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Alessandra Bianchi, il était une voix

Par Andrea Chazy

Figure de référence du Calcio en France, légendaire chroniqueuse de L'Équipe du dimanche, fan absolue de Francesco Totti et de la Roma, Alessandra Bianchi s’est éteinte ce mardi à l’âge de 59 ans. Sa voix rauque et si singulière résonnera en nous à jamais.

Alessandra Bianchi, il était une voix

Lorsqu’une figure familière s’en va sans dire mot, il ne reste plus aux autres que le profond silence qu’elle laisse derrière elle. C’est ainsi qu’Alessandra Bianchi, 59 ans, s’en est allée. Avec elle, c’est une part du Calcio en France qui s’est éteinte. Celle qui appartenait aux nostalgiques. À celles et ceux qui attendaient le dimanche soir, affalés au fond de leur canapé, ce moment où sa voix rauque s’en allait chanter les louanges de la Roma de Francesco Totti sur le plateau de L’Équipe du dimanche. « Chaque semaine, elle voulait en placer une sur la Roma, se rappelle avec émotion Darren Tulett. Même si la Roma avait fait 0-0 contre Empoli, elle voulait au moins montrer une image, une passe ou un contrôle de Totti. Avec le recul, on aurait dû en faire une chronique. » Un regret éternel, car Alessandra n’est plus là.

« Ale, c’était plus qu’une voix »

Pour son pendant anglais de L’EDD comme pour les autres, la nouvelle de sa disparition fut un choc. Chacun avait sa propre relation avec Alessandra Bianchi : pour certains, elle était une amie. Pour d’autres, une collègue. Pour la majorité silencieuse, c’était la voix de la Serie A au cœur des années 2000 quand le championnat italien luttait encore pour conserver sa suprématie. Alors évidemment, pour Alessandra, tout a commencé en Italie, à Rome. Cette tifosa romanista, qui fréquentait la Curva Sud, a fait son trou en 1999 au Corriere dello Sport. Mais une partie de sa tête était déjà en France, à Paris, qu’elle rallie en 2004 pour y mener une longue et riche carrière. L’Équipe, Le Parisien, RMC et surtout Canal + via L’Équipe du dimanche à partir de 2005 : tous ont à un moment pu compter sur Alessandra Bianchi dans leurs rangs comme véritable ambassadrice du football italien.

C’est sur la chaîne cryptée que Bianchi s’est élevée en véritable porte-étendard du foot italien. En 2005, après Giampietro Agus puis Lorenzo Fanfani, reparti à Milan, Hervé Mathoux est à la recherche d’une figure pour incarner le football transalpin. Il jettera son dévolu sur une femme brune à l’apparence mystérieuse qui restera cinq ans et qui a totalement trouvé sa place. « Alessandra bossait pour la presse écrite en France, et je ne vais pas être très original en disant que parmi les premiers souvenirs qui frappent comme ça, c’était sa voix, pose Mathoux. Une voix qui a marqué des générations de personnes, qui était un peu sa signature. » Isabelle Moreau, qui l’a côtoyée à son début de carrière avant de coprésenter le Canal Football Club avec Hervé Mathoux, se rappelle quant à elle tout simplement d’un OVNI dans le paysage audiovisuel footballistique français : « Elle était d’une extrême féminité dans un univers encore plus masculin qu’aujourd’hui. Sa voix très singulière, atypique, lui donnait un charme fou. Le fait qu’elle soit extrêmement féminine, c’était un bon repère pour moi qui commençais : certes, elle évoluait dans un univers d’hommes, mais elle était là avec sa passion, ses compétences, mais aussi ses talons hauts, ses tenues colorées. »

Alessandra Bianchi était comme ça, et se renier n’était pas une option pour elle. Pour quoi faire, d’ailleurs ? « Cela me fait penser aux plans des réalisateurs de l’émission qui s’attardaient sur ma veste du jour ou ma coupe de cheveux, Alessandra, c’était plutôt et souvent sur ses jambes, glisse son alter ego british de l’époque Darren Tulett. Aujourd’hui, quand tu y penses, c’est hyper misogyne de commencer à filmer une nana qui parle de foot par ses jambes. Mais Alessandra, elle n’était pas du tout gênée par ça, car c’était aussi sa façon d’être. Si on parle franchement, elle avait de belles jambes et elle le savait ! (Rires.) » Un physique, certes, mais pas seulement, contrairement à ce qui se faisait à l’époque en Italie. « Alessandra, c’était un paradoxe vivant : quelqu’un qui était l’incarnation de la femme italienne, très féminine, sophistiquée, qui ne se serait jamais présentée sans ses ongles vernis, poursuit Hervé Mathoux. Mais à côté de ça, elle avait cette revendication et cette affirmation du statut de journaliste, de quelqu’un qui n’avait rien à voir avec les stéréotypes de femmes que l’on voyait beaucoup à la télé italienne à l’époque et encore aujourd’hui, notamment sur les chaînes de Berlusconi. Il y avait une volonté de dire : “Je ne suis pas du tout ce type de nana, je suis avant tout une journaliste sérieuse, qui amène du contenu journalistique sous des traits de stéréotype de la femme italienne.” » Et c’était le cas.

