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Alban Ivanov: « À 18 ans, quand t’es en D8, la L1, c’est loin »
L’humoriste et comédien Alban Ivanov reçoit à l’Entracte Saint-Martin, cigarette électronique au bec, après avoir passé les plats lors d’une scène ouverte mi-figue mi-raisin. Petite discussion foot, entre champs de tournesols, amour pour Chantôme et potentiel désamour pour Zidane.
Tu fais un sketch sur le foot amateur, t’avais fait une web-vidéo Les Yeux dans Jussieu, donc on peut s’imaginer que t’es un footeux, non ? Bien vu. Les Yeux dans Jussieu, je l’avais proposé à Canal Street, mais c’était « trop street » pour eux. Un dimanche, j’étais parti filmer toute la journée le match Jussieu-La Verrière, de la D8. Et franchement, c’était un kif de voir ça. Ils étaient convoqués à midi, mais jusqu’à 14 heures, ils n’étaient que 7. Donc ils partaient dans le quartier : « Sofiaaane, descends, tu dois jouer ! » À la mi-temps, j’ai vu le plus beau discours de coach de ma vie, où on t’apprend à tirer le maillot sans que l’arbitre te grille. « Tirez le maillot ou le short derrière les gars, pas devant ! » Démo à l’appui. Pendant ce temps-là, t’avais un mec qui commençait à aiguiser une hache, au cas où ça partirait en vrille. C’était un autre monde. Une vraie journée en ligue amateur. Dans mes sketchs, j’en rajoute toujours, oui. Mais, il y a du vécu dans tout ça. J’ai grandi à Versailles, dans un quartier qu’on appelait entre nous « le Peuple de la Forêt » . Et les grands du quartier ont ouvert un club : l’Association sportive Versailles Jussieu. Une fois, on a joué sur un terrain… pfff… un champ de tournesol, la pelouse nous arrivait au bassin et on devait jouer là-dessus. C’était le foot du dimanche quoi, le vrai.
On veut évidemment connaître ton pedigree…Je jouais en D8 district. Maradona, c’était mon exemple à un moment donné. Franchement, partir tout seul avec le ballon, du milieu de terrain et mettre un but de ouf ? Grand kif. Et j’en ai mis quelques-uns. Après, mon modèle, c’était plutôt Beckham, quand je suis devenu fainéant. Je mettais des ballons nickel. Tu pourras demander à mon numéro 9. J’étais milieu gauche, toujours. 10, j’étais pas bon, trop personnel. Dans le couloir, c’était très bien, j’avais mes petites envolées, j’étais content, je kiffais les centres, les corners, les une-deux. Quand il y avait un petit trou pour passer, j’y allais. Le meilleur résultat qu’on ait fait, c’était un quart de finale perdu (2-0) de coupe de France, en moins de 18, contre Saint-Cloud. On était un peu le Calais de la compète. Ça m’a marqué. Ça peut encore me rendre triste.
Pourquoi t’as arrêté ? Manque de temps, d’envie ?Une question de choix. Je faisais déjà du théâtre d’impro à l’époque. J’avais 18 piges et je commençais vraiment à tourner, au théâtre, en spectacle. Je te cache pas que j’arrivais le dimanche plus fatigué qu’avant. Le foot, c’était ma passion, et le théâtre et le cinéma, mon métier pour l’avenir. Donc j’ai choisi. De toute façon, à 18 ans, quand t’es en D8, tu sais que ça va te prendre du temps pour arriver en Ligue 1.
Tu sais pourquoi t’as aimé le foot ?Pas trop. Je sais que ma mère, elle m’avait inscrit à l’escrime quand j’avais 4 ans. Et apparemment j’étais bon, on m’appelait Zorro. Avec mon frère, avec un an d’écart, on a toujours grandi ensemble. Et quand il s’est inscrit au foot, j’ai fait pareil et j’y ai pris goût. Surtout le collectif. J’ai toujours joué le dimanche avec des mecs que je côtoyais tous les jours. Je trouvais que le dimanche, finalement, ça montrait en 90 minutes ce qu’étaient les gens dans la vie : tu vois les combattants, ceux qui abandonnent, les mythos. C’était un petit concentré de vie. Ça m’a pas mal aidé pour le théâtre, dans l’approche des gens, des personnages.
« Ce qui me ferait plus rire aujourd’hui, c’est d’allumer Zidane »
Et le foot à la télé, t’en manges un peu ?Ma première Coupe du monde, c’était 94. Maradona, Taffarel. C’est vraiment là que je découvre le foot. Après, je me suis maté les images de Platini en Espagne, en 1986, etc.
On t’a jamais proposé d’intervenir sur des talks de foot, étant donné que t’es humoriste et passionné par le foot ?J’aurais pu. J’ai rencontré plusieurs fois Pierre Ménès, mais je trouve que c’est une piste trop facile. En tout cas, sur ce foot-là. Ce qui m’intéresse plus, franchement, c’est le football amateur. Je le trouve encore plein de défauts, et en même temps plein d’espoir. Pourquoi les gens font encore du foot ? T’en as encore plein qui rêvent d’être footballeur. T’en as, ils sont seniors, à la mi-temps ils sont avec des bouteilles de 8-6, ils te racontent : « Ouais moi, quand j’avais 13 ans, j’étais l’avant-centre du FC Versailles » etc. Voilà, je préfère plus le côté social que business du foot. Le foot showbiz, pour l’instant, ne m’intéresse plus, pour mon métier.
Pourtant il a ses côtés ridicules, sans doute à ressort comique… Mais ça se fait déjà. Franchement, Pierre Ménès, dans son rôle, soulever les points ridicules du foot pro, il le fait très bien. J’apporterais rien de neuf. En revanche, être dans le CFC et parler d’un match de D8 avec des images de Jouy-en-Josas, ça, ça me ferait kiffer. C’est le foot que je connais. Les matchs où l’arbitre de touche voit pas un hors-jeu parce qu’il discute avec sa femme. J’aime quand c’est fragile. La fausse perfection, comme le coup des 5 arbitres de Platini, je trouve ça nul perso.
Tu le trouves vraiment drôle, Ménès ?Je peux comprendre qu’il fasse chier les joueurs, mais sur le CFC, ça reste quand même le seul qui, de temps en temps, dit des choses vraies, qui dérangent un peu. Sinon, c’est de la soupe. Ce qui serait super intéressant aujourd’hui, ce serait d’avoir un footballeur en activité qui ouvre sa bouche. Il ferait un carton. Mais moi, je vois pas ce que je pourrais dire de plus. Et je trouve facile de taper sur des têtes qui se font déjà taper. Ce qui me ferait plus rire aujourd’hui, c’est d’allumer Zidane. C’est le héros. Donc, tant qu’à faire un truc marrant, j’aimerais bien m’attaquer à Zidane.
Comment ?Comme ça, j’en sais rien, ça s’écrit des trucs comme ça. Mais j’avais bien aimé pendant la Coupe du monde 1998, après son expulsion. On le voyait, à remonter ses chaussettes ou son short, en train de parler avec Laurent Blanc sur le bord du terrain d’entraînement, à dire « putaing l’enculé » , etc. Perso, ça me ferait rire de travailler sur le côté obscur de Zidane. Ça lui plairait peut-être pas. Mais en même temps, ça me fait pas peur. Si un jour, je dis un truc sur Zidane et que Zidane, il dit : « Alban Ivanov, j’ai pas du tout aimé ce qu’il a dit » , moi je pense que ma salle, elle sera blindée de ouf les jeudis, vendredis, samedis. Même avec des gens de Madrid.
« Je préfère mater ce PSG que celui de Sylvain Armand »
Tu parlais du côté business qui te repoussait et pourtant t’es supporter du PSG. C’est bien la thune qui te ramène Ibra au PSG.Ouais, mais c’est pareil dans tous les autres championnats. Ça marche comme ça, à l’oseille. Faut pas faire l’effarouché non plus, hein ! Même si en tant que joueur, je pense que je m’identifierais plus à Sakho ou Chantôme qu’à un Ibra, ou un Thiago Silva. J’aime cette idée des mecs du cru, du centre de formation qui, même pour un quart d’heure, essaient de se faire remarquer. Aujourd’hui, les gros calibres, ils préfèrent juste mettre 50 millions sur un type plutôt que de mettre 15 ans à fabriquer un pied à un type. On mise pas assez sur la formation. J’ai quand même kiffé quand Montpellier a gagné avec tous ses jeunes, hein…
Et quand t’entends, « ouais mais l’ambiance au Parc, elle a changé » … J’étais pas un fervent supporter qui allait à tous les matchs et déplacements. J’allais toujours en tribune « neutre » avec mon daron. Après, ce qui change, c’est évidemment sur le terrain. Quand tu vois les noms, c’est obligé que ça te change un club. Franchement, Ibrahimović, c’est hallucinant qu’il soit au PSG. Après, ça t’amène un autre public, des places plus chères, ça évolue, c’est plus business. Pour un neutre comme moi, pas ultra, je préfère mater ce PSG-là que le PSG de Sylvain Armand. Comme j’étais pas à fond dans l’ambiance avant, ça me change rien en fait ce nouveau Parc. Je vois juste du meilleur jeu.
T’es dur avec Sylvain Armand, c’était le roi du barbec’ au PSG, un mec d’ambiance…Ouais apparemment, il fait des grosses soirées, le Sylvain Armand. Mais il nous appelle pas, il appelle pas les humoristes. C’est pas bien ça, Sylvain !
T’as aucune entrée au PSG ?Non, pas vraiment. J’ai juste rencontré Chantôme à Marrakech récemment. Franchement, c’est ça que j’aime dans ce métier d’artiste. Tu rencontres des gens de tous horizons. Regarde : j’ai rencontré Chantôme, j’ai tourné récemment avec Olivier Marchal qui a 12 ans de PJ à Versailles derrière lui et je suis allé à Marrakech avec un mec qui sortait de 12 ans de placard pour « go fast » . C’est ça que j’aime : avoir la chance d’avoir accès à des gens très différents, socialement. Mais au PSG, j’ai pas plus d’entrées que ça. Si vous avez des réducs à So Foot, appelez-moi !
Ce sera compliqué, ils avaient préféré accréditer Grazia plutôt que So Foot pour le premier entraînement de Beckham…Arrête… Ben, mettez-vous à la mode les mecs ! Si tu veux, pour So Foot, je peux faire un défilé. 15 pages de pose avec des maillots de foot. Le Dieu du stade.
Alban Ivanov, ses dates, ses spectacles et ses dates de spectacles
Propos recueillis par Ronan Boscher