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Alain Pochat : « On ne rend pas service au PSG en les épargnant »
Ce matin, en plus de se réveiller avec la fierté d'avoir frôlé l'exploit avec Villefranche contre le PSG (3-0 après prolongation), Alain Pochat a aussi découvert le drôle de goût de la polémique. Celle née de ses propos sur les joueurs de la capitale, dans la pure lignée de ceux exprimés récemment par Thierry Laurey, et qui ont - un peu - gâché sa soirée. Alors, mea culpa ?
En 2004, déjà, vous avez affronté le PSG au Parc des Princes en 8es de finale de Coupe de France (défaite 2-0 avec l’Aviron bayonnais). « Un super souvenir » , selon vous. Moins de 24h après votre élimination avec Villefranche, quels souvenirs subsistent ? C’est du même acabit. On avait joué au Parc devant 35 000 personnes, c’était fabuleux pour tout le monde. Il y avait en plus le peuple basque qui résidait sur Paris qui avait soutenu son équipe. Là, c’est un peu la même idée, le terroir, la Calade, avec tous les gens du Beaujolais qui sont venus nous soutenir. C’est deux histoires similaires, c’est magnifique pour vivre des émotions uniques. On avait surtout tous à cœur de ne pas prendre une valise, et je suis très fier des garçons. On avait pas mal bossé tactiquement, mais de là à ce que ça se concrétise en direct live, alors que l’écart de niveau est tellement immense… J’espère que ça va nous servir pour la suite parce qu’il ne faut pas oublier qu’on va redescendre des étoiles dès ce week-end contre Dunkerque, pour essayer de rester en National 1.
À la 110e, vous avez dit sur la pelouse : « On ne peut pas les toucher. On va voir à Manchester s’ils ne vont pas se faire soulever. » Pourquoi vous avez pété un plomb ? Je dis ça parce que j’ai l’impression qu’il faut formater les matchs en protégeant les joueurs. Alors attention, je suis tout à fait d’accord sur le fait que quand il y a des attentats, il faut sanctionner. Pas de souci de ce côté-là. Après, il y a des attitudes et une pression qu’ils peuvent mettre sur le corps arbitral qui peut exaspérer. Moi, je n’ai rien contre le PSG, et je le dis avec l’humilité la plus totale, je ne me prends pas pour un autre en disant ça. Bien au contraire, je reste à ma place. Mais quand on se prépare pour jouer des matchs à Manchester, quand on voit l’intensité du championnat anglais, les impacts, il faut s’habituer. On a pu le voir à l’aller contre Liverpool, peut-être que finalement on ne leur rend pas service en les épargnant en permanence. Qu’on le veuille ou non, le foot est un sport de duels, dans la limite de l’acceptable. Il faut trouver le juste milieu entre être surprotégé et jouer l’intox par rapport à ça. Je ne pense pas que l’on ait été une équipe de voyous. Tenez, au bout de dix minutes, il n’y avait pas eu un seul coup franc de sifflé. En général, quand on veut bousculer l’adversaire, à ce moment-là on a déjà mis deux-trois tampons, et l’arbitre sévit tout de suite.
Concernant les fautes, on vous reproche deux choses : un « coup de coude » sur Marquinhos, et une manchette de Ndiaye sur Paredes. Ndiaye, il ne fait pas exprès. Il ne veut pas lui casser la jambe, hein. C’est un mauvais réflexe parce qu’il se fait déborder, il prend un jaune, voilà. Moi en tout cas, je n’ai jamais demandé dans ma causerie de casser du Parisien.
On ne vous reproche pas d’avoir joué dur, on vous reproche de…(Il coupe) Je dis ça parce qu’après j’entends les Parisiens qui reprochent que l’arbitre ne nous ait pas mis de rouge, que l’on mette la pression sur l’arbitre sur toutes les fautes, qu’on tombe un peu facilement… Si on avait fait une répétition de fautes, de fautes, de fautes, et que les joueurs réclamaient au bout d’un moment, je peux comprendre. Mais là, il n’y a pas eu ça. Et pourtant à la mi-temps quand les joueurs rentrent aux vestiaires, ils mettent une pression énorme sur le corps arbitral.
Mais concrètement il s’est passé quoi pour que vous disiez ça ?Non, c’est bon. Je ne veux pas en rajouter, ça a déjà fait le tour du monde pour un truc complètement… (Il souffle).
Si le grand public n’a pas les ramifications derrière, vos remarques paraissent un peu tombées de nulle part.Après ça n’est pas d’aujourd’hui, hein. J’ai pas découvert ça. Pourquoi Laurey il en a parlé ? Bien sûr que le PSG a des objectifs, que leur meilleur joueur est blessé, que c’est pénalisant, et qu’ils ont peur d’en avoir d’autres. Mais c’est le lot de tous les clubs qui jouent la Ligue des champions, des gars qui jouent la Coupe du Roi contre des D3. Ça fait partie du jeu.
On a du mal à savoir si les propos de Thierry Laurey ont vraiment dénoué quelques langues, ou si c’est finalement le nouveau sport à la mode, d’attaquer le PSG sur sa supposée pédanterie. Je pense qu’il a été franc. Honnête. C’est pour ça que derrière, quand on lui fait un procès d’intention, on va croire qu’on est contre le PSG parce que c’est la plus belle équipe du championnat et qu’ils jouent la C1. Mais moi au contraire, je suis le premier à soutenir Paris, et je serai très heureux s’ils gagnent 3-0 contre Manchester. Mais les joueurs n’ont pas besoin de ça, d’en faire des caisses… Ils dominent tellement.
Est-ce que ça n’est pas une problématique d’anciens joueurs défensifs ? Vous êtes un ancien milieu et défenseur, Thierry Laurey aussi… Êtes-vous de ce fait plus sensible à ce problème que Solskjær, par exemple ?Non, je ne pense pas. Ole Gunnar de son côté, il va peut-être donner des ficelles à des joueurs offensifs pour savoir comment on peut truquer un peu, jouer au chat et à la souris. C’est surtout l’attitude des joueurs que je déplore. Moi, j’ai vu des défenseurs de Paris tomber, hein, il n’y a pas que les attaquants. Et ils demandent la faute au moindre contact.
Vous avez dit en conférence de presse : « Heureusement qu’ils ne jouent pas dans les années 1980, avec Di Meco, Boli, Mozer, etc. Là, croyez-moi, ce serait beaucoup plus dur… À l’époque, ça découpait grave. » Vous qui avez joué en National 3, vous faisiez partie de ces gars qui découpaient ? J’étais un milieu récupérateur, c’est vrai, mais il ne faut pas sortir mes propos de leur contexte. Quand je dis ça, c’est pour souligner que le foot a évolué dans le bon sens. Parce que je conçois le foot comme un spectacle, et le spectacle, c’est Neymar. Mais les Clásicos Marseille-PSG des années 1980, ça découpait dans tous les sens et il n’y avait pas un rouge. Et les mecs n’avaient pas intérêt à pleurer parce que ça jouait de toute façon. Je fais un comparatif entre maintenant et ces années-là, et je pense que la vérité se trouve au milieu.
On parle de vous comme de « l’entraîneur sans diplôme » . Mais au-delà de la vanne, c’est une vraie plaie pour vous, puisque vous pourriez bien ne plus pouvoir entraîner Villefranche l’an prochain… Depuis deux ans, il faut le BEPF (Brevet d’entraîneur professionnel de football, N.D.L.R) pour entraîner en National 1, et moi je ne l’ai pas. Actuellement, je dispose juste d’une dérogation parce que j’ai fait monter Villefranche. J’étais déjà en National avant, mais le diplôme que j’avais ne suffit désormais plus. J’ai déjà postulé deux fois pour l’avoir, avec les prérequis très importants demandés, parce que quand on vient du monde amateur, on demande un certain nombre d’années d’expérience en National. Moi, ça fait dix ans que j’entraîne à ce niveau, et les deux fois où j’ai postulé, je n’ai pas été pris. Quand j’ai quitté Boulogne il y a deux ans, pour des raisons personnelles, alors que le club était en N1, j’ai été obligé de redescendre en N2. Et le fait que je remonte avec Villefranche c’est super, mais ma dérogation peut s’arrêter si je ne suis pas pris à la formation. Donc je vais me représenter, on verra bien…
C’est fou, parce que la FFF vous bloque complètement.Il y a un quota de places qui est limité, chaque année il n’y a qu’une quinzaine de coachs qui peuvent passer le BEPF. Donc forcément une grande part de ce quota est réservée au monde professionnel. Tuchel par exemple, c’est un joueur qui a fait une carrière moyenne en tant que joueur, mais qui a pu rebondir en tant qu’entraîneur en venant du monde amateur. En France, si l’on ne monte pas avec son équipe comme l’ont fait Pélissier ou Mercadal, c’est la croix et la bannière. Moi, j’ai rien demandé, on m’a imposé ce diplôme en N1. Je pense aussi que c’est pour replacer pas mal d’entraîneurs qui sont sur le carreau, et il y a du monde à replacer… Zidane, pour le coup, je lui tire mon chapeau, parce qu’il est passé par toutes les étapes. Il a été entraîneur avec la réserve, puis adjoint, il n’a pas brûlé les étapes, il a appris le métier. Alors que d’autres débarquent à leur premier entraînement sans jamais avoir posé un plot de leur vie.
Finalement, beaucoup vous accusent d’avoir voulu profiter de votre quart d’heure de gloire de médiatisation. Vous leur répondez quoi ?C’est le monde qui veut ça maintenant. C’est tellement facile de dire ça derrière un ordinateur, sous pseudo. Moi je ne suis pas du tout sur les réseaux sociaux, je ne suis pas là pour faire un débat. Je ne prétends pas non plus avoir raison. Je dis juste que pour aller au bout, en finale, et gagner la Ligue des champions, ils ont des petites choses à modifier, à commencer par leurs attitudes. Mais encore une fois, je suis à mon niveau : amateur. Je ne me prends pas pour un autre. C’est sorti naturellement parce que je suis quelqu’un de franc et de nature, quand j’ai quelque chose à dire, je le dis. Après ça plaît, ça ne plaît pas, ce n’est pas grave.
Propos recueillis par Théo Denmat