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Alcorcón : la zizanie de Roman Zozulya
Annoncé à l’AD Alcorcón, en deuxième division espagnole, Roman Zozulya a vu son transfert être suspendu par l’association de supporters du club. La raison ? Les supposées accointances entre l’attaquant et les mouvements néo-nazis ukrainiens.
Le mercato à peine entamé en Espagne, les médias officialisaient déjà l’accord entre l’Agrupación Deportiva Alcorcón et Roman Zozulya en provenance d’Albacete. Un renfort supplémentaire pour le secteur offensif alcorconero, qui souhaite alors décrocher le maintien pour une douzième saison consécutive en Segunda División. Quelques jours plus tard, ces prérogatives sportives sont pourtant balayées. En cause ? La recrue finalement pas vraiment recrutée, à cause de ses appartenances politiques.
Fin de non-recevoir
Le 26 juillet dernier, la Federación de Peñas de l’AD Alcorcón – emmenée par son groupe majeur à l’identité antifasciste, la Sección Petak – publie un communiqué vindicatif et sans équivoque concernant l’arrivée de Roman Zozulya : « Devant les rumeurs annonçant le transfert de Roman Zozulya à l’Agrupación Deportiva Alcorcón, tous les supporters, supportrices et associations s’opposent à l’arrivée d’un fasciste dans notre club et dans notre ville. » Car malgré une démarche simpliste en apparence, les faits reprochés à l’attaquant de 31 ans sont graves. Engagé dans la révolte ukrainienne au cours des conflits armés dans le Donbass, le joueur de 31 ans n’a jamais caché sa fibre patriotique. En 2014, il fonde ainsi la Narodna Armiya (Armée populaire, en français), groupe de soutien apportant une aide logistique aux volontaires de l’armée. Une initiative qui lui vaudra une médaille d’honneur, délivrée par le ministère de la Défense de son pays. Mais ces éléments ne sont en réalité qu’une infime partie des faits reprochés au natif de Kiev. Selon certaines sources, Roman Zozulya serait en fait un fasciste soutenant le Régiment Azov, un groupe paramilitaire et nazi ukrainien.
Une accusation ajoutée à sa « proximité avec une frange des ultras du Dnipro, à l’idéologie néo-nazie assumée, et avec le mouvement néo-fasciste, Casa Pound ». Les supporters ont effectivement déterré de nombreux clichés du joueur, posant en tenue paramilitaire décorée de l’emblème du Régiment Azov dont il est un farouche partisan. À ce titre, le buteur est également l’un des plus fidèles alliés d’Ihor Kolomoïsky, ancien propriétaire du Dnipro et partenaire majoritaire du bataillon. Problème, ce fameux « Régiment d’Azov » , membre de la garde nationale ukrainienne, est directement affilié à l’extrême droite locale. Parmi cette panoplie de photographies douteuses, il s’est également fièrement affiché devant une image à la gloire de Stepan Bandera. Considéré comme l’une des figures de l’ultranationalisme des années 1930 et 1940 en Ukraine, Bandera a surtout été l’un des plus proches collaborateurs du IIIe Reich en Europe orientale. Autant d’éléments à charge, venus rappeler l’aura nauséabonde entourant un homme dans la tourmente.
Un passif bien chargé
Les supporters d’Alcorcón ne sont, en réalité, pas les premiers à se mettre vent debout contre Zozulya. Les premières salves remontent au 31 janvier 2017 : alors sous contrat avec le Betis, le joueur débarque en prêt au Rayo Vallecano… où les Bukaneros, principal mouvement ultra du club, révèlent plusieurs photos de l’attaquant arborant un T-shirt sur lequel est brodé le Tryzub (armoiries de l’Ukraine et nom d’un groupe paramilitaire d’extrême droite) ainsi que des vers du poète Taras Schevchenko, souvent utilisés par les extrémistes, créant une ambigüité majeure. Une symbolique souvent reprise par le Právyi Séktor (le Secteur de droite, en VF), un groupement paramilitaire local formé par le sulfureux Andriy Tarasenko peu de temps après la révolte du Maïdan. Contraint et forcé, le Rayo prend ses dispositions en invalidant le contrat, obligeant dès lors l’homme à quitter Vallecas au lendemain de sa signature. Conformément au règlement FIFA et ayant été sous contrat avec le Real Betis puis le Rayo au cours d’une même saison, Zozulya se retrouve privé de football durant plus d’une demi-année. Les pelouses, il ne les foulera qu’au mois de septembre suivant. Mais à Albacete, sa situation empire. Le 23 mars 2019, en déplacement à Lugo, Zozulya connaît une soirée cauchemardesque. Conspué à chaque touche de balle, il est ensuite menacé de mort à plusieurs reprises par une foule s’écriant : « On aura ta peau ! »
La Liga Nacional de Fútbol Profesional ne réagit pas, et le joueur est pris dans l’engrenage. Quelques jours auparavant, ce dernier s’était par ailleurs illustré sur les réseaux sociaux par plusieurs remarques désagréables vis-à-vis du néo-international Júnior Moraes (né au Brésil) : « Moraes a choisi l’Ukraine ? Donc à partir de maintenant, moi, je prendrai le passeport brésilien et on verra leurs réactions. Vous savez très bien ce que je pense de ce genre de manœuvres, je trouve ça ridicule. » Le 15 décembre, pour son retour au Campo de Fútbol de Vallecas, un nouveau palier est franchi. Face aux sifflets et aux insultes incessantes, la rencontre est arrêtée à la mi-temps et reportée à une date ultérieure. L’affaire dépasse très vite le cadre footballistique, atteignant les plus hautes sphères du gouvernement. « Roman Zozulya, ce n’est pas seulement ton équipe qui te soutient, toute l’Ukraine est de ton côté, nous sommes avec toi », s’exclame officiellement le président de la République ukrainienne, Volodymyr Zelensky. Un cas de force majeur, pour un match rejoué le 10 juin 2020, soit cinq mois plus tard (Covid oblige). Malgré le huis clos, Zozulya est accueilli par une banderole géante indiquant que « Zozulya était et restera un putain de nazi ! » Plus d’un an après, le chapitre 4 de cette triste saga se poursuit donc aujourd’hui à Alcorcón. Et si les dirigeants du club, par la voix de leur président Iván Bravo, n’ont toujours pas réagi, l’avenir de Roman Zozulya s’obscurcit chaque jour un peu plus. Pas illogique.
Par Adel Bentaha