- Remise de la Légion d’Honneur
Alain Giresse, ce géant
Il fallait bien y passer un jour. Alain Giresse, joueur exemplaire de classe, de respect et d’efficacité, a été décoré ce lundi de la Légion d’Honneur. C’était « chez lui », à Bordeaux, au milieu de ses potes, et par son pote. 47 sélections en Équipe de France, 586 matches en Première Division, et une décoration de plus au palmarès. On y était pour vous…
Alain Giresse : 162 centimètres de talent pur, façonné par son club de toujours. Fasciné par ses nombreux fans aujourd’hui, encore, toutes générations confondues. Parce que ce type-là, à Bordeaux, c’est l’emblème du club, celui d’une histoire. Celui d’une légende. Celle qui a fait qu’à la fin des années 70 et dans la décennie suivante, ce n°10 de poche est devenu la star du football français. Après, ou avec Michel Platini, l’autre « number ten » planétaire. C’est selon. Et ce n’est pas cette « ombre au tableau » – comme l’on peut dire quand on est bordelais – qu’a été son passage à l’Olympique de Marseille (1986-1988), qui va ternir son image. Justement, cette image, elle est mise à l’honneur, ce jour, en Gironde. Au Haillan, Château Bel Air, même. Quoi de mieux que la maison cossue du Prince de Lescure, pour rendre hommage à ce garçon, au profil si humble ? Rien. Cette fête est sienne. Nôtre, aussi, amoureux du foot, amoureux du jeu. Et pour cela, les deux compères, Michel et Alain, sont là. Là pour échanger de bons mots, et surtout un bout d’étoffe rouge. Alors, pas celui qui voyait l’ex Stéphanois arborer autour du bras gauche le drapeau tricolore, ni celui rouge et blanc que portait Little Big Man, en marine et blanc, durant 519 matches de championnat. C’est le ruban de la Nation : la Légion d’Honneur. Ben oui, c’est comme ça, et tout de suite. Ou du moins, un peu tardivement, manifestement, car les quinquagénaires florissants, ils auraient dû la faire avant leur cérémonie.
Lacombe, Rocheteau, Trésor, Tigana…
Mais à Bordeaux, peu importe la date, pourvu que le millésime soit bon ! « Alain, la Légion d’Honneur, c’est comme en Équipe de France : il a été sélectionné pour la première fois en 1974 et il est devenu indiscutable en 1980 ! Là, il l’a eue en 2007 et il l’a reçoit en 2012 ! Il a toujours des périodes de transition où il réfléchit un peu » , plaisante Platini. On l’a compris, « Gigi » a fait traîner la consécration. Pas étonnant, quand on le connait un peu. « Il fallait que cette remise ait lieu ; on m’avait décerné la Légion d’Honneur il y a cinq ans. Donc, il fallait passer aux actes,explique un Giresse visiblement heureux de faire ça au bercail. Bon, je trainais, mais voilà, il fallait trouver un lieu… On m’avait dit de le faire sur Paris, mais je me suis demandé ce que j’allais faire là-bas, ajoute-t-il. Les Girondins, très gentiment, m’ont mis Le Haillan à disposition, puis le président de l’UEFA est venu aussi, en sacrifiant un jour de ses vacances pour venir la remettre. (…) Il fallait aussi essayer de réunir et cibler, pour ce que je pouvais attendre de ce type de remise. » C’est donc fait. Et devant du beau monde, puisque les Bernard Lacombe, Dominique Rocheteau, Marius Trésor, Patrick Battistion, Jean Tigana, Thierry Tusseau, Léonard Specht, Alain Roche, Albert Gemmrich, Roland Guillas, Nicolas De Tavernost, Francis Gillot et son staff, étaient là, entre autres. Bref, sur les coups de midi, ça sent la grande classe. Ça reluque le cocktail, aussi. Et le discours. Normal. Mais ça, ce n’était pas pour nous ! « Cérémonie privée » , prévient la sécurité. Top secret ? Bon, on peut comprendre, mais c’est quand même bien nul.
Malgré ça, les invités passent et s’arrêtent quand même un peu, histoire de rappeler qu’à la différence de certaines promotions actuelles, eux sont cool, respectueux et polis. Ils aiment le foot, quoi. Des vrais mecs, comme on les aime. Et « Platoche » d’y aller gaiment. « Bon, ça fait un peu vieux combattants » , s’amuse-t-il. Et encore, c’est en un mot. « Mais je trouve que c’est une belle opportunité de se retrouver entre copains, et de faire plaisir à une personne très forte du football français, notre ami Alain Giresse, distille-t-il avec sincérité. Il m’a demandé, et m’a fait ce grand honneur de lui donner la Légion d’Honneur.C’est donc avec plaisir que l’on vient ici. En même temps, on retrouve toute une période, celle de l’Équipe de France qui, à l’époque, était en majorité composée de joueurs des Girondins de Bordeaux. C’est bien que ça se fasse au Haillan, que le président de l’UEFA soit à Bordeaux, ville qui va accueillir l’Euro 2016… Il y a de beaux symboles. » Bah ouais ! Et ça semble si facile de parler au passé, quand on a de l’humour. « Il y a quelques années, avec Alain, on allait chercher la coupe. Maintenant, soit on donne les coups d’envoi, soit on remet des coupes ou des médailles, ajoute rieur le triple Ballon d’Or.Bon l’âge passe pour tout le monde, mais c’est bien car là, c’est une reconnaissance de l’État Français, et de personne d’autre. »
« Giresse est un grand »
C’est que Giresse, il la mérite sa croix de Chevalier. Que ça martyrise son humilité ou pas. « Alain est un géant, qui a un mental, une tenue et un comportement exemplaires, affirme Michel Hidalgo, son ancien sélectionneur. Il a toujours été comme ça dans sa vie. C’est un grand et il mérite cette Légion d’Honneur, même s’il aurait pu la mériter bien avant. Elle sera portée par quelqu’un d’exceptionnel. » Amen. Mais au fond, qu’en pense réellement l’intéressé ? « Je voulais que Michel me la remette, parce qu’il l’a ! Car pour remettre la Légion d’Honneur, il faut l’avoir,fait observer avec malice la star girondine, pour qui « ça tombait sous le sens » .Je voulais surtout rester dans mon univers, ici, entouré de ma très bonne période girondine et de celle de l’Équipe de France. C’est un peu solennel, mais je ne sais pas si mon émotion n’est pas plus grande de voir tout le monde, en fait, que d’avoir la médaille,précise-t-il, presque coupable.Ok, c’est une reconnaissance de la Nation, mais les faits d’armes dans le football ne sont pas ceux que Napoléon avait prévus ! Mais je la porterai… » Comme il a porté très haut le football français.
Par Laurent Brun, au Haillan