en demeure pas moins évident que l’Italie devra avant tout revoir certains points de sa formation. Ne serait-ce que pour permettre à des joueurs comme l’attaquant du Napoli d’avoir leurs chances en Serie A, et ce, bien avant d’espérer permettre à la Nazionale de ne pas manquer un troisième Mondial consécutif.
Par Florian Porta
Propos de Ricardo Faty recueillis par FP.