Pour preuve : d’Isabelle à Darren, toutes et tous se rappellent avant tout d’une journaliste compétente qui a fait bouger les lignes. Nathalie Iannetta n’y fait évidemment pas exception. Animatrice de l’émission entre 2008 et 2010, elle considérait Alessandra Bianchi – « Ale » comme elle l’appelle encore – comme une amie. Sa « copine du dimanche » avec laquelle elle ne comptait plus les rires et les clopes fumées avant et après chaque tournage. « Ale est arrivée en France sans complexe. Son amour pour le foot n’avait pas suscité autant de débats en Italie. Ni son style, ni sa voix, explique l’actuelle directrice des sports de Radio France. Elle a relevé un défi dément grâce à L’Équipe du dimanche en contrant tous les préjugés, et Dieu sait qu’il y en a encore. Elle a su imposer une manière de parler foot en France avec beaucoup de force et de conviction. Ale, c’était plus qu’une voix. C’était une grande pro et une personnalité d’une grande profondeur… Avec aussi, il faut le dire, une mauvaise foi hors du commun lorsqu’il s’agissait de défendre la Roma. »

« Totti savait très bien qui elle était »

La plus belle preuve de l’impact qu’a eu Alessandra Bianchi sur le paysage médiatique et footballistique français, c’est l’héritage qu’elle a pu laisser dans la tête des gens. Valentina Clemente en est peut-être le meilleur témoin. Correspondante à Paris pendant huit ans pour Mediaset et le Corriere dello Sport, l’ancien canard de Bianchi, elle a rencontré pour la première fois sa consœur à une soirée organisée par le Roma Club Parigi lors d’un match de Ligue des champions. Elle avait déjà entendu parler d’elle bien avant son arrivée sur le sol français en 2012. « C’était incroyable, car en plus, à l’époque, c’est un peu bête, mais on avait plus ou moins la même coupe de cheveux, la même couleur. J’avais beau être un peu plus jeune, supportrice de Naples, on me disait : “Ah, tu vas être la nouvelle Alessandra Bianchi”, sourit Valentina. Pour te dire, un jour, chez le coiffeur, un gars m’avait dit que je lui ressemblais… C’est dire la popularité qu’elle avait réussi à avoir. Car ça ne s’arrêtait pas aux supporters de foot ou de la Roma en France, elle avait touché tout un public qui regardait la télé à l’époque. » Une cote de popularité plus importante dans l’Hexagone qu’en Italie, qui n’empêchait pas Alessandra Bianchi d’avoir ses entrées. Comme ce jour où elle a pu dégoter une longue interview avec Francesco Totti pour Canal : « Elle m’a dit assez vite lorsqu’elle est arrivée chez nous : “Je pense qu’on va pouvoir faire Totti en one to one, je m’en occupe”, détaille Mathoux. Et elle l’a eu pendant près d’une heure alors que Totti ne parlait pas beaucoup. Il ne faut pas s’y tromper : Alessandra était une personnalité importante de la ville de Rome, une journaliste fan et passionnée. Totti savait très bien qui elle était. »

Repartie dans sa patrie natale ces dernières années, Alessandra Bianchi avait perdu contact avec ses anciens compagnons de route de la télé française. Professionnellement parlant, elle a écrit quelques bouquins et travaillait jusqu’à sa disparition à la com de la Lega Pro, la troisième division italienne. Ce jeudi, un dernier hommage lui sera rendu à Ostie, une ville de la banlieue de Rome située face à la mer. « J’ai un grand sourire sur le visage en pensant à elle, mais cela rappelle malheureusement aussi à quel point la vie est fragile, conclut Tulett. La preuve : on parle d’Alessandra aujourd’hui au passé, et ça me semble irréel qu’elle ne soit plus là. On s’était un peu perdu de vue, je ne sais pas où elle en était sur la fin, si tout allait bien pour elle, qu’est-ce qui a fait qu’elle parte de façon si précoce. Et ça m’attriste. » Tous les chemins mènent à la voix cassée d’Alessandra Bianchi.

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Par Andrea Chazy

Tous propos recueillis par AC.

